En France, la création de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture en 1648 institutionnalise la primauté des beaux-arts sur les arts dits mécaniques. Alors que l’Académie et ses imitations provinciales instruisent les peintres et les sculpteurs, les artistes/artisans apprennent leurs métiers au sein des corporations, des manufactures ou bien encore des « écoles de dessin » qui se multiplient à partir de 1750. En effet, le dessin est un enjeu majeur dans l’apprentissage de ces arts, dits décoratifs à partir du XIXe siècle. À cette époque, l’ouverture de départements spécialisés dans les musées, l’accroissement du nombre de revues, les réformes pédagogiques au sein des écoles de dessin témoignent d’un désir d’étudier les objets d’art, de reconsidérer la hiérarchie entre arts mineurs et arts majeurs, mais aussi d’en renouveler la production d’un point de vue esthétique et technique. L’idéal de la fusion des arts et celui de l’artisan-créateur sont toutefois confrontés aux nécessités d’une production en série qui réduit la part de créativité d’une main d’œuvre bon marché. La question du statut des arts demeure centrale au XXe siècle, prolongée notamment à travers la notion plus récente de design industriel. Néanmoins, les réflexions entamées au XIXe siècle permettent un élargissement des domaines d’enseignement : vers le costume, l’affiche, le vitrail, l’éclairage autour de 1920 ; ensuite, vers le graphisme, la presse, la publicité ; puis vers l’informatique. Ajoutons enfin, l’entrée timide des arts décoratifs au sein de l’enseignement universitaire de l’histoire de l’art.
L’histoire des arts décoratifs est parcourue de débats et cette notion est en perpétuelle évolution. C’est pourquoi cette journée d’étude propose d’explorer ce domaine comme champ d’un savoir digne d’être l’objet d’une transmission. Il s’agit d’interroger les enjeux de l’enseignement délivré aux élèves et de comprendre, au sein de l’enseignement de l’histoire de l’art, la fonction occupée par les arts dits décoratifs par rapport aux beaux-arts. Les travaux historiographiques sur le sujet étant encore relativement peu nombreux, il serait utile de faire un état de la recherche. Cet appel s’adresse donc à tous les chercheurs et, en particulier, aux étudiants de master, aux doctorants et aux jeunes docteurs. À travers l’étude des sources écrites et des institutions, pourront être abordés le contenu des connaissances délivrées aux artistes ou aux étudiants, les méthodes pédagogiques mises en œuvre, la rhétorique des discours, les politiques éditoriales et les éventuelles récupérations idéologiques à l’œuvre dans la transmission d’un savoir relatif aux arts décoratifs.
La réflexion pourra s’articuler autour des problématiques suivantes, qui ne constituent cependant pas
une liste exhaustive :
> En perpétuelle mutation, la terminologie employée pour les arts décoratifs et les artistes associés peut être questionnée. Comment nomme-t-on ces arts (arts mécaniques/arts libéraux, arts mineurs/arts majeurs, art industriel, design, etc.), les artistes (artiste, décorateur, artisan…) et les métiers auxquels ces derniers sont formés ?
> Quelle est la part de l’enseignement théorique relativement à l’enseignement pratique au sein des lieux de formation ? Quelle est la place du dessin/dessein dans l’apprentissage ? Copier, imiter ou créer : quelles compétences sont attendues des artistes/artisans ? À quel(s) niveau(x) ces derniers interviennent-ils dans le processus allant de la création à la réalisation de l’objet d’art ?
> Dans quelle mesure ces questions et celles liées aux variations terminologiques peuvent-elles être révélatrices du statut des arts décoratifs, de celui des artistes/artisans ainsi que d’une classification artistique ?
> Quels types d’ouvrages sont à la disposition des artistes/artisans ? À quelle échelle ceux-ci sont-ils édités ? Quelle est l’histoire des bibliothèques destinées aux arts décoratifs ?
> Quel rôle les institutions publiques exercent-elles sur l’orientation de l’instruction ? Il convient également d’interroger la création des diplômes d’État pour les décorateurs et les architectes.
> Par ailleurs, la dimension commerciale et lucrative des objets d’art décoratifs agit-elle sur l’enseignement ?
> Dans cet enseignement français, quel rôle jouent les textes purement théoriques dans la perception de ces arts et leur apprentissage ? Par exemple, quel usage est fait des théories modernes telles que les pensées anglaises ou germaniques (Semper, Riegl) ou encore du Bauhaus et du discours des Modernes ?
> À quelle époque les arts décoratifs sont-ils intégrés dans l’enseignement universitaire de l’histoire de l’art ? En retour, comment s’intègre l’histoire de l’art « traditionnelle » dans la formation des artistes/artisans ? Comment cette question fut-elle abordée dans les discours des historiens et historiens de l’art ?
Les propositions de 300 mots environ sont attendues avant le 26 septembre 2014 à l’adresse suivante : arts.decoratifs.savoirs@gmail.com
Équipe organisatrice :
Anna Jolivet, Docteur en Histoire de l’art contemporain, Centre François-Georges Pariset (EA 538) Université Bordeaux Montaigne
Élodie Lacroix Di Méo, Docteur en Histoire de l’art contemporain, Centre François-Georges Pariset (EA 538) Université Bordeaux Montaigne
Élodie Pradier, Doctorante en Histoire de l’art moderne, Centre François-Georges Pariset Université Bordeaux Montaigne
Comité scientifique :
Pascal Bertrand, Professeur d’Histoire de l’art moderne,directeur du Centre François-Georges Pariset (EA 538) Université Bordeaux Montaigne
Dominique Jarrassé, Professeur d’Histoire de l’art contemporain, Centre François-Georges Pariset (EA 538), Université Bordeaux Montaigne
Myriam Métayer, Maître de conférence d’Histoire de l’art contemporain, Centre François-Georges Pariset (EA 538), Université Bordeaux Montaigne
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