Cette session est le fruit d’une co-organisation entre Cornucopia et la SIEFAR (Société Internationale pour l’Etude des Femmes de l’Ancien Régime). Les séances auront lieu les 9 janvier, 6 février et 12 mars 2016 de 10h à 13h en Sorbonne, salle Paul Hazard
La vitalité des études sur le corps et les représentations qu’il suscite dans l’histoire, l’art et la littérature est particulièrement visible ces dernières années, comme en témoigne la parution des synthèses magistrales que sont l’Histoire du corps et l’Histoire de la virilité[1]. Il n’est pas étonnant par ailleurs que Judith Butler ait intitulé l’un de ses livres majeurs Des corps qui comptent : le corps est en effet au cœur des problématiques agitées par les études de genre.
Nous souhaiterions, au cours de cette session de séminaire, interroger la place du corps féminin à la Renaissance à travers trois angles d’approche qui doivent permettre le dialogue interdisciplinaire :
- le corps des femmes en religion
- la laideur féminine
- le corps des femmes, objet de péché
La Renaissance est précisément la période où la prise de conscience de soi, de l’homme et de la femme en tant que persona pose la question de la place du corps dans la société, comme l’a montré Marie-Clarté Lagrée dans sa thèse sur la naissance de la « figure de soi » à la Renaissance. Lise Wajeman rappelle de son côté que les représentations d’Adam et Eve se multiplient, c’est-à-dire que la focalisation se porte sur le moment de la naissance et de la prise de conscience des corps dans leur différence sexuelle[2].
« Souci de soi », « corps qui comptent », « corps des autres »… Selon H. Merlin-Kajman, il y avait quelque chose « d’un peu irrespirable dans [le] permanent éloge du corps » qu’elle ressentait dans le domaine des études féministes et de la recherche en général des années 1970[3]. Elle explique qu’elle s’est intéressée au XVIIe siècle justement parce qu’il est l’inverse de la liberté du corps. De fait, à la Renaissance le corps, qu’il soit celui des hommes ou celui des femmes, constitue un objet de contraintes. La place du corps féminin en religion est symbolique de ces contraintes et des tensions qui touchent le corps, plus particulièrement le corps féminin. On pense aussi bien à l’enfermement conventuel qu’aux pratiques martyrologiques ou extatiques et du même coup quasi libératoires d’une Thérèse d’Avila. Les controverses religieuses, constitutives de ce siècle, jouent également un rôle central dans ces interrogations sur le corps en général et sur celui de la femme en particulier.
Par ailleurs, s’il n’y a plus forcément de « permanent éloge du corps » dans les études féministes actuelles, ce dernier reste très (re)présent(é) dans la vie quotidienne comme dans la recherche, et même de façon croissante. Les publicités, omniprésentes, étalent sous nos yeux des corps stéréotypés. Lorsque l’on tape « corps des femmes » ou « corps féminin » sur un moteur de recherche, on trouve des textes, des images et des vidéos parlant de morphologie, de sexualité, d’attitude idéales, des dictats de la mode et des apparences, de rébellion nécessaire, de liberté du corps – donc de soi – à retrouver. Or, le corps des femmes à la Renaissance est considéré comme une variante nécessairement imparfaite du corps masculin, modèle de référence, que l’on retrouve aussi bien dans les planches anatomiques de Vésale qu’en peinture. Aussi nous intéresserons-nous à cet aspect imparfait du corps féminin et donc à la laideur féminine aussi bien dans sa dimension esthétique que morale.
Cette dimension morale conduit naturellement à poser la question du corps féminin comme image-même du péché : c’est ainsi qu’il a été traité lors des violences religieuses, comme l’a montré Denis Crouzet, pour qui, lors des massacres protestants comme catholiques, « le viol identifie la vérité de la femme, brise son masque de fausse pudeur, et fait brutalement ressortir son impudicité […] L’hérétique est adultère, et le rite sur le corps n’est pas un rite de dérision, il est sérieux, acte de révélation de l’immensité du péché de celles qui, en se détachant de l’amour unique qu’elles devaient à Dieu, ont donné leurs corps à Satan par amour de leur corps, se sont comme enlacées dans une étreinte amoureuse avec lui[4]. » Au-delà de la luxure, auquel le corps féminin est le plus souvent associé, nous souhaiterions poser la question des autres péchés capitaux que le corps féminin pourrait engendrer : gourmandise, avarice, envie, orgueil, colère, paresse sont autant de menaces auxquelles l’homme de la Renaissance est susceptible d’être confronté.
Les communications durent de 30 à 45 minutes maximum et sont suivies d’un débat d’une quinzaine de minutes, dont il est fait état par compte rendu sur le site de l’association Cornucopia.
La revue à comité de lecture Le Verger est susceptible, selon le souhait des intervenants, d’accueillir ces communications sous forme d’article, sous réserve d’approbation par le comité de lecture.
Les propositions de communication doivent être envoyées avant le 10 décembre 2015 par voie électronique à l’adresse site.cornucopia@gmail.com.
Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et nous vous remercions par avance de votre collaboration.
Anne Debrosse, Armel Dubois-Nayt et Marie Goupil-Lucas-Fontaine
[1] A. Corbin, JJ. Courtine, G. Vigarello (dir.), Histoire du corps, 3 vol. Paris, Seuil, 2005 et Histoire de la virilité, 3.vol., Paris, Seuil, 2011
[2] Marie-Clarté Lagrée, « C’est moy que je peins ». Figures de soi à l’automne de la Renaissance, Paris, PUPS, 2012 ; Lise Wajeman, La Parole d’Adam, le corps d’Eve. Le péché originel au XVIe siècle, Genève, Droz, 2007.
[3] Dans « Corps, émotion, lecture. Le “classicisme” pourrait ne pas être l’antithèse de la “modernité” », dans Corps et Interprétation, p. 49.
[4] Denis Crouzet, Les Guerriers de Dieu, p. 245-246, Seyssel, Champ Vallon, 1990.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.