La photographie et le réel : exactitude, objectivité, document. Séminaire de recherches, EHESS (Paris) / CRAL, nov. 2013-fév. 2014

Capture d’écran 2013-10-31 à 18.03.44Séminaire se réunissant le mercredi de 9 h à 11 h (salle Lombard, 96 bd Raspail, 75006 Paris), du 6 novembre 2013 au 5 février 2014

Au cours des dernières années de notre séminaire, nous avons pu constater un fort intérêt pour le rapport de la photographie avec le « réel », et pour les manières de définir ce rapport et d’envisager ses conséquences sur les usages. Une photographie est bien sûr une trace de ce qui a été face à la surface photosensible — une trace de l’action de la lumière, le plus souvent par l’intermédiaire d’un appareil. La spécificité de la photographie, et ses connotations réalistes, reposent sur ces bases mécaniques, dont nous sommes tous, regardeurs, conscients, même si ce n’est que de façon frustre. Mais une photographie n’est pas pour autant la trace exacte du monde tel que nous le voyons, ou tel que nous l’expérimentons. Elle est le fait d’intermédiaires chimiques et optiques, de pratiques diverses de tri et de recontextualisation, de désirs variés de documentation et d’expression.

L’étendu des manières de considérer les relations de la photographie avec le réel est immense, et nous ne prétendons pas en fournir une introduction exhaustive dans le séminaire. Plutôt, à travers nos propres recherches et celles de chercheurs invités, nous aborderons une suite de cas concrets et de questions précises aidant à penser ces rapports, à nuancer notre compréhension de la part de réalisme, d’objectivité ou de fidélité dans la photographie.

Nos objectifs sont de permettre aux participants d’acquérir des connaissances plus approfondies de la diversité des recherches (et d’aspects de l’histoire de la photographie) touchant aux interrogations sur le réalisme ; d’insister sur une méthodologie historique dans l’étude de la photographie plutôt que sur la théorie à visée généraliste ; de préciser l’usage de certains termes et concepts répandus afin d’aider les participants à les manier avec plus d’aise et à des fins plus utiles pour leurs travaux.

 * L’illustration est un détail du positif sur papier albuminé de la planche V, « Sortie de la cataracte », in É. Meyer et A. de Montméja, Traité des opérations qui se pratiquent sur l’œil, Paris, H. Lauwereyns, 1871.

 

La photographie et le réel : exactitude, objectivité, document

Programme des séances

1       6 novembre 2013

Introduction

2      13 novembre 2013

Paul-Louis Roubert, Maître de conférences, Université Paris 8. Président de la Société française de photographie

Le daguerréotype, une normativité photographique ?

Il est remarquable qu’en apparaissant en 1839 sous la forme du daguerréotype, technique hypericonique, la photographie soit révélée sous les hospices de l’exactitude. La technique du daguerréotype institue de fait une norme photographique définissant dans les faits et dans les discours non seulement l’état normal – naturel – de la photographie, mais également son état idéal. Dès lors cette normativité photographique, à partir de laquelle seront évaluées toutes les techniques photographiques ultérieures depuis le positif direct d’Hippolyte Bayard jusqu’au calotype de W. H. F. Talbot, forge pour de nombreuses années l’état des attentes envers l’image photographique.

3       20 novembre 2013

Kim Timby, Docteur en Arts et Langages. Enseignante à l’EHESS (Paris) et à l’École du Louvre

Le réalisme perceptif, ou la volonté d’imiter la vision humaine

Ce que nous appellerons le « réalisme perceptif » en photographie est fondé sur la volonté de rapprocher notre perception de l’image de notre perception du monde. Deux de ses manifestations importantes ont été la photographie en couleurs et la photographie stéréoscopique. Les origines et principes de chacune au XIXe siècle permettent de souligner que la photographie, sous toutes ses formes, est toujours une image construite et non pas la traduction directe de ce que nous voyons.

4       27 novembre 2013

Kim Timby, Docteur en Arts et Langages. Enseignante à l’EHESS (Paris) et à l’École du Louvre

D’un miroir à une fenêtre : la grande promesse de la photographie à réseau

Nous appuyant sur la notion de réalisme perceptif, nous analyserons les motivations de l’invention de la photographie dite « à réseau » vers 1900. Celle-ci permet de présenter des illusions de relief stéréoscopique ou d’animation visibles sans stéréoscope, lunettes, ou autre dispositif apparent. Le développement puis la réception de ce procédé en France au moment de la Seconde Guerre mondiale révèlent la force, dans l’imaginaire collectif de l’époque, de la photographie du futur comme une image totale.

5       4 décembre 2013

Anne de Mondenard, Conservateur du patrimoine, Adjointe au responsable du département Conservation préventive, C2RMF (Paris)

Le cercle de Le Gray (1820-1884), une école du regard

Au début des années 1850, de nombreux amateurs venus d’horizons très divers convergent vers l’atelier de Gustave Le Gray, photographe de talent, afin de se familiariser avec le procédé du négatif/positif sur papier. Nous nous intéresserons à leur façon de capter le réel avec ce nouveau procédé qui autorise des tirages multiples et des interprétations nuancées. Nous étudierons comment ces amateurs réussissent à proposer de nouvelles représentations, d’abord à travers les sujets d’étude proposés par le maître, puis dans l’exercice de commandes qui visent à rassembler des informations.

6       11 décembre 2013

Julien Faure-Conorton, Doctorant, EHESS, CRAL (Paris). Chargé d’enseignement à l’École du Louvre

« Un traître dans le camp de la photographie » ? Robert Demachy et la « photographie pure » en 1907

En 1907, un article de Robert Demachy suscita une polémique désormais célèbre autour de la notion de « photographie pure ». Mais quelle fut réellement la nature de cette polémique ? Pour le comprendre, nous reviendrons sur les événements qui la déclenchèrent et analyserons le vocabulaire et les arguments de ceux qui y prirent part.

7       18 décembre 2013

Laureline Meizel, Doctorante, Université Paris 1, HiCSA

De l’essence à l’existence : neutralité photographique et statut de l’opérateur en régime législatif (1878-1900)

À l’occasion de l’Exposition universelle de 1878, plusieurs congrès internationaux se réunissent pour refonder et harmoniser la loi sur la propriété intellectuelle. À leur suite, la photographie fait l’objet d’un vide législatif complet, exclue à la fois des débats du congrès de la propriété industrielle et du projet de loi français sur la propriété artistique. La communauté photographique tente alors de modifier l’ordre du discours sur le medium, en déplaçant les termes du débat des qualités de la photographie elle-même à celles qui fondent le statut d’auteur du photographe. En s’appuyant sur l’étude de la législation du droit d’auteur et des débats qu’elle a engendrés entre différents corps de métiers, cette intervention se propose d’analyser les causes et les conséquences de ce glissement discursif, dont l’une des plus immédiates, et non des moindres, est la remise en cause de la présumée neutralité photographique.

VACANCES

8       8 janvier 2014

Éléonore Challine, Doctorante, Université Paris 1, HiCSA. ATER ENS Cachan, département Design

La photographie comme preuve. La question de l’image-document à travers l’exemple du Musée des photographies documentaires

Cette intervention aura pour but de confronter les discours de Léon Vidal sur la photographie comme « preuve testimoniale » avec les images reçues par les dons faits au Musée des photographies documentaires entre 1894 et 1900. La photographie peut-elle être une preuve ? Et si oui, dans quelles conditions ? Nous proposerons une analyse resserrée de quelques images de ce corpus des dernières années du XIXe siècle pour poser la question du « documentaire » en photographie.

9       15 janvier 2014

Julie Jones, Docteur en Histoire de l’art, Université Paris 1. Chargée de recherche au Cabinet de photographie, Centre Pompidou, Paris

Le réalisme à l’extrême ou les contradictions de la « straight photography » américaine : l’œil clinique de Frederick Sommer et les « tableaux de guerre » d’Edward Weston (1930-1945)

La première partie du XXe siècle est marquée, aux États-Unis, par le développement d’un modernisme photographique « puriste », visant à un rendu exact de la réalité. Cette tendance est perceptible aussi bien chez les photographes documentaires engagés que chez ceux revendiquant une indépendance artistique. Les œuvres réalisées par ces derniers suscitent néanmoins de nombreux paradoxes et contradictions avec les positions théoriques défendues. Deux ensembles d’œuvres emblématiques de ces ambiguïtés seront ici analysés.

10       22 janvier 2014

Laetitia Barrère, Docteur en Histoire de l’art, Université Paris 1, HiCSA

La photographie documentaire : entre art et témoignage social

Cette intervention se propose d’étudier les différentes conceptions de la photographie documentaire qui se sont succédées durant les années 1930 et 1940 aux États-Unis. Seront abordées les notions de modernisme documentaire, de documentaire social et de photoreportage. Une attention particulière sera accordée aux expositions fondatrices de Walker Evans (1938), d’Helen Levitt (1943) et d’Henri Cartier-Bresson (1947) présentées au Museum of Modern Art de New York.

11       29 janvier 2014

Valentina Grossi, Doctorante, EHESS, IMM-LIER, LHIVIC (Paris)

Producteurs d’images d’actualité entre « nature » et « culture » : une enquête ethnographique

Dans les sociétés modernes les images photographiques ont un statut ambigu. Elles sont décrites par certains comme « transparentes », dénoncées par d’autres comme « construites », tantôt rangées du côté de la « nature », tantôt de la « culture ». Dans une perspective issue de la sociologie des controverses, nous essayerons de ne pas trancher sur ce différend a priori, mais d’observer comment certains acteurs – des producteurs d’images photojournalistiques – mobilisent ces catégories descriptives au cours de leur travail. À partir d’une enquête ethnographique dans une agence de presse, nous observerons à quels moments des photographes, éditeurs et journalistes décrivent et agissent sur les photographies en tant qu’images construites, et, au contraire, quand ils prennent en compte leur rapport avec le « réel ».

12       5 février 2014

Conclusion

 

Séminaire coorganisé par Laureline Meizel (Paris 1, HiCSA) et Kim Timby (EHESS, CRAL)

D’autres informations (et notamment contacts) : http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2013/ue/469/

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