La Région des Pays de la Loire finance depuis une dizaine d’années des allocations destinées aux doctorants du territoire régional. L’accompagnement de la stratégie scientifique des laboratoires régionaux dans la thématique des sciences humaines et sociales (SHS) a été identifié comme une des priorités de la politique régionale en matière de recherche. Ainsi, depuis 2012, la Région a fait évoluer son dispositif de soutien aux allocations doctorales financées à 100% en les réservant uniquement aux laboratoires de recherche en sciences humaines et sociales, et en intégrant un financement de l’environnement de travail en plus du financement du salaire du doctorant pendant 3 ans. C’est dans ce cadre que la demande d’allocation de thèse pour le sujet suivant a été retenue :
Les représentations politiques aux Etats-Unis dans les arts, les médias et au cinéma (1980-2016) : entre légitimation, engagement et posture critique.
Les médias sont un outil essentiel de l’action politique : ils participent à la mise en scène du discours politique pendant les campagnes électorales ; ils assurent la cohésion nationale en diffusant la parole politique en période de crise (guerre, scandale politique, crise environnementale, émeutes raciales) ; ils informent le citoyen des décisions prises par les politiques. Les années 80 ont marqué un tournant dans les représentations politiques aux États-Unis alors que la libéralisation des médias a encouragé la politique spectacle incarnée par la figure emblématique de Ronald Reagan, ancien acteur élu à la présidence en 1980. La tendance de l’infotainment, qui vise à informer à travers le divertissement, a soutenu la transformation de la représentation politique. Non seulement les hommes et les femmes politiques vendent une image du parti qu’ils personnifient, mais la forme de leur discours est modelée et adaptée aux formes médiatiques.
Ce projet de thèse envisagera les transformations des représentations politiques en s’appuyant sur divers supports : selon Rainer Rochlitz (Subversion et subvention, 1994), l’art et la politique ne jouent pas le même jeu : certaines œuvres peuvent susciter des réactions politiques, mais le plus souvent l’art et les médias participent plutôt aux activités de légitimation du politique. Des séries télévisées récentes (House of Cards, Political Animals, The West Wing) s’intéressent au travail des politiques en décrivant la Maison Blanche comme un lieu de négociations et de prises de décisions ; mais elles sont aussi des produits de l’industrie télévisuelle dont le discours politique est également destiné à séduire une communauté de fans. Tout en produisant la critique de la société du spectacle, les artistes et les réalisateurs peuvent aussi en épouser les stratégies, c’est-à dire pointer les dangers du spectacle et s’emparer de ses règles pour en jouer. Ainsi Jeff Koons assume avec cynisme ou conviction la séduction kitsch et l’entertainment (notion qui renvoie à un faisceau de significations propres à la culture américaine, au croisement de notions telles que spectacle de divertissement et loisirs, voir Dominique Baqué, Pour un nouvel art politique) au premier degré, totalement revendiqué comme tel.
D’une manière générale, les relations art, cinéma, médias et politique ne posent pas de problème dans le cadre démocratique alors que le rôle de l’artiste, du réalisateur ou du reporter devient important lorsque la liberté est restreinte dans une société donnée. Dans ce contexte, la censure constitue un rapport significatif entre art et politique (Jean-Luc Chalumeau, Où va l’art contemporain, 2002; Ellen C. Scott, Cinema Civil Rights, Regulation, Repression, and Race in the Classical Hollywood Era, 2015) qu’il s’agira ici d’explorer. Si la plupart des artistes ne revendiquent pas clairement leur engagement politique, soumis à un marché économique qui apprécie peu l’étiquette politique, à tout le moins se mêle une certaine forme de cynisme à une posture critique (Violaine Roussel, Art vs War, Les artistes américains contre la guerre en Irak, 2002).
« L’art du spectacle » se retrouve ainsi transformé en un concept instable, qui en appelle tout autant à des festivités qu’à des stratégies critiques de dénonciation de la Société du Spectacle (Guy Debord, 1967, 1992). Par ailleurs, particulièrement depuis les années 1980, il s’est de plus en plus intégré à la sphère marchande et a suscité une collusion entre consumérisme, arts visuels et médias. S’agissant des œuvres d’art contemporaines, elles présentent un certain nombre de points communs qui ne relèvent pas de leur prise de position politique mais du changement institutionnel. Les institutions muséales, qui ont une politique culturelle précise, se sont approprié les expériences formelles des mouvements d’avant-garde alors qu’elles sont fondées sur l’économie de marché et sur la démocratie libérale. Quelle place reste-t-il alors pour un art politique efficace ?
James McEnteer souligne que les documentaristes et les médias alternatifs visent à restaurer la fonction politique des médias en privilégiant l’investigation au spectacle (James McEnteer, Shooting the Truth, The Rise of American Political Documentaries, 2006). Les documentaristes s’attachent à décrire la politique comme un travail en dressant le portrait des hommes politiques engagés dans l’action (Primary, Robert Drew, 1960). De fait, leurs films deviennent également des objets politiques qui participent au débat démocratique. Elles s’inscrivent dans le genre du « film politique », dont Mr Smith Goes to Washington (Franck Capra, 1939) est peut-être la matrice aux Etats-Unis. Le cinéma hollywoodien tend à célébrer le fonctionnement démocratique américain, alors que le documentaire en interroge les limites (Anita: Speaking Truth to Power, Freida Mock, 2014).
Le doctorant s’interrogera non seulement sur les productions artistiques, filmiques, et médiatiques contemporaines, mais il évoquera également les expériences esthétiques qu’elles mettent en avant et les implications politiques qu’elles peuvent avoir. L’objectif pourra alors être d’analyser les diverses formes de représentations qui tentent de répondre, chacune à leur manière, à la question de leur rhétorique politique ; il s’agira de déterminer si ces productions et représentations sont indissociables des discours ou des paradigmes qui en font des objets d’appréciation et/ou des outils de contestation.
Cette thèse est envisagée dans le cadre d’une co-direction scientifique : Eliane Elmaleh, Professeur spécialiste de l’art américain et Delphine Letort, HDR en études américaines et filmiques. Le doctorant sera inscrit au laboratoire 3L.AM, EA 4335 (http://3lam.univ-lemans.fr/fr/index.html).
Le candidat devra fournir les éléments suivants :
CV et Lettre de motivation
Relevé de notes de M1 et M2
Les dossiers de candidature doivent être envoyés par mail à :
Eliane.Elmaleh@univ-lemans.fr et Delphine.Letort@univ-lemans.fr avant le 21 juin 2016.
Les candidats sélectionnés seront auditionnés fin juin ou début juillet. Pour toute précision complémentaire, contacter Mme Elmaleh et Mme Letort aux adresses indiquées ci-dessus.
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