Appel à communication: « Quand on arrive en ville. Espaces, transports, perceptions et représentations – XVIIIe-XXIe s. » (Bruxelles, 15-16 octobre 2015)

Capture d’écran 2015-02-26 à 10.07.46Organisé à Bruxelles les 15 et 16 octobre 2015, le colloque « Quand on arrive en ville. Espaces, transports, perceptions et représentations (18e-21e siècles) » est une initiative du projet de recherche MICM-arc (micmarc.ulb.ac.be), basé à l’Université libre de Bruxelles. À travers la problématique de l’arrivée en ville, de ses modalités, des impressions et des représentations qui en découlent, le colloque permettra d’interroger les rapports entre mobilité, culture et identité métropolitaine qui sont au cœur de ce projet de recherche.

Longtemps ceintes de murailles, les villes anciennes possédaient une délimitation claire et des voies d’accès définies par leurs portes d’entrée. Ces seuils et leurs formes, leur fonction de contrôle des flux et leur dimension symbolique ont déjà été bien étudiés par les historiens[1]. Les transformations ultérieures de la ville, liées à son industrialisation et à sa croissance, ont radicalement modifié son approche : non seulement les modes de déplacement se sont diversifiés dans la seconde moitié du 19e siècle, mais les frontières de la ville n’ont cessé de s’étendre, rendant obsolètes les anciennes portes, et de plus en plus diffus le paysage périurbain. À l’époque actuelle, les entrées et sorties d’autoroutes ou les giratoires semblent avoir remplacé les portes, et les équipements qui s’égrènent le long des chaussées reliant les villes rendent leurs frontières souvent difficiles à percevoir[2]. De plus, une part croissante, voire majoritaire, des arrivées en ville ne s’effectue plus de manière graduelle, via un cheminement routier, mais par l’intermédiaire des sas que sont les gares et aéroports, à partir desquels les voyageurs accèdent sans transition aux espaces urbains centraux. Ces métamorphoses retentissent sur l’expérience des usagers ; au-delà de l’analyse des espaces, des lieux d’arrivée en ville et de leurs transformations, il convient aussi d’envisager la dimension symbolique et subjective de ces passages d’un espace à un autre, et d’étudier les perceptions et les représentations associées à l’entrée en ville.

Dans le cadre du présent colloque, nous chercherons à interroger les modalités d’entrée en ville, en fonction de l’évolution des limites urbaines et des moyens de transport, tant sur le plan de l’aménagement des espaces traversés qu’au prisme du regard de celui/celle qui se déplace.

L’approche envisagée se veut résolument interdisciplinaire (historiens, géographes, architectes et urbanistes, sociologues, historiens des arts,…), comparative sur le plan des villes étudiées (avec un intérêt particulier pour Bruxelles) et placée dans les temps longs du développement urbain (de la ville proto-industrielle à la métropole postindustrielle). Elle se déclinera en 3 axes complémentaires.

Le premier axe sera dédié aux espaces par lesquels les usagers fréquents ou occasionnels pénètrent dans les villes et aux moyens de transport qu’ils utilisent pour ce faire.

À l’arrivée lente et à l’entrée déterminée par l’origine du déplacement, propre aux transports des 18e et début 19e siècles, se sont substituées de nouvelles formes d’entrer en ville, rapides, souterraines ou aériennes, multiples ou uniques, centrales (gares) ou périphériques (aéroports), voire contournantes (rings), qui bouleversent les manières d’arriver dans la cité.

Dans ce cadre, seront tout abord abordées les questions relatives à la notion d’entrée de ville et son articulation avec celles de limite urbaine et d’accessibilité. La focale portera ensuite sur les formes spatiales des entrées de villes, examinées en étroite relation avec les moyens de locomotion utilisés.

  • Une typologie des entrées de ville (espaces, infrastructures et paysages) est-elle envisageable ? Peut-on parler d’homogénéisation de ces espaces (via notamment l’existence d’une typologie architecturale spécifique) ou au contraire sont-ils la scène des tentatives de distinction de villes par rapport à leurs voisines ?
  • Quel type de skyline se dessine aux entrées de ville aux différentes époques ? Observe-t-on des modèles d’urbanisme spécifiques à ces espaces fonctionnels autant que symboliques?
  • Comment sont aménagés les abords des entrées de ville ? Quels équipements (hôtels, musées, marchés, commerces, etc.) et fonctions (économique, touristique, culturelle, santé, etc.) se rassemblent autour des infrastructures de transport ou des portes de la ville ?
  • Quelles sont les formes données à ces infrastructures (ce qui est rendu visible ou invisible, symbolique architecturale, prise en charge des enjeux sécuritaires, conjonction d’espaces de mobilité et de consommation/restauration, etc.) ?
  • Quels acteurs publics ou privés modèlent ces entrées de ville (quartiers ou gares, p.ex., très liés au secteur hôtelier au tournant du 20e s.) ?
  • Etc.

Un deuxième axe du colloque sera consacré aux perceptions associées à l’entrée en ville.

Les espaces qui marquent l’arrivée en ville et leur physionomie – qu’il s’agisse d’infrastructures ou de portions de territoire – amorcent en effet la découverte de la ville et l’expérience qu’en conservera celui/celle qui se déplace. La découverte de Venise en bateau, depuis sa lagune, renforce le statut de ville bâtie sur les eaux, tout comme les architectures de fer et de verre définissant la typologie de la gare au 19e siècle[3] concourraient à faire de ces lieux d’arrivée des métropoles modernes et ambitieuses (ce qui rappelle les « gestes architecturaux » posés aujourd’hui pour l’aménagement des gares et aéroports).

Avant même l’arrivée à destination, la phase d’approche et ses conditions (vitesse, dégagement de la vue, perceptions sonores ou olfactives, etc.) offre donc un aperçu singulier de la ville, celui de sa ligne panoramique ou d’un quartier particulier, influençant les premières impressions, sans être représentatif de l’agglomération à découvrir. Selon le lieu d’origine du déplacement (petite ou grande ville, étrangère ou pas, banlieue), sa fréquence et ses raisons (travail, tourisme, exil, émigration, etc.), les perceptions de l’arrivée en ville se trouveront également affectées. Voyageant d’une ville à l’autre, quittant son référentiel urbain pour le confronter à d’autres environnements, celui qui se déplace acquiert de nouvelles expériences à travers sa mobilité et redéfinit ainsi le regard qu’il pose sur les cités visitées[4].

Cet axe de questionnement sera l’occasion d’interroger ce à quoi l’on perçoit que l’on est arrivé en ville.

  • Qu’est-ce qui marque l’entrée en ville, comment est-elle perceptible ou mise en scène (frontière physique, signalisation, monuments, œuvres, etc.) ? L’absence de dramatisation est-elle aussi révélatrice ?
  • Comment ces dispositifs ont-ils évolué avec l’évolution du territoire urbain et la disparition de ses limites ?
  • Le temps et les haltes mis pour accéder au centre de la ville permettent-ils de percevoir les traits saillants de son identité (ancienneté, architecture, composition sociale, relief, etc.) ?
  • Comment les transports modalisent-ils la perception de l’entrée en ville (lente découverte des abords de la ville ou plongée directe au centre en arrivant par un transport souterrain) ?
  • Quand est-on arrivé à destination ? Qu’est-ce qui, de la sortie du train ou de l’avion, du franchissement d’une porte ou d’un péage, du premier pas dans la gare ou dans l’espace public, du parquement de la voiture ou de la vue d’un monument emblématique signale la fin du voyage ?
  • Comment les perceptions de l’entrée en ville sont-elles influencées par le profil de celui/celle qui se déplace (lieu d’origine, nature du déplacement, fréquence) ? Qu’en est-il pour le voyageur régulier, le navetteur qui tous les matins entre en ville ?
  • Etc.

Un troisième axe d’interrogation portera sur les représentations de l’arrivée en ville.

Mêlant expérience réelle, connaissances antérieures (via des guides de voyage, des témoignages, etc.) et sensations personnelles, les représentations de l’arrivée en ville et de ses lieux d’entrée offrent une perspective intéressante, à la fois sur le plan historique, artistique et symbolique.

L’arrivée en ville est le point de départ de l’action, ou une inflexion de son cours : elle est d’ailleurs un topos littéraire en soi, qu’il s’agisse du bildungsroman, du roman d’ascension sociale du 19e siècle, ou de récits contemporains. À travers l’entrée en ville se dessinent les espoirs du voyageur, ses attentes par rapport à ce que la ville a à lui offrir et les représentations qu’il se fait du lieu dans lequel il va évoluer. Construites préalablement grâce aux récits d’autres voyageurs, aux informations des guides touristiques et nourries par les représentations qu’en ont données les artistes, les attentes de celui/celle qui se déplace se juxtaposent à ses propres perceptions, une fois arrivé(e) en ville. Figeant et transformant les souvenirs, filtrant, accumulant les perceptions, les œuvres littéraires, cinématographiques, sonores ou picturales traitant de l’entrée en ville témoignent de ces sensations accumulées. Bien souvent, l’expérience sensorielle multiple du moment d’entrée se traduit par un rendu formel particulier, une superposition d’impressions transcrite par des modes de représentation nouveaux (que l’on songe aux gares en peinture ou au rôle du train dans les débuts du cinéma p.ex.).

Dans ce dernier axe, il sera question à la fois de la construction des représentations de l’arrivée en ville en amont du voyage, et des représentations artistiques qui en découlent en aval.

  • Comment les guides de voyage historiques et contemporains décrivent-ils l’entrée en ville (par où entrer, comment, quelles descriptions, etc.) ?
  • Comment les nouveaux moyens de communication amènent aujourd’hui les voyageurs à se forger une opinion de la destination avant le voyage (influence des notations et avis de voyageurs, visibilité des villes sur le net) ?
  • Quelles sont les formes à travers lesquelles l’entrée en ville a été représentée à travers le temps, correspondent-elles à des esthétiques particulières, à un rendu littéraire singulier ? Y a-t-il une dramaturgie récurrente de l’entrée en ville ?
  • Comment les lieux de modernité associés aux déplacements ont-ils inspiré les avant-gardes ? Sont-ils toujours aujourd’hui un terrain privilégié des actions artistiques ?
  • Existe-t-il une réflexion créative sur la représentation sonore de l’entrée en ville, en particulier ?
  • Pour se distinguer et influencer les perceptions de l’entrée en ville, il n’est pas rare aujourd’hui que des représentations artistiques placées in situ influencent à leur tour celles des voyageurs.  L’ajout d’œuvres d’art est-il désormais inhérent à l’aménagement des lieux de mobilité, quand ceux-ci ne sont pas eux-mêmes des ouvrages d’art signés par des grands noms de l’architecture mondiale ? Est-ce d’ailleurs réellement une spécificité contemporaine ?
  • Etc.

Les questionnements liés aux trois dimensions envisagées (espaces et moyens de transports / perceptions / représentations) sont des pistes de réflexion, et leur liste n’est pas exhaustive. Les propositions de communications reçues seront sélectionnées en fonction de leur pertinence, de leur originalité et de leur complémentarité, afin d’encourager la richesse des échanges.

Informations pratiques 

-Colloque organisé les 15 et 16 octobre 2015 à Bruxelles.

Titres et propositions de communication en français ou en anglais (max. 2500 caractères) à envoyer pour le 15/03/2015 à l’adresse micmarc[at]ulb.ac.be

-Sélection des communications : début avril 2015

Comité organisateur

Paul Aron

Laurence Brogniez

Tatiana Debroux

Jean-Michel Decroly

Valérie Dufour

Julie Fäcker

Jean-Louis Genard

Michel Hubert

Judith le Maire

Christophe Loir

Christopher B. Murray

Yannick Vanhaelen

Loïc Waucquez

 

[1] Colloque « Entrer en ville » organisé à Orléans en 2001. Actes parus en 2006 : Michaud-Fréjaville Françoise, Dauphin Noëlle, Guilhembet Jean-Pierre, Entrer en ville, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006 ; Jütte Daniel, « Entering a city : on a lost early modern practice », Urban History, vol. 41, n°2, 2014, p. 204-227.

[2] Le séminaire du PUCA est par exemple consacré cette année 2014-2015 aux « Entrées de ville et espaces périurbains ». En Belgique, voir p.ex. Grosjean Bénédicte, Urbanisation sans urbanisme : une histoire de la « ville diffuse », Mardaga Editions, Wavre, 2010.

Le développement des banlieues au seuil des villes est par ailleurs un thème récurrent de la littérature contemporaine, qui en livre des représentations originales à travers la fiction : Zanghi Filippo, Zone indécise. Périphéries urbaines et voyage de proximité dans la littérature contemporaine, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2014.

[3] Voir à ce sujet les nombreux travaux de Sauget : Sauget Stéphanie, A la recherche des pas perdus: une histoire des gares parisiennes au XIXe siècle, Paris, Tallandier, 2009 ; Sauget Stéphanie, « La « spectacularisation » de la technique dans les gares parisiennes au XIXe siècle », Romantisme, vol. 4, n°150, 2010, p. 23-33 ; Sauget Stéphanie, « Les approches techniques et architecturales du voyage »,Sociétés & Représentations, vol. 1, n°21, 2006, p. 147-156.

[4] Basch Sophie (dir.), Le voyage à Constantinople : l’Orient-Express, catalogue de l’exposition présentée à la Galerie CGER à Bruxelles du 24/10/1997 au 01/02/1998, Snoeck-Ducaju & zoon, Gent, 1997.

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