Contre-déclin. Monet et Spengler dans les jardins de l’histoire, par Laurence Bertrand-Dorléac, Paris, Gallimard, 2012
Dans Le Déclin de l’Occident, Oswald Spengler voyait en Monet aussi les derniers feux du monde occidental et ce livre sombre commencé en 1914 deviendra un best-seller influent dans toute l’Europe après 1918 jusqu’en 1945, pour finalement sombrer dans l’oubli ou presque. Dans sa morphologie historique où l’humanité n’avait pas plus de but que le papillon ou l’orchidée, il annonçait la fin inéluctable de toute la culture occidentale qui avait épuisé son cycle de vie. Or, au moment où Spengler renonçait à devenir le romancier qu’il avait toujours rêvé d’être pour désigner la catastrophe, et alors que l’Europe allait s’abolir dans la boue des tranchées de la Grande Guerre, Monet, l’ancêtre, à moitié mourant, reprenait l’idée de ses Nymphéas en élargissant à l’infini le champ de son rêve d’un tout sans fin dans son laboratoire de Giverny.
De son jardin artificiel où se mélangeait savamment la double inspiration de l’Occident et de l’Extrême-Orient, il fit ses derniers chefs-d’œuvre. Installés à l’Orangerie des Tuileries en 1927 et visités aujourd’hui par les amateurs du monde entier, ils sont désormais présentés comme un «monument à la paix» alors que le peintre les avait offerts à la France par l’entremise de Clemenceau comme un monument à la victoire de 1918. Entre-temps, l’Europe avait purgé sa violence dans ses orages d’acier, hantée plus que jamais par le déclin, cette figure imaginée depuis si longtemps par les hommes à partir du moment où le temps fut compté, l’histoire engagée.
Paris, Gallimard, collection Art et Artistes, 2012, 320 pages, 33 ill., ISBN : 9782070137626, 24 euros
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