Il sera question d’interroger les différentes temporalités des mondes de l’art contemporain dans leur articulation et leur confrontation. Il s’agira de questionner les rapports temporels – de synchronie et/ou de diachronie – entre la conception, la production et la réception des différentes pratiques artistiques contemporaines. L’un des enjeux de la (des) temporalité(s) de l’œuvre d’art est de relever son action pragmatique, ses conséquences factuelles, sociales, sur une culture qui tend à se globaliser. Quelles sont les conséquences des temporalités des œuvres d’art sur leur mode d’existence, sur les rapports entre l’artistique et l’esthétique ?
Le temps de la création artistique n’est jamais la simple extériorisation d’une idée : comme un effet de feedback, il se constitue le plus souvent par un aller-retour entre l’artiste, son objet et le monde qui l’entoure et l’inspire. Quels sont ces mécanismes qui induisent le travail du temps, qu’il soit latent, implicite ou au contraire revendiqué par l’artiste et de quelle manière cela questionne-t-il le statut de l’œuvre ?
Il y a le temps conduit par l’œuvre elle-même – qu’il soit narratif, diégétique ou de sa manifestation. Y a-t-il encore une pertinence à faire une distinction entre des arts de l’espace et du temps, à l’heure où la danse d’hybride avec les arts plastiques, la musique avec la littérature, ou la sculpture avec la danse ? Toute œuvre n’est-elle pas prise dans une culture qui se manifeste au-delà de l’espace et du temps « matériel » ? Dès lors, quel est le devenir de l’activité artistique, de sa réception dans le contexte de ces nouvelles temporalités, spatialités de l’œuvre ? Peut-il y avoir œuvre sans une temporalité et une spatialité « matérielles » – à un moment ou à un autre de son existence ?
Les temporalités du discours jouent aussi un rôle pour notre appréhension du temps de l’œuvre. Si la période d’après-guerre et les années 1960 ont cherché à élaborer des réflexions ayant pour ambition de toujours se renouveler, à l’image du mouvement interne propre au modernisme, elles apparaissent souvent non opérationnelles aujourd’hui. Ainsi, il y a une histoire de l’art occidental qui a cherché à articuler et/ou à dissocier les notions de présentation et de représentation et dont l’un des enjeux est un devenir « théâtral » des œuvres, dans le sens où elles imposeraient leur présence au spectateur et ne lui laisseraient aucune liberté pour leurs activations temporelles. Comment mettre en présence le passé, le présent et le futur d’une œuvre sans reconduire une « théâtralité » ?
De plus, les œuvres contemporaines sont prises comme objet par d’autres disciplines (anthropologie, sociologie, psychologie, sciences cognitives…) qui les insèrent dans d’autres formes de temporalités. Quelles sont les conséquences de l’évolution de la forme et du contenu des discours sur l’art – qu’ils soient critique, analytique, historique… – sur le temps de l’œuvre ?
Dans la mesure où la discipline historique est impliquée dans les processus temporels des œuvres d’art, peut-elle conduire ce questionnement sur leurs temporalités si elle ne modifie pas ses outils méthodologiques – dont son logocentrisme temporel occidental ? Comment élaborer une « épistémologie » de la temporalité artistique : quels types de connaissances sollicite-t-elle ? Quelle(s) « discipline(s) » pourrai(en)t la conduire ?
Axes de réflexion :
– Artistes qui intègrent une réflexion sur le temps dans leurs pratiques. Par exemple : John Cage, Dan Graham, Robert Smithson, Gary Hill, Bill Viola, Chris Marker, Duane Michals, Éric Rondepierre, Lefevre Jean-Claude, Roman Opalka, Sophie Calle, Matthew Barney, Christian Marclay, Mario Garcia Torres, Mike Nelson, Douglas Gordon, David Claerbout, Francis Alÿs, William Kentridge, Anri Sala, Adel Abdessemed…
– Synchronie et/ou diachronie entre les procès de conception, de production et de réception d’une œuvre d’art.
– Articulation et/ou confrontation entre un temps privé (intime) et un temps public (commun).
– Temporalité de l’œuvre et rapports entre le potentiel, réel et virtuel ou actuel. Le virtuel est-il « ce qui ne passe pas » : pas tant un intemporel mais une atemporalité (ni passé, ni présent, ni futur) qui résiste à toute temporalité ? L’actuel est-il ce qui permet au passé de passer ? L’actuel doit-il composer avec le potentiel, le réel pour acquérir une temporalité matérielle ?
– Temporalités spécifiques pour les œuvres à exécution – œuvre à partition, reenactment…
– Durée de l’œuvre : activation, implémentation, entretien, restauration…
– Repenser les temps de l’œuvre par des temporalités non occidentales.
– « Anachronie » et temporalité non linéaire des œuvres et des mondes de l’art.
– Regards différents que portent les périodes de l’histoire de l’art sur le même objet – œuvre, artiste, mouvement…
– Conséquences de l’évolution du discours esthétique, critique, historique… sur notre appréhension du temps de l’œuvre.
– Modes différents de temporalité spécifiques à chaque discipline (artistique ou théorique) et leur action sur la temporalité de l’œuvre.
– « Redécouvertes » d’artistes, de mouvements, d’œuvres par les agents de l’art ; actions prospectives, rétrospectives des institutions artistiques et culturelles.
Les propositions devront nous parvenir sous la forme d’une problématique résumée (5.000 signes maximum, espaces et notes compris) avant le 15/06/2013 par courriel à Stéphane Reboul (reboul.stephane@free.fr) et à Umut Ungan (umut.ungan@ehess.fr). Les textes sélectionnés (en double aveugle) feront l’objet d’une journée d’étude à l’INHA le 12/10/2013. Le texte définitif des propositions retenues devra nous parvenir le 04/10/2013 (40.000 signes maximum espaces compris).
Certaines des contributions seront retenues pour publication dans le numéro 19 de Marges.
La revue Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées – esthétique, arts plastiques, études théâtrales ou cinématographiques, musicologie, sociologie, histoire de l’art…
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