Par le biais de la première œuvre, ce colloque se propose d’interroger, dans les champs de l’histoire de l’art et de la musicologie, la production de jeunesse des artistes, à ce moment charnière où l’identité créatrice se forge, encore incertaine mais déjà porteuse des prémices de sa maturité. Il ne s’agira pas tant de la première œuvre comme premier objet matériel, premier essai esquissé, encore imparfait si ce n’est maladroit, mais plutôt de l’œuvre première dans le sens d’un premier aboutissement, reconnu comme une production accomplie par l’artiste, par ses contemporains ou encore par la postérité.
La question de la première œuvre soulève des difficultés de définition complexes, avec des coordonnées variables en fonction des disciplines, des périodes, des contextes de réalisation, notamment pour les périodes plus anciennes où la datation de l’œuvre au sein de la biographie de l’artiste échappe souvent faute de sources. Elle relève également de problèmes de taxinomie : qu’est-ce qui détermine la primauté de l’œuvre, l’artiste, le public, le marché, la postérité ? Mais cette difficulté touche aussi la notion d’œuvre en elle-même comme représentative d’une réalisation première : faut-il la concevoir comme un objet singulier, comme un groupe d’œuvres rassemblées en série ou en recueil, comme l’ensemble de la production d’une période juvénile à cheval entre la formation et l’affirmation de l’identité artistique ? S’il est impossible de fixer « la première œuvre » dans un énoncé catégorique, les tensions qui travaillent la conception même de l’œuvre première font bien la richesse du thème.
L’une des clés centrales réside sans doute dans la part de l’intention de l’artiste, qu’il faut considérer dans un rapport dialectique avec l’incidence sociale de la réception. Ainsi, la première œuvre est susceptible d’être reconnue comme telle au moment même de sa réalisation, par l’artiste lui-même, par le cadre académique définissant la fin officielle du cursus de formation ou par une réception immédiate du public. Mais elle est plus souvent déterminée a posteriori : par une réflexion de l’artiste sur le corpus de son œuvre, par le jugement du public et de la critique fait en connaissance de l’ensemble de la carrière après le décès de l’auteur, ou encore en fonction d’une analyse établie par la réception de la postérité et par l’étude historiographique.
Le cas de l’opus 1 tel qu’il est défini en musique à partir de la fin du XVIIe siècle est en ce sens éloquent : il s’agit tour à tour de la première composition du jeune artiste prodige (Mozart à 5 ans), de la première composition du jeune artiste prodige présentée comme telle par une opération éditoriale (Mozart à 7 ans), enfin de la première composition conçue comme telle par l’artiste lui-même à l’occasion d’une publication qu’il suit personnellement (Mozart à 27 ans), et qu’il faut encore distinguer de l’opus 1 dans la reconstitution historiographique.
La question de la publication, dans le sens strict éditorial mais aussi au sens plus large de la présentation en public d’une œuvre, apparaît donc comme une donnée déterminante dans la conception de la première œuvre, de cette œuvre première qui du point de vue stylistique peut contenir en germe la potentialité créatrice destinée à être développée par l’artiste tout au long de son parcours, et qui du point de vue social correspond à une opportunité de lancement de carrière. Ainsi, la première œuvre résulte essentiellement d’une construction rétrospective, de la part de l’artiste lui-même, de ses contemporains, de la postérité, une construction à laquelle nous participons nous-mêmes et que le colloque se propose d’interroger dans ses multiples aspects.
Comité scientifique
Michelle Biget-Mainfroy (Université François-Rabelais, Tours)
Thierry Favier (Université de Poitiers)
Adriana Guarnieri (Université Ca’ Foscari, Venise)
Marinella Pigozzi (Université de Bologne)
Solange Vernois (Université de Poitiers)
Comité d’organisation
Diane Bodart (Université de Poitiers, laboratoire CRIHAM)
Gérard Bougeret (Université de Tours, EA 3252 RTMus)
Vincent Cotro (Université de Tours, EA 3252 RTMus)
Véronique Meyer (Université de Poitiers, laboratoire CRIHAM)
Contact : veronique.meyer@univ-poitiers.fr
Date de remise des propositions : 30 juin 2011
(Texte de 2.000 signes maximum ; curriculum vitae d’une page maximum)
Source : Véronique Meyer
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