Appel à communication : « Corps et représentations : une liaison dangereuse ? »

Le corps est devenu un objet central de la recherche en sciences humaines : l’histoire de l’art, la philosophie, la sociologie, l’histoire et la littérature s’en sont emparées et interrogent deux corps bien différents. Le premier est un corps médiatisé par un système de représentation, un corps sémiotique. C’est ce corps-là que l’on retrouve dans les œuvres d’art mais aussi dans des sources non artistiques – comptes rendus de procès, correspondance privée etc. – qui ont recours à un système d’écriture. Ce système de représentation est analysable en termes de forme symbolique, au sens où l’entend Panofsky [1]. Le second corps serait le corps réel, le référent du système d’écriture, ou le corps vécu par des individus à un moment donné de l’histoire. C’est ce corps-là qui se révèle le plus difficile à reconstruire, au point que depuis l’évolution de l’histoire des mentalités vers une histoire des représentations [2], il est couramment admis que l’étude d’un objet ne peut être qu’une étude de ses représentations. Cela s’applique particulièrement à l’étude du corps dont seules les représentations semblent accessibles au chercheur en sciences humaines.

C’est dans ce passage du corps représenté au corps référent (et vice-versa) que réside le danger de l’interprétation, pour toutes les sciences humaines, un danger cependant nécessaire puisque c’est le prix à payer pour pouvoir dire quelque chose du corps. Le colloque s’attachera donc à la fois à penser la place du corps réel dans le système de représentation, l’organisation des formes de la représentation en fonction du corps et le statut du corps représenté : il s’agira de réfléchir à la relation entre le corps réel et ses formes symboliques, en soulignant les enjeux esthétiques, politiques et sociaux propres aux études sur le corps. Nous privilégierons les interventions donnant une place non négligeable à une théorisation des notions. Nous proposons ces quelques axes de réflexion, qui ne sont pas exhaustifs :

– Réversibilité de la structure corps réel / corps représenté
Les représentations du corps sont-elles une façon de discipliner le corps réel, une structure profondément politique où se joue un processus de « civilisation des mœurs » [3] et donc un espace de création de normes ? Face à cette logique, la déstabilisation des systèmes de représentation (hybridité, écriture de la tératologie) opérée par les différents arts est-elle une façon de repenser le statut du corps ?

– Les formes de la représentation du corps
Si la représentation du corps relève d’une forme symbolique qui traduit un rapport général au monde, peut-on parler d’une spécificité de la représentation du corps ? On pourra s’interroger sur différents modes de représentation et sur leur incidence sur celle-ci. Le corps peut-il fonctionner comme un symbole, dont Goethe disait qu’il synthétise des éléments disparates tout en renvoyant à l’universel ? Le symbole permet-il de maintenir à la fois le référent et le système qui le dépasse ou liquide-t-il le corps réel au profit d’une structuration qui vise à le rendre totalement admissible ? Dans quel système de valeurs le réinstaure-t-il alors ? Dans cette même logique, on pourra s’intéresser au statut de la marque sur le corps. Toute marque sur la peau est toujours signe, et en tant que tel, promesse herméneutique, support d’une interprétation destinée à être mise en discours.

– Violence de la représentation
Enfin, on pourra s’interroger sur la violence que peut générer le passage – voire la coexistence – du corps référent au corps représenté, dans une société où, selon Baudrillard par exemple, le corps se réduit à un système de signes, à une marchandise parmi d’autres, au prix d’une violence fondamentale faite au corps réel [4]. L’utilisation par cet auteur, ou encore par Agamben [5], des modèles économiques ou psychanalytiques pour penser le corps réel ou le corps représenté (dans l’art par exemple) pourra être interrogée, ou réinvestie dans les communications. Enfin, la violence de la représentation pose le problème du corps du lecteur / spectateur et peut amener à repenser une théorie de la réception en fonction du corps.

Participation
Les propositions de communication sont à faire parvenir à l’adresse suivante :labocmdr@gmail.com, au format .doc. Les communications pourront être faites en français ou en anglais avant le 15 janvier 2013. Une courte notice biographique (nom, prénom, adresse mail, adresse, statut, discipline, institution, recherches en cours) précédera le titre de l’intervention et le résumé proposé qui n’excédera pas 500 mots.

Le colloque, organisé par le laboratoire junior « Corps : Méthodes, Discours, et Représentations » se déroulera à l’ENS de Lyon les 17 et 18 octobre 2013 (Parvis René Descartes, Lyon, France). Le budget est en cours de réalisation et nous préciserons ultérieurement les possibilités de financement.

Contacts
Cécile Codet
Stéphanie Chapuis-Després
Mathieu Gonod

courriel : labocmdr@gmail.com

Notes
[1] La forme symbolique pour Panofsky « désign[e] un mode de signification qui exprime et résulte d’une certaine façon d’appréhender le monde ». La reconstitution de la forme symbolique relève d’une historicisation des formes de la représentation. Cf. Audrey Rieber, « Le concept de forme symbolique dans l’iconologie d’E.Panofsky », Revue Appareil, Articles, Varia, 03/07/2012, URL : http://revues.mshparisnord.org/appareil/index.php?id=436.
[2] Nous renvoyons aux analyses de Roger Chartier dans son article « Le monde comme représentation », in Annales ESC 6 (1989). [3] Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973.
[4] Jean Baudrillard, L’échange symbolique et la mort, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, Paris, 1976.
[5] Giorgio Agamben, Stanze : paroles et fantasmes dans la culture occidentale, Payot & Rivages, coll. Rivages poche petite bibliothèque, Paris, 1998.

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