Posté par apahau, le 14 décembre 2010:
Le 18 février 2010 eut lieu à Rome un important colloque sur l’enseignement de l’histoire de l’art sur l’utilisation, plus ou moins traditionnelle, d’un manuel comme instrument didactique dans la formation scolaire.
L’Italie, c’est bien connu, peut se vanter d’une primauté en ce domaine, car l’histoire de l’art est une matière obligatoire dans les lycées depuis les débuts du XXe siècle. Le remarquable bagage de connaissances et d’expériences qui résultent d’une pratique longue d’un siècle est souvent l’objet de discussions entre les experts de la didactique ou de la pédagogie et les historiens de l’art enseignants. Le colloque de Rome, organisé par l’Associazione Nazionale Insegnanti di Storia dell’Arte (ANISA) à la demande du comité national pour les célébrations du centenaire de la naissance de Giulio Argan (avec la présence de Marisa Dalai Emiliani et Antonio Pinelli) a initié une réflexion historiographique et méthodologique sur la genèse et la fortune du célèbre manuel d’histoire de l’art de Giulio Argan, à juste titre considéré comme une pierre miliaire dans la succession des manuels consacrés à la discipline ’histoire de l’art. Il est encore aujourd’hui au centre d’un ample débat sur les modalités de transmission d’une matière si complexe et ouverte, par son interdisciplinarité, à différentes didactiques (interventions de Claudio Gamba et Fabrizia Borghi). La puissante architecture critique qui sous-tend le livre d’Argan, qui veut « être clair et non facile » représente encore aujourd’hui un modèle attirant mais il est dépassé selon beaucoup, et de toutes façons il ne semble plus adapté à la demande d’une formation scolaire qui, au niveau européen, a profondément renouvelé ses objectifs fondamentaux et ses stratégies.
Tout en réaffirmant hautement la qualité de l’enseignement de Argan, le colloque, loin de toute tentation nostalgique, a donc voulu proposer un débat orienté vers les développements futurs de la didactique de l’histoire de l’art et ses instruments de transmission. La participation d’experts provenant d’autres pays a permis d’enrichir fortement la discussion s. Outre l’intervention de Beth Harris et de Steven Zucker (New York, State University), qui ont réalisé le site éducatif très primé
www.smarthistory.org, ont été particulièrement appréciées les communications de Jean-Miguel Pire, rapporteur général du Haut Conseil de l’Education artistique, et d’Henri de Rohan-Csermak, nouvellement nommé Inspecteur général pour l’histoire des art en Frances. Cette rencontre a permis de consolider le fructueux rapport de collaboration et de discussion qui s’était instauré l’an dernier entre l’ANISA et les collègues français ( à l’occasion, en particulier, du colloque de mai 2009 “Pourquoi enseigner l’histoire de l’art?” et de l’Appel de Florence (
http://appeldeflorence.apahau.org/). Mais elle a aussi mis en évidence les points communs et les divergences qui, pris tout ensemble, aident à mieux comprendre les réelles potentialités de formation en histoire de l’art à l’école. Bien qu’en Italie l’enseignement de la discipline n’ait pas eu de lien avec les arts plastiques, il n’est plus caractérisé par une connotation humaniste, qui a été longtemps prédominante, mais il intègre maintenant des applications concrètes (projets, collaborations avec les musées et institutions culturelles, catalogages, fouilles …) dans le but d’apprendre des compétences et un savoir-faire, selon les suggestions de la Stratégie de Lisbonne. En ce sens, l’Italie est parvenue à dépasser, grâce à une expérimentation pédagogique au long cours, cette impostation théorique qui, comme l’a brillamment montré Jean-Miguel Pire dans sa communications, a constitué pendant longtemps un obstacle à l’entrée de la discipline dans le système scolaire français.
La conséquence d’une synergie efficace entre application pratique et réflexion critique signifie une attention aux évolutions des stratégies didactiques et des instruments. Aussi, dans le colloque, une partie des interventions était-elle consacrée à l’utilisation des nouvelles technologies et des multimédias, ainsi qu’à la transformation du classique manuel imprimé vers un “e-book” (en Italie, le Ministero della Pubblica Istruzione a promulgué une utilisation obligatoire de l’’e-book à partir de 2011). Inès Millesini a analysé en détail les règlements qui régissent un tel changement considérable des pratiques; Irene Baldriga a cherché à comprendre les conséquences de la numérisation sur la formation, en prenant en compte les mutations en cours dans les processus d’apprentissage par l’arrivée de ce qu’un sociologue canadien, De Kerckove, a défini comme “l’ère de la connectivitvité”.
Une table ronde, modérée par Clara Rech (Présidente de l’ANISA), réunissant les auteurs de manuels d’histoire de l’art (dont Carlo Bertelli) et des représentants des principales maisons d’éditions italiennes spécialisées dans ce secteur (Zanichelli, Bruno Mondadori, d’Anna, Sansoni-RCS) a occupé la seconde partie de la journée. La discussion a porté sur des thèmes importants comme celui de la spécificité des manuels d’histoire de l’art, de la formation des enseignants et de l’interaction entre le texte écrit et les ressources en ligne; elle a également souligné la nécessité d’approfondir le dialogue entre l’école et l’édition, dans un contexte où les changements réciproques sont plus subis qu’acceptés dans un sens positif. Ont été évoquées certaines propositions intéressantes, comme l’utilisation de plateforme d’e-learning et de logiciels spécifiques pour l’enseignement multimédia, qui contribueront bientôt à compléter l’offre du manuel scolaire.
A la fin de cette journée d’études, l’ANISA a en outre proposé de lancer une enquête comparée des cinq manuels d’histoire de l’art les plus connus et utilisées (dont, naturellement, celui de Argan), pour en comprendre les traits communs et les particularités méthodologiques. A cette enquête, coordonnée par Alessandra Petrone, participeront des élèves et des enseignants du secondaire, et son résultat sera communiqué en mai 2010, à l’occasion d’une seconde rencontre (avec comme prix, des ordinateurs portables offerts par ASUS).
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