Journée d’étude « Beuys, le dernier romantique ? »,
6 février 2015, Université Rennes 2 Appel à communication, deadline: 12 décembre 2014
Lorsque Joseph Beuys déclare : « Tout homme est un artiste », il ne fait que réaffirmer le souhait exprimé au conditionnel par Novalis en 1798 : « Tout homme devrait être artiste. » (Glaube und Liebe). Lorsqu’il déclare : « Je ne veux pas faire entrer l’art dans la politique, mais faire de la politique un art », il ne fait que réaffirmer la nécessité exprimée par Schiller en 1796 de commencer à réfléchir sur le rapport entre art et politique au niveau d’un « État esthétique » transcendantal avant toute politisation réelle de l’art (Briefe über die ästhetische Erziehung des Menschen). Comme l’ont notamment montré Theodora Fischer (Beuys und die Romantik, 1983) et Jean-Philippe Antoine (La Traversée du XXe siècle, 2011), les effets d’écho entre la tradition idéaliste du romantisme allemand et les propos de Beuys sont à la fois réels et ambigus. Qu’il s’agisse de sa foi dans le pouvoir de l’artiste-créateur, de son approche vitaliste, voire mystique de la nature ou de l’idéal de la Bildung et des utopies socio-politiques dont cet idéal est porteur, la reprise par Beuys de ces motifs forgés à leur époque par Schiller, Novalis, Runge, etc. s’inscrit dans le contexte contradictoire d’une RFA tiraillée entre miracle économique et question de la culpabilité, où l’artiste devient précisément l’incarnation d’un certain esprit irrationnel et romantique, l’un de ces « voyageurs de l’obscur » ayant accordé « leur confiance au chaos » (Albert Béguin) qui ont accompagné l’Allemagne vers la catastrophe. En tant que « romantique », Beuys fait sienne une position qui, si elle n’est pas vraiment anachronique, se caractérise en tout cas par son intempestivité. Au sein des débats sur l’identité allemande après 1945, cette attitude a été reçue tantôt avec un scepticisme pouvant aller jusqu’au rejet critique, tantôt avec un enthousiasme contribuant à consolider le « mythe Beuys » (Maïté Vissault, Der Beuys Komplex, 2010). Cette journée d’étude prendra comme point de départ la lettre publiée le 3 octobre 1972 dans le quotidien Rheinische Post par Marcel Broodthaers qui y interpelle Beuys sur le point précis de la continuité de sa pensée avec un certain romantisme et avec les effets politiques de celui-ci. La discussion portera sur un double mouvement : d’un côté, le geste par lequel Beuys cherche des assises dans le romantisme, voire dans un certain classicisme et, de l’autre, le retour dans l’art contemporain, via Beuys, d’idées et de valeurs d’une autre époque. En examinant ces deux mouvements dans tous leurs avatars, en réfléchissant sur le sens de leur croisement, on essaiera de cerner le propos de et sur Beuys à travers le prisme de l’héritage d’une Kultur fondée sur l’idéalisme et nourrie par la tradition romantique. Plus largement, dans le sillage, par exemple, du Duchamp romantique de Youssef Ishaghpour (2008), on essaiera de contribuer à la réflexion sur le rapport de l’art contemporain au romantisme. Nous serions tout particulièrement intéressés par les communications présentant des interprétations critiques des sujets suivants :
– le retour de l’idéalisme et du romantisme allemand dans les œuvres et les discours de Beuys sur des thèmes comme, par exemple, la nature, le spirituel, le spirituel dans la nature, le vitalisme, le mysticisme, l’idéal de la Bildung, l’art comme producteur d’utopies socio-politiques, le sublime, le pathos, etc.
– Les rapports de Beuys avec les sciences et les religions, dans la mesure où ils contribuent à nourrir son « romantisme ».
– L’héritage anthroposophique et théosophique, autrement dit la question du rapport de Beuys à l’œuvre de Rudolf Steiner, figure qui, pour lui comme, avant, pour Kandinsky et d’autres artistes d’avant-garde, est essentielle.
– Le champ conflictuel de la réception de Beuys en tant qu’« artiste romantique »
– Les croisements avec l’œuvre d’autres artistes contemporains étiquetés « romantiques » (par les auteurs du dossier « Pragmatismus & Romantismus » paru dans la revue Zéro Deux, n°48/hiver 2008, par exemple) ou se présentant eux-mêmes comme romantiques (comme, par exemple, Anselm Kiefer faisant sien « le romantisme philosophique, celui de Caspar David Friedrich, l’idée que tout est connecté dans l’univers »)
La journée d’études se tiendra le jeudi 26 février 2015 à l’Université Rennes 2. Cet appel s’adresse à des chercheurs de toutes disciplines (histoire de l’art, études germaniques, philosophie, etc.).
Les communications pourront être faites en français ou en anglais. Merci d’envoyer votre proposition de communication (résumé de 2000 signes max.), accompagnée d’une courte note biographique jusqu’au 12 décembre 2014 au plus tard à : Antje Kramer-Mallordy (antje.kramer@univ-rennes2.fr) et Christophe David (christophe.t.david@wanadoo.fr)
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