Appel à contribution : Genres littéraires et peinture

Ce colloque a pour but d’examiner l’interaction entre les genres littéraires et la peinture, par une analyse à la fois des contextes, des modalités opératoires et des effets esthétiques qui en résultent. A ce titre, il prolonge les recherches engagées dans l’ouvrage Écrire la peinture entre 18e et 19e siècles (dir. : Pascale Auraix-Jonchière, 2003), mais dans une perspective différente et complémentaire.
Depuis la modernité, la relation entre les arts est passée d’une relation concurrentielle, marquée par l’ut pictura poesis et la pratique de l’ekphrasis, à une relation d’émulation et de saine complémentarité, où chacun des arts a su enrichir ses techniques, sa palette et ses conceptions au contact les uns des autres. Dans le même temps, l’art abstrait a provoqué une remise en question de la critique d’art  et de la description notamment,   et comme la littérature connaît  aussi sa phase de « défiguration », les innovations se répondent d’un champ à l’autre et donnent lieu à des pratiques en miroir, comme le collage ou le calligramme. Ces relations ont été amplement détaillées ces dernières années à l’aide d’exemples précis, choisis dans des oeuvres plus particulièrement « synesthésiques », ou dans des relations ou mouvements particulièrement riches en échanges.

En revanche, on a encore peu interrogé les grandes catégories nous permettant d’appréhender chacun de ces domaines esthétiques et de penser la relation entre les arts d’un point de vue plus théorique qu’historique. Ainsi le genre, qui a connu ces dernières années un regain d’intérêt grâce aux travaux de Combe, Mortier et Schaeffer notamment, nous semble particulièrement apte à pratiquer une passerelle entre les esthétiques et poétiques littéraires et picturales. Pourtant les exemples d’oeuvres qui pratiquent des emprunts génériques abondent, tant en littérature qu’en peinture. Qu’on songe à des oeuvres littéraires fondées sur des genres picturaux : paysage, fresque, portrait, nature morte, nu, marine, eaux-fortes, croquis, caricature, bambochade ; ou à d’autres catégories génériques qui semblent exprimer une certaine hybridité, comme si leur inscription se situait d’emblée dans un carrefour propre à déstabiliser les frontières génériques : la nocturne, la fantaisie, le caprice, l’impression, l’improvisation, la composition, l’idylle, l’allégorie, le blason, le bestiaire, l’épitaphe, la stèle. Ce caractère hybride serait peut-être le témoignage du double appui que pratique le discours esthétique depuis Hegel, lorsqu’il veut définir chaque art par le contrepoids des autres arts qui s’en distinguent, une démarche qu’on retrouve dans les études génériques également, et qui mériterait une attention plus précise. Par exemple, les raisons qui distinguent le blason du genre romanesque sont-elles les mêmes que celles qui le distinguent de l’art musical (à supposer que le blason soit d’emblée poétique et pictural) ? Cette double frontière invalide-t-elle la spécificité du blason, ou au contraire la définit-elle ?
En outre, la critique d’art elle-même s’impose de plus en plus comme un genre autonome, alors qu’elle est nécessairement constamment déportée hors d’elle-même, non seulement vers l’autre médium critiqué (en l’occurrence la peinture), mais aussi vers d’autres genres littéraires, comme le propose Baudelaire dans son fameux passage sur le « sonnet ou l’élégie » critique. Le dialogue chez Diderot, la « divagation » chez Mallarmé, l’image surréaliste chez Breton, disent tous comment la critique d’art tire sa spécificité des relais qu’elle implique à l’autre art dans un premier temps, mais aux autres genres littéraires également ; et inversement, plusieurs pages de la Recherche ou de romans picturaux s’approchent du genre critique jusqu’à s’y confondre, ce qui demanderait à être précisé. Si plus personne ne croit à la « pureté » des genres, croit-on pour autant qu’il se définisse par son « impureté » ? Ainsi, pour le Barthes de S/Z, toute description porte d’abord sur un « tableau du réel », car elle utilise la même fenêtre que le peintre pour découper et encadrer une portion du réel et en proposer une image, plus ou moins réflexive/réfléchissante. En affinant ses méthodes, ses techniques et ses formes, en cherchant à innover, la littérature peut être amenée comme naturellement à reprendre à la peinture, non pas ses sujets, ses idées ou ses techniques, mais bien des catégories plus abstraites et plus susceptibles de résister à la transposition, comme les genres.

Cette manifestation relève du programme Dynamique des genres littéraires (coord. : Alain Montandon et Saulo Neiva), qui se fonde sur une conception du genre littéraire en tant que processus en formation permanente. Dans le cadre de ce programme, le projet Genres au-delà des frontières littéraires vise à examiner la transformation et le fonctionnement des genres grâce à une réflexion de fond sur la transgénéricité, afin de les analyser non pas de manière isolée, dans l’histoire littéraire, mais en relation avec d’autres savoirs et environnements culturels.

Le colloque est organisé par le Centre de Recherches sur les Littératures et le Sociopoétique (CELIS EA1002), en collaboration avec l’Université d’Ottawa ; responsables scientifiques : Nelson Charest (Département de français, Université d’Ottawa) et Anne-Sophie Gomez (CELIS EA1002).
Les propositions de contributions (une page environ, assortie d’une notice bio-bibliographique d’une dizaine de lignes) sont à adresser  à Anne-Sophie Gomez : a-sophie.gomez@univ-bpclermont.fr

Source : http://www.fabula.org/actualites/article42132.php

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