Appel à communication : « Des combattants studieux durant la Grande Guerre. Archéologues et historiens de l’art allemands au service du patrimoine »

img-2-small580Dès les premiers mois de la Grande Guerre une poignée d’intellectuels allemands et autrichiens a mené sur le terrain une activité de conservation et d’étude du patrimoine dans les territoires occupés de la Belgique, du nord de la France, des pays baltes, de la Pologne et de l’Italie.

Réalisés dans le cadre du Kunstschutz (service de préservations des œuvres d’art) ou à titre individuel, ces travaux ont consisté en des fouilles archéologiques (Johann Baptist Keune, Gerhard Bersu et Wilhelm Unverzagt, etc.), des études muséographiques (Adolf von Feulner, Detlev von Hadeln, Hugo Kehrer, etc), des monographies urbaines et des études architecturales (Paul Clemen avec le Kunstschutz, Christian Rauch, Hermann Burg, Hermann Erhard, Franz Schnabel, Hermann Erhard, Joseph Clauss ), ainsi que des études sur la reconstruction (Bodo Ebhardt, Erdmann Hartwig, etc.).
Ces études partiellement publiées à partir de 1917 eurent un impact considérable sur la connaissance des patrimoines étudiés. Les historiens allemands se sont très tôt intéressés à elles et à leur statut dans le discours allemand officiel sur la Grande Guerre. En revanche l’historiographie française les a le plus souvent ignorées, récusant inconsciemment un regard, même scientifique, de l’ancien ennemi sur son patrimoine. Toutefois, les conditions exceptionnelles de leur élaboration et de leur publication en situation de guerre et d’occupation ne sont que rarement évoquées et encore moins souvent analysées côté allemand. Depuis les années 1990, un regain d’intérêt peut être observé, avec les publications de Christina Kott, Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupées, 1914-1918, 2006 ; Heino Neumayer, Die merowingerzeitlichen Funde aus Frankreich, 2002 ; Julien Trapp, L’archéologie à Metz. Institutions, pratiques et résultats. Des travaux de Keune à l’archéologie préventive (1896-2008), 2012. Au premier semestre 2014, une exposition en deux volets (musée de la Chartreuse à Douai, Forum antique de Bavay) s’est intéressée aux travaux menés sur le patrimoine artistique et archéologique durant la Grande Guerre.
En relation avec les commémorations du centenaire de la guerre 1914-1918, organisées par la ville d’Arras et les conseils généraux du Pas-de-Calais et du Nord, le Centre de Recherche et d’Études Histoire et Sociétés de l’Université d’Artois (CREHS) organise un colloque international sur les questions induites par cette activité singulière dans un cadre militaire.
Les zones qui ont constitué le « terrain de manœuvres » du Kunstschutz embrassent un cadre géographique large : on se limitera ici, pour le front ouest, aux territoires situés de part et d’autre de la frontière franco-belge, et sur le front oriental, à la Pologne, dont le cas est encore mal connu.

La période chronologique retenue correspond à celle de l’activité du Kunstschutz : mis en place en 1915, il cessa sa mission en 1920, le traité de Versailles ayant imposé à l’Allemagne la restitution des œuvres d’art enlevées durant le conflit. De même, le traité de Riga (1921) obligea la Russie et l’Ukraine à restituer à la Pologne les biens « présentant une valeur historique, nationale et culturelle ».

Présentation scientifique : axes proposés

1) Les objectifs et les auteurs de cette « stratégie patrimoniale »

La question de la protection des biens culturels en 1914 (Lieber Code de 1863, Déclaration de Bruxelles de 1874, Oxford Manual de 1880, les conférences de paix de La Haye de 1899 et 1907).
Au-delà des destructions spectaculaires à fort effet symbolique (Louvain, cathédrale de Reims), les Allemands s’efforcent de préserver le patrimoine, notamment pour montrer leur supériorité culturelle et leur « défense de la civilisation » (Kultur). La mise en place d’un service spécifique, le Kunstschutz, est destinée à améliorer leur image diplomatique, à justifier leur histoire et à préserver le patrimoine.
Les responsables de la politique patrimoniale : leur formation, leurs fonctions dans le civil, l’incidence de ces travaux sur leur carrière. Peut-on parler d’une cohorte, d’un groupe, d’une génération, et dans l’affirmative, quelles sont ses caractéristiques ?

2) La démarche scientifique allemande
Méthodologie. Bien avant 1914, l’histoire de l’art est une discipline à part entière en Allemagne, ce qui n’est pas encore le cas en France, et les pratiques allemandes d’analyse et de conservation sont plus avancées (Wilhelm von Bode). Quelles incidences ces travaux ont-ils eues sur les disciplines impliquées ?
Les interactions entre occupés et occupants dans ce domaine : rapports directs et sur place (les conservateurs de musées français ou belges et les historiens d’art allemands en charge des musées en territoire occupé) ; rapports indirects et/ou décalés dans le temps, par le biais de publications.
Les situations de conflits : des « phases d’apprentissage intensif » ? « Un échange non malgré, mais justement en raison de relations riches en conflits » ? (concept Vom Gegner lernen établi par Daniel Schönpflug et Martin Aust, entre autres).
Moyens mis œuvre : photographies, relevés, études comme celles de Paul Clemen, éd, Kunstschutz im Kriege, 1919, 2 vols, Vol. 1 Westfront ; série des guides Aus Städten und Schlössern Nordfrankreichs, 1921, etc.
Réalisations muséographiques et déplacement des œuvres vers la Belgique avant les combats de 1918.
Comparaison éventuelle avec les stratégies alliées en matière de protection patrimoniale. En particulier, il ne sera pas inutile de s’interroger sur l’attitude des Britanniques et des Russes.
Comparaison avec la situation en Pologne après la guerre russo-polonaise de 1919-1921 et la paix de Riga (18 mars 1921).

3) Les suites politiques et culturelles
Bilan des méthodes de préservation et des restitutions (en cas d’évacuation).
Les publications issues des travaux : leur nature et leur format (études scientifiques ; vulgarisation : guides touristiques, albums-souvenirs de photographies).
Une démarche novatrice ? Dimension d’historiographie comparée : on pourra notamment s’interroger sur d’éventuels parallèles avec les guerres du XIXe siècle.
L’impact de cette démarche sur la législation internationale du patrimoine et dans les conflits ultérieurs (par exemple pendant la Seconde guerre mondiale).

Organisation

1) Informations administratives
Lieu : Université d’Artois, Arras.
Nombre de communications : une vingtaine.
Retour des propositions de communication : une page maximum, en français, en anglais ou en allemand :

30 octobre 2014

Calendrier définitif : 30 novembre 2014.
Colloque international: Arras, 19-20-21mars 2015
  
2) Organisateurs

  • Laurence Baudoux, Maître de conférences en histoire de l’art, Université d’Artois, Conservateur délégué des Antiquités et Objets d’Art du Pas-de-Calais,
  • Michel-Pierre ChÉlini, Professeur d’histoire contemporaine, Université d’Artois,
  • Charles Giry-Deloison, Professeur d’histoire moderne, Directeur de l’EA 4027 CREHS, Université d’Artois.

3)Comité scientifique
Outre les responsables ci-dessus :

  • Raphaël Clotuche, INRAP (Institut national des recherches archéologiques préventives, Paris).
  • Christian Fuhrmeister, Zentralinstitut für Kunstgeschichte, München/Munich.
  • Godehard Janzing, Directeur adjoint du Centre Allemand d’Histoire de l’Art  / Deutsches Forum für Kunstgeschichte, Paris.
  • Christina Kott,  Maître de conférences, Université Panthéon-Assas Paris 2, chercheure associée IHTP, Paris et Centre Marc-Bloch, Berlin.
  • Hubert Locher, Direktor Deutsches Dokumentationszentrum für Kunstgeschichte – Bildarchiv Foto Marburg, Professor für Geschichte und Theorie der Bildmedien Philipps-Universität Marburg.
  • Catherine Mac Kenzie, université Concordia, Québec.
  • Jacques Philippon, conservateur régional des monuments historiques, DRAC (Direction régionale des affaires culturelles Nord – Pas-de-Calais), Lille.
  • Bénédicte Savoy, Professor Technische Universität Berlin, Institut für Kunstwissenschaft und Historische Urbanistik.
  • Tom Verschaffel, Katholieke Universiteit Leuven.

 
4) Contacts 
Aspects scientifiques :

Aspects administratifs : Nathalie Cabiran : nathalie.cabiran@univ-artois.fr
tel. : 00 33 (0)3 21 60 38 21

Université d’Artois, CREHS, 9, rue du Temple
BP 10665
F – 620230 Arras cedex

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