Le colloque Mythe, fortune et infortune de la bohème, préparé à l’occasion de l’exposition Bohèmes (Galeries nationales du Grand Palais, 26 septembre 2012-14 janvier 2013), en prolonge les mises en relations inédites entre les deux acceptions du mot, et les questions posées à propos du concept de bohème artistique qui s’est forgé au milieu du XIXe siècle, entre romantisme et réalisme, avant de donner lieu à maintes réinterprétations. Le terme cristallise un ensemble de transformations du statut de l’artiste qui s’opèrent alors. A travers la littérature et la presse, la bohème, évocatrice de liberté, d’errance, mais aussi de misère et de marginalité, acquiert très vite une popularité immense ; elle pénètre l’imaginaire collectif, nourrit l’opéra, le cinéma, la chanson jusqu’à devenir l’un des premiers mythes modernes, non sans croiser les stéréotypes des représentations des bohémiens, perçus comme insaisissables, habiles, initiés à d’inaccessibles secrets, et surtout irréductibles à la norme, ce qui trouble, provoque, enchante nos sociétés sédentaires.
Depuis une vingtaine d’années, des travaux portant sur des champs extérieurs à l’histoire des arts comme l’histoire des marginalités, des migrations, des nomades, ont renouvelé l’analyse de ce phénomène. Le mythe de la Bohème s’inscrit désormais dans l’histoire, infiniment plus riche et plus complexe, du rapport des peuples européens à la nation rome. Apparu au début du XVe siècle en Occident, le Bohémien devient un personnage de légende et un sujet de prédilection pour les artistes. Ses apparitions et disparitions soudaines alimentent le fantasme d’une vie sans attache, sans règle, intense et sensuelle.
Le colloque s’interrogera, dans une perspective internationale et transdisciplinaire, sur ces thématiques, leurs antécédents possibles, et les multiples reprises et réécritures ou images (affiches, illustrations, etc.) des Scènes de la vie de bohème de Henry Murger, dans les langages artistiques (peinture, gravure, littérature, musique, théâtre et opéra). Il s’intéressera aussi aux mythes de la vie d’artiste et aux variations des figures de la bohème introduites par le croisement avec le bohémianisme, qu’évoque la formule de Courbet sur « la grande vie vagabonde du bohémien ». Il se présentera sur deux jours en quatre sections thématiques: le jeudi 6 décembre, Scènes bohémiennes, formes d’art et d’expression et Aspects sociaux et historiques; le vendredi 7 décembre, Bohémianismes internationaux (avec un accent porté sur l’Europe centrale) ; Presse et littérature. Deux tables rondes aborderont, l’une, la scénographie de l’exposition Bohèmes et les questions scénographiques qu’elle introduit de façon plus générale: entre arts et littératures, entre arts du spectacle et musiques. La seconde permettra de débattre des problématiques liées au croisement des cultures jadis et aujourd’hui. Les communications réuniront des intervenants nationaux et internationaux (Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, Hongrie), historiens de l’art, littéraires, spécialistes des arts du spectacles et d’histoire culturelle rome, qu’ils soient universitaires, conservateurs de musées et de bibliothèques, ou scénographes. Elles se dérouleront en langue française ou anglaise et auront une durée de 15 à 20 minutes, suivies de 10 minutes de questions.
Organisé par le Labex ARTS-H2H, avec ses partenaires la Rmn-Grand Palais et l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense (Laboratoire Histoire des Arts et des Représentations, EA 4414), il a été préparé par Sylvain Amic (commissaire de l’exposition Bohèmes et directeur des musées de Rouen, Ségolène Le Men (Université Paris Ouest, Institut universitaire de France, et Réka Krasznai, chargée de mission, avec un comité scientifique composé de personnalités appartenant au Grand Palais, à l’université Paris 8, au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France et à l’université de Saint-Quentin en Yvelines.
Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles
Programme :
Jeudi 6 décembre
9h00 Accueil
9h15 Ouverture par Laurent Salomé, directeur scientifique, Rmn-Grand Palais, Philippe Gervais-Lambony, IUF, vice-président chargé du Conseil scientifique à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, et Isabelle Moindrot, directrice du Labex ARTS-H2H
I. Scènes bohémiennes, formes d’art et d’expression
Présidence : Sarga Moussa (directeur de recherche, CNRS)
9h45 Ségolène Le Men (université Paris Ouest, IUF),
Le portrait de l’artiste en bohémien, de Courbet à Van Gogh : une mythologie réelle ?
10h15 Jean-Claude Yon (université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines),
La bohème sur les scènes parisiennes au XIXe siècle : variations autour d’un mythe
10h45 pause et discussion
11h15 Johanne Lamoureux (université de Montréal),
Autour de la bohème publicitaire. Splendeurs et misères de la « peinture alimentaire »
11h45 Eliséo Trenc (université de Reims Champagne Ardenne),
Els 4 Gats, une transplantation à Barcelone du Chat noir et de la bohème montmartroise à la fin du XIXe siècle
12h15 Céline Frigau Manning (université Paris 8), répondante
II. Aspects sociaux et historiques
Présidence : Sylvain Amic (directeur des musées de Rouen)
14h30 Henriette Asséo (EHESS, Paris),
La Gypsyness à l’épreuve de l’éclectisme savant entre 1860 et les années 1930
15h00 Frédérique Desbuissons (Institut national d’histoire de l’art /HICSA, Paris),
Nourritures bohèmes
15h30 pause et discussion
16h00 Christine Peltre (Université de Strasbourg),
« Restons bohémiens, cher œil noir… » : de George Sand à Delacroix, variations sur un idéal
16h30 Marcos Fabris (Musée d’Art Contemporain de l’Université de São Paulo), répondant
17h00 Table ronde : Bohèmes et mises en scène: entre arts et littératures, entre arts du spectacle et musiques
avec Sylvain Amic (directeur des musées de Rouen, commissaire de l’exposition Bohèmes), Alain Batifoulier (scénographe, musée de Moulins), Vincent Bessières (commissaire de Django Reinhardt : Swing de Paris, Cité de la Musique, Paris), Véronique Carpiaux (directrice du musée Félicien Rops de Namur) et Johanne Lamoureux (université de Montréal)
Vendredi 7 décembre
9h30 Accueil
III. Bohémianismes internationaux
Présidence : María López Fernández (conservateur en chef, Fundación Mapfre, Espagne)
9h45 Jutta Kappel (Staatliche Kunstsammlungen Dresden),
Bohemians and beggars as a subject of baroque treasury art represented by some prominent pieces belonging to the Grünes Gewölbe in Dresden (communication en langue anglaise)
10h15 Enikő Róka (Galerie nationale Hongroise, Budapest),
L’identité nationale et la représentation de l’ethnie rom dans l’art hongrois du XIXe siècle
10h45 pause et discussion
11h15 Judit Boros (Galerie nationale Hongroise, Budapest),
La représentation des bohémiens de Nagybánya, un problème d’altérité dans la peinture de Károly Ferenczy (1862 -1917)
11h45 Chloé Ledoux (université Paris I),
La vie de bohème des artistes du Brücke
12h15 Réka Krasznai (université Paris Ouest), répondante
IV. Presse et littérature
Présidence : Jean-Philippe Antoine (université Paris 8)
14h30 Valérie Sueur (Bibliothèque nationale de France),
Les Bohémiens de Paris, une suite de 28 lithographies d’Honoré Daumier publiée en 1840-1842
15h00 Jean-Didier Wagneur (Bibliothèque nationale de France),
Mises en scènes bohèmes dans le petit journal
15h30 pause et discussion
16h00 Itai Kovacs (université Paris-Sorbonne – Paris IV),
Le credo d’un peintre bohème : le cas des Buveurs d’eau
16h30 Charlène Sébert (université Paris Ouest), répondante
17h00 Table ronde : Bohèmes : une thématique au croisement des cultures
modérée par Henriette Asséo (EHESS, Paris) avec Sandrine Berthelot (CPGE littéraires), Marc Bordigoni (CNRS), Nicole Edelman (université Paris Ouest), Sylvie Gonzalez (Musée d’art et d’histoire, Saint-Denis), Cécile Kovacshazy (université de Limoges) et Réka Krasznai (université Paris Ouest)
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