Appel à articles : « Recontructions, processus, matérialités, imaginaires », numéro 6 de la revue transversale [histoire : architecture, paysage, urbain]
Dans ses Mémoires d’un touriste, Stendhal fustige en 1837 la restauration des arènes de Nîmes : « C’est surtout dans les arènes qu’éclate le faux jugement des architectes de Nîmes. Au lieu de se borner à consolider les parties qui menaçaient ruine, on les a refaites entièrement ; c’est une reconstruction et non une réparation On a eu la même barbarie à Rome pour le charmant arc de Titus ».
Certes, c’est la reconstruction physique des architectures anciennes qui est évoquée ici et non le processus urbain de reconstruction. Certes pour Stendhal, la ville reste le réglage d’un atomisme, une addition cumulative d’objets différenciés par leur âge et que le lettré hiérarchise. Tout au plus prend-il position contre une intervention qu’il juge abusive, il aurait suffi de réparer, de revenir à l’état d’origine s’il se peut, non de « refaire entièrement ».
C’est qu’à cette époque, le sens du mot « reconstruction » s’attache précisément à la culture matérielle et au travail du maçon : construire / reconstruire des objets architecturaux. Par une mutation de sens qui n’est pas moins restrictive, la « reconstruction » tend à être, dans l’Europe d’aujourd’hui, perçue comme un phénomène historique singulier, se limitant aux opérations post bellica du XXe siècle, et illustrée par des ouvrages-référence livrés par des acteurs identifiés comme, en France, Vayssière (1988) ou Voldmann (1998) par exemple.
Posée à l’échelle chronologique du temps long et sur plusieurs aires géographiques et culturelles, la reconstruction s’appréhende aussi comme une récurrence, constitutive de l’architecture et de l’espace urbain depuis ses origines. Cependant, ce prisme élargi, qui pousse à (ré)examiner la notion et le processus de la reconstruction, questionne immédiatement des ambiguïtés possibles. Tout d’abord celle du départ, le « point zéro » de la reconstruction : quand et puis, comment ? Puis celle du tout ou des parties : que reconstruire, et où ? Se télescopent et bientôt s’affrontent imaginaires, visions et discours, d’avant la destruction, de pendant l’événement, du projet de la ville-demain – déjà nostalgique et cependant volontaire.
Reconstruire, est-ce reconstituer une ville existante, un ancien bâtiment ? Est-ce inscrire la ville dans un palimpseste sur ses propres traces et ses limites comme y invite Corboz (2001) ? Ou, au contraire, est-ce l’occasion de se saisir de la tabula rasa pour proposer une nouvelle définition de la ville ? Est-ce, à l’image de certaines pratiques et cultures constructives asiatiques, un processus cyclique séculaire ou millénaire ? Ou est-ce à l’origine même de l’urbanisme, comme semblent le suggérer Agache, Auburtin et Redont dès 1915 dans Comment reconstruire nos cités détruites ? ».
On trouvera des traits communs à des reconstructions, aussi éloignées paraissent-elles. Une reconstruction découle universellement des violences de l’histoire – guerres, accidents anthropiques, catastrophes naturelles, jalonnent le quotidien de l’humanité – et plus ordinairement de l’usure du temps : « Une belle architecture donne toujours de belles ruines », écrit Bernardin de Saint-Pierre dès 1784. Relevant du refus de la ruine, le processus de la reconstruction – fréquemment jalonné d’une critique d’ordre esthétique – passe par la phase du chantier, éventuellement précédée d’encampement et de construction éphémère. Il se fait opportunité contestée ou espoir d’un progrès, ou du moins facteur d’amélioration pour l’architecture et la ville.
S’inscrivant dans une temporalité plurielle, la reconstruction met l’architecte, l’urbaniste, le paysagiste – ou leurs homologues d’avant l’inscription professionnelle de ces catégories – face à des choix théoriques d’ordre historique et mémoriel, architectural, urbain et paysager, mais aussi technique et économique. Enfin la complexité de la reconstruction peut aussi être saisie au travers des représentations (littéraires, artistiques, cinématographiques et audiovisuelles, etc.) qui charrient un imaginaire profus – et il y a aussi des reconstructions de papier…
Les thématiques suivantes (liste non limitative) pourront faire l’objet de propositions : destructions et déconstructions ; construire dans le construit ; reconstruction et image de la ruine ; reconstruction, héritage et sensibilités ; reconstruction et innovation architecturale/urbaine/paysagère ; théories de la restitution et de la restauration ; reconstruction, restauration et revitalisation.
Cet appel à articles ne présente pas de limites chronologiques, géographiques, culturelles ou scalaires. Les propositions doivent revêtir un caractère inédit, destiné à éclairer et nourrir avec originalité la notion de reconstruction dans l’histoire. Comme à son origine, transversale – histoire : architecture, paysage urbain est une revue ouverte à la communauté des chercheurs, toutes disciplines confondues.
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15 mars 2022 : proposition d’articles et bref CV (1500 signes) à adresser à : gilles.a.langlois@bbox.fr et marie.gaimard@gmail.com
30 mars 2022 : sélection par le comité de lecture en double aveugle
31 mai 2022 : articles, illustrations, abstract anglais et mots-clés seront adressés aux mêmes adresses
Charte éditoriale Charte éditoriale transversale 2022.
transversale – histoire : architecture, urbain, paysage
Revue scientifique à comité de lecture fondée en 2016 à l’ENSAP de Bordeaux (n° 1 et 2), coéditée ENSABx – ENSAPVS (n° 2, 4, 5), puis éditée par l’ENSAPVS et l’EVCAU en numérique.
Rubriques : textes (dossier thématique) / chemins / matériaux de la recherche / varia
N°1, décembre 2016 : “L’École d’architecture et sa pédagogie au XXe siècle”
N°2, décembre 2017 : “Histoire de l’enseignement de l’architecture et du paysage à Bordeaux”
N°3, décembre 2018 : “Interventions sur l’existant : théories et stratégies architecturales”
N°4, décembre 2019 : “Construire une nouvelle histoire de l’architecture ?”
N°5, décembre 2020 : “L’Architecture et la lettre : dits et récits d’espaces”
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