Appel à publication : « L’Art fait scène » (coédition revues Le Portique / transverse, automne 2018)
Résumé :
L’exposition, si elle demeure un événement crucial en proposant un enjeu artistique, est aussi l’espace de constitution ou de perpétuation d’une scène structurant différents publics, en relation à une très grande multiplicité de lieux ou à l’émergence d’une diversité de programmations, s’inscrivant ainsi dans la logique d’un espace autre, d’un espace particulier, se définissant comme une scène de l’art. Plus que jamais elle se structure comme un lieu vivant, fait d’une multitude d’interactions, d’approches et de pratiques, auxquels participent la critique, le public et conjointement une multiplicité d’acteurs autant institutionnels que privés, transcrivant l’exposition comme un récit éminemment combinatoire et polysémique, spéculatif et conceptuel, intégrant une cartographie de gestes et d’interprétations qui font d’elle désormais un champ disciplinaire et un domaine d’étude.
Argumentaire :
L’étude et l’analyse des champs de l’art et des institutions montrent, sur un plan historique, que les cultures comportent à la fois des marqueurs spécifiques et des récits divergents, tout en incluant des points de correspondance et de convergence, procédant néanmoins d’identités singulières. Chaque scène de l’art se différencie au travers de multiples contingences, touchant notamment à la réception et à la fonction de l’art, dimension qui se précise par de multiples vecteurs, qu’ils soient d’ordre anthropologique, politique, esthétique, mais également en termes de politiques culturelles, d’histoire des mentalités, d’histoire des œuvres et des courants artistiques, même si l’on peut constater que cette distinction apparaît moins évidente en regard des nombreux échanges et transferts culturels qui s’instaurent, particulièrement face à la mondialisation actuelle et l’interaction des divers champs d’études. Ces singularités cependant existent et se situent également à la croisée de deux champs d’action : le monde de l’art – les cultures qu’il transpose -, et le paradigme de la médiation. L’exposition et son historiographie en sont un réceptacle et un révélateur, à la fois face à une relecture d’une archéologie de la notion qu’il s’agit aujourd’hui de formuler, et par un présent qui lui aussi est porteur de multiples faisceaux, distinguant des histoire(s) à inventorier, telles les Histoires du cinéma de Jean-Luc Godard. Il apparaît nécessaire, cependant, à cette étude du corpus de l’exposition et du champ théorique qui lui est corrélé, d’inclure l’histoire des œuvres, une « histoire de l’histoire » de l’art, ainsi que de la critique. La complexité s’impose donc, car ces multiples savoirs ou champs d’analyse d’ordre historique, institutionnel ou intellectuel se conjuguent, voire se superposent et peuvent être appréciés à partir de diverses occurrences ainsi que selon divers déplacements et critères.
L’exposition d’art, si elle revêt un temps particulier à la fois éphémère et expérimental, ou à l’inverse porteur de conventions et de dogmes, peut aussi se déterminer face à des enjeux différents, où notamment la muséographie et la scénographie jouent un rôle déterminant, à la croisée d’un appareil théorique et de pratiques, d’une approche scientifique ou prospective, mais également dans une autre dimension essentielle, qui la caractérise, en tant qu’événement. Ce qui permet d’affirmer les contingences propres liées aux œuvres, autant que leur dimension contextuelle quand cela le nécessite, ou d’envisager, dans un autre cadre, un scénario opérant. Le récit de l’exposition, s’il peut être combinatoire et divergent dans l’espace public, comporte néanmoins une pluralité de risques quant à son énonciation, car l’exposition demeure un geste fondamentalement hypothétique et enclin au débat à divers niveaux d’analyse. Ceci d’autant plus qu’elle tend à demeurer en quelque sorte un geste démonstratif face à un propos, tout en touchant à l’indicible. L’architecture finale de l’exposition, autant que les relations connexes entres les œuvres et les espaces, imposent ainsi un exercice redoutable, notamment pour les expositions de grand format ou les rétrospectives.
L’art contemporain, par ailleurs, en structurant le positionnement d’un projet par différentes approches, du process à l’univers conceptuel, participe à l’inclusion, désormais, d’un langage muséographique singulier, inhérent à un très grand nombre d’œuvres, impliquant leurs conditions d’existence et de visibilité, et ce dès la phase de conception. Cette dynamique s’inscrivant historiquement, paradoxalement, contre l’institution et le marché, a obligé les diverses institutions à prendre désormais en compte cette dimension novatrice de l’exposition comme enjeu d’une œuvre, ainsi que l’émanation concomitante de la promulgation du commissaire d’exposition comme auteur, sur un autre plan, particulièrement quand il s’agira de révéler un projet collectif, ou une nouvelle dynamique artistique, manifestant d’autres cadres d’appréciation de l’art. Si l’artiste demeure un acteur clé du projet d’exposition, il participe désormais des dispositifs de collaboration, d’échanges et de réflexions en relation à d’autres acteurs, assurant par son action, généralement dans ce cadre, la nature de son intervention ou le positionnement d’un de ses projets.
Plus que jamais l’exposition devient un lieu vivant, fait d’une multitude d’interactions, d’approches et de pratiques, auxquelles participent aussi la critique et le public. Si l’exposition transcrit un récit éminemment combinatoire et polysémique, spéculatif et conceptuel, elle intègre une cartographie de gestes et d’interprétations qui font d’elle désormais un champ disciplinaire à part entière. Celui-ci va s’imprégner sur un autre versant de l’appareil de médiation et de pratiques technologiques, comme enjeu d’une démocratisation et d’un accès multidimensionnel à un art exposé, autant que scénarisé. Au-delà de son aspect de médiation directe qu’instaure dans un premier temps l’exposition des Modernes, notamment dans l’émergence des premiers lieux promouvant l’art vivant pour rompre définitivement avec les conventions académiques, une nouvelle détermination s’impose progressivement avec l’art moderne et contemporain, où la médiation induit un champ d’actions très diverses, qui se manifestera tant dans les conditions de lisibilité des œuvres, que dans la création de différents outils qui interagissent et accompagnent l’événement exposition ainsi que ses divers axes stratégiques.
L’exposition, si elle demeure un événement crucial en proposant un enjeu artistique, est aussi l’espace de constitution ou de perpétuation d’une scène structurant différents publics, en particulier avec l’ouverture de nouveaux lieux ou l’émergence d’une diversité de programmations, mais également par une extension des scènes de l’art hors du périmètre de l’Occident ainsi que par l’implantation continue de lieux alternatifs. Elle joue ainsi paradoxalement un rôle d’organisme vivant en ponctuant la vie d’un lieu culturel, mais aussi en impliquant une dimension éducative ou réflexive sur l’état du monde ou la perception du réel, tout en participant à faire connaître l’évolution du champ de la création. L’exposition demeure un dispositif atypique, suscitant l’activité et la réactivité des publics, la controverse ou l’expérimentation, le forum d’idées, la sensibilisation à d’autres imaginaires et à la créativité sous toutes ses formes, caractérisant également une autre forme d’espace public. Celui-ci stimule d’autres possibilités de rencontres et confronte un public, des acteurs de l’art et des artistes, générant une programmatique toujours en devenir, un champ d’investigation dans différents registres, un espace hétérotopique, impliquant par l’intensité des débats et des contenus la vitalité d’une scène de l’art.
Que peut dire l’exposition comme objet d’étude face à l’évolution des différentes scènes culturelles et des cadres institutionnels ?
Quels sont les rapports entre fonction et réception de l’art, que peuvent apporter une lecture et des études comparatives en relation à des modèles culturels et à une historiographie des expositions ?
Quels sont les enjeux du débat sur le médium exposition tel qu’il est problématisé par les artistes, et les curateurs-auteur, face à l’histoire et à son histoire ?
Comment l’évolution actuelle des champs muséographiques et scénographiques permet-elle de reconcevoir le modèle de l’exposition ainsi que ses modes de médiation et réception ?
Comment les médiations se transforment-elles corrélativement face à l’évolution des techniques et à l’étude des publics. Peut-on dégager des marqueurs, y compris face à l’émergence récente d’un tourisme culturel mondial qui induit de nouvelles problématiques ?
Que dit l’exposition-manifeste, en tant qu’événement historique, de l’état d’une société et de l’évolution d’une culture ?
Si l’art fait scène, comment l’exposition peut-elle marquer et définir l’intensité de la vie culturelle d’un lieu ? La multiplication des catalogues reprenant l’ensemble des expositions n’est-elle pas un indicateur de la volonté pour les lieux d’art d’inscrire une identité, impliquant la nécessité de concevoir une archive au présent et une dimension interactive ?
Modalités de soumission :
Ce dossier, coédité par les revues Le Portique et transverse, constitue l’occasion d’une réflexion transdisciplinaire. Un article comporte de 15 à 20 000 signes en moyenne. Il est assorti d’un court résumé et de son abstract en anglais. L’auteur fournit une notice biographique ainsi qu’une bibliographie. Les textes publiés sont des inédits. Parution version papier : automne 2018.
Les articles proposés seront soumis à un comité scientique et doivent parvenir au plus tard le 29 avril 2018 par courriel à l’adresse molinet.emmanuel@gmail.com.
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