Appel à communication : « Conjuger la modernité. Autour des architectes Marcel Lods, Michel Roux-Spitz, Jean Watter » (ENSA Normandie, Rouen, 21-22 novembre 2018)

Appel à communication : « Conjuger la modernité. Autour des architectes Marcel Lods, Michel Roux-Spitz, Jean Watter » (ENSA Normandie, Rouen, 21-22 novembre 2018)

La modernité comme avènement de la raison instrumentale en architecture pose la question du rapport aux sciences, techniques et humanités tel qu’il a été historiquement construit ou activement recouvré, et tel qu’il acquiert une valeur au travers des discours, conceptions et réalisations des architectes à l’époque contemporaine. Appréhendé le plus souvent à l’ère industrielle comme un enjeu en soi ou comme catalyseur d’inventions (nouveaux objets, procédés/systèmes d’exploitation ou d’organisation) ce rapport interroge dans sa propension à se mouvoir en facteur principal d’innovation et à se constituer progressivement en valeur « expérimentale » ou patrimoniale intrinsèque à un grand nombre de réalisations.

Un tel déplacement sémantique renvoie à des mutations réelles, architecturales et urbanistiques, aussi bien sur le plan théorique ou critique qu’en termes de mises en pratiques. Pour l’aborder, le colloque propose d’explorer différentes visions et écritures de la modernité architecturale et urbaine autour des productions de trois architectes – Marcel Lods (1891-1978), Michel Roux-Spitz (1888-1957), Jean Walter (1883-1957). L’attention sera portée vers des questions relatives à la circulation des idées et au renouvellement des pratiques de conception, aux controverses qui accompagnent la production des formes architecturales et urbaines modernes et leur réception immédiate et différée, ainsi qu’aux modes de transmission de ces héritages et à l’évolution de nos schémas interprétatifs.

Le premier champ thématique s’intéresse à la circulation des idées et au renouvellement des pratiques de conception. Il entend aborder le transfert des principes et des procédés du monde industriel en architecture. Motivé au départ par des expériences telles que les voyages de ces architectes aux Etats-Unis ou leur connaissance particulière du monde des affaires, il donne lieu à un rapport spécifique au taylorisme et à ses dérivés pour chacun d’entre eux. Les activités et la gestion de leurs agences traduisent des modes d’exercices sensiblement différents et impliquent des postures propres dans les rapports et les négociations avec leurs clients, depuis le projet, jusqu’à la livraison en passant par la maîtrise d’œuvre et la mise en chantier. Marquées par la volonté d’« entreprendre », elles permettent d’interroger l’organisation scientifique du travail, de l’atelier au chantier, et d’apporter des réponses sur l’affirmation de la figure de l’architecte-constructeur (ingénieur) et entrepreneur à l’époque contemporaine.

Les conceptions et les réalisations, objets d’énonciation, naissent aussi au terme d’échanges oraux et écrits, de prises de position différentes quant à la préfabrication ou à l’industrialisation de l’architecture. Elles invitent à interroger les processus de diffusion des préceptes rationalistes et leurs implications politiques et sociales. À cet égard, il serait à étudier tout particulièrement les discours de ces architectes lors de conférences ou de publications – notamment dans des revues d’architecture (l’Architecte, l’Architecture française, l’Architecture aujourd’hui, etc.) –, mais à s’interroger aussi sur les postes à responsabilité (éditoriale, scientifique, administrative) qu’ils occupent ou qu’ils se défendent d’investir.

Le deuxième champ thématique cherche à confronter des projets architecturaux et urbains de ces trois architectes en regard des typologies qu’ils mobilisent, de la similarité de certains programmes ou de la contemporanéité des chantiers. Plutôt que de renvoyer à des états de faits, la réflexion ici s’engage autour des relations qui se tissent entre plan et projet ainsi que sur le passage des intentions aux réalités.

Les projets à grande échelle élaborés par Marcel Lods à Sotteville-lès-Rouen et par Michel Roux-Spitz à Nantes, allant de pair avec leur statut d’architecte en chef de la Reconstruction, font cristalliser des desseins urbains différents. La volonté d’« ordonner » la ville met en exergue deux conceptions de l’urbanisme opposées.

Pour autant, ces temporalités, imposées par une administration centralisatrice, donnent libre cours à une vision technocratique sur l’aménagement des territoires dans un contexte colonial. Ainsi, « Quand on ne voulait pas de moi en France, j’allais appliquer mes théories hors de la métropole » disait Marcel Lods. Les réalisations de ce dernier en Guinée française ou à plus forte raison, celles de Jean Walter avec la conception et le développement de la ville minière ex nihilo de Zellidja (Maroc), s’accordent en érigeant les colonies en « domaine de l’élection » de nouveaux principes d’organisation des espaces, terrains d’évolution et d’expérimentation des techniques constructives. Cette alternance pose la question de la catégorisation urbanistique et invite à analyser des controverses qui jalonnent la structuration de ces héritages modernes.

Le troisième champ thématique interroge le rapport que les architectes d’aujourd’hui entretiennent avec les doctrines et les réalisations de Marcel Lods, Michel Roux-Spitz ou Jean Walter. Il s’intéresse à l’appropriation et à la réinterprétation contemporaine, à la fois théorique et matérielle, de la production de ces trois architectes. Quelles formes d’oublis et de résurgences véhiculent-elles ? Peut-on parler d’un véritable dialogue d’idées et d’expérimentations nouvelles par rapport à celles héritées du XXème siècle ? Quelles prises de positions théoriques et mises en pratique se cachent derrière ? Quelles formes de justification ?

Le focus sera mis sur des projets aboutis (ou non) de reconversion ou de réhabilitation qu’il s’agirait d’exposer et de débattre autour des situations de concours et de réalisations, tantôt comme modes de création ou d’expérimentation, tantôt comme objets d’étude.

Calendrier :

·       Date limite d’envoi des résumés : 30 mai 2018

  • Réponse du comité d’organisation : 30 juin 2018
  • Date d’envoi des textes dans leur intégralité : 30 septembre 2018
  • Date limite d’inscription : 30 octobre 2018
  • Date du colloque : 21 et 22 novembre 2018

Envoi des propositions :

L’appel à communication s’adresse aux communautés scientifiques des écoles d’architecture et des universités ainsi qu’aux professionnels de l’architecture et de l’urbanisme ayant pris position théorique ou opérationnelle par rapport aux productions de ces trois architectes. Les approches nouvelles permettant d’établir un cadre comparatif, de faire des lectures parallèles et contextualisées, les études ouvrant des perspectives stimulantes et les corpus originaux seront privilégiés.

Les propositions sont à adresser sous la forme d’un résumé d’un maximum de 3000 signes, mettant en évidence la problématique et la démarche. Ce texte sera accompagné d’une biographie, limitée à 400 signes et d’une bibliographie, limitée à 5 publications, du ou des auteurs.

Le résumé est à transmettre avant le 30 mai 2018 à l’adresse suivante : colloque.modernites.ate@gmail.com

Comité d’organisation :

Milena ALEXANDROVA GUEST et Marie GAIMARD

ENSA de Normandie, EA 7464 Architectures, Territoires, Environnement, Normandie Université

Comité scientifique :

  • Milena ALEXANDROVA GUEST, Maître Assistant, ENSA de Normandie
  • Yvan DELEMONTEY,Maître Assistant, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
  • Laurent DEVISME, Professeur, ENSA de Nantes
  • Marie GAIMARD, Maître Assistant Associé, ENSA de Paris La Villette et ENSA de Normandie
  • Caroline MANIAQUE, Professeur, ENSA de Normandie
  • Valérie NEGRE, Professeur, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Danièle VOLDMAN, Directrice de recherche émérite, CNRS
  • Pieter UYTTENHOVE, Professeur, Université de Gand

Contacts :

Milena Alexandrova Guest (ENSA de Normandie), milena.guest@rouen.archi.fr

Marie Gaimard (ENSA de Normandie), marie.gaimard@rouen.archi.fr

Elise Guillerm (Assistante de recherche, ENSA de Normandie), elise.guillerm@rouen.archi.fr

 

Bibliographie :

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COHEN, Jean-Louis, DAMISCH, Hubert, (dir.), Américanisme et modernité, l’idéal américain dans l’architecture, Paris : EHESS-Flammarion, 1993.

COHEN, Jean-Louis, (dir.), Les années 30 : l’architecture et les arts de l’espace entre industrie et nostalgie, Paris : Ed. du Patrimoine : CNMH , 1997.

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FRASER, John, L’Amérique au travail, Paris : Pierre Roger et Cie, 1913.

GIEDION, Siegfried, La Mécanisation au pouvoir, Paris : De Noël / Gonthier, 1983.

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LATOUR, Bruno, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris : La Découverte, Coll. Poche / Sciences humaines et sociales, 2006 (1991).

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