Appel à communication : « Les vocabulaires locaux du « patrimoine ». Variations, négociations et transformations »

On associe souvent le « souci patrimonial », dans sa version française de « patrimoine » ou anglo-saxonne de « heritage », à une originalité de l’histoire culturelle de l’Occident, et la diffusion des valeurs qui lui sont associées à une vocation universaliste et globalisante. Mais les objets (artefacts, monuments, sites, animaux, espèces végétales et pratiques sociales) et les usages (processus mémoriels et identitaires, dynamiques de transmission, lien au passé et à l’histoire) que recouvre le domaine du « patrimoine » occidental font parfois déjà partie des pratiques culturelles et des représentations collectives de sociétés non occidentales. Cette pluralité des conceptions « patrimoniales » permet de dépasser le motif rhétorique du « grand partage » et de mieux redéfinir ce qui fait différence et ce qui relie les cultures du monde. De plus, si toutes les sociétés ne donnent pas le même sens ni les mêmes valeurs à leur terminologie patrimoniale, elles s’inscrivent par ailleurs dans un processus récent de traduction sémantique et conceptuelle des standards internationaux diffusés par les organismes du « patrimoine ».
La difficulté de l’analyse des recouvrements et des différenciations des vocabulaires « patrimoniaux » provient du fait que les instances internationales ont peu à peu inclus dans le champ « patrimonial » des objets très différents (architecture, urbanisme, art, paysage, environnement, langues ou pratiques et représentations sociales) et ont ainsi poussé les acteurs à interpréter certaines terminologies locales en terme de « patrimoine », alors que la « tradition », la « coutume », la « mémoire » ou la « transmission » pouvaient être pensées de manière autonome. De plus, le découpage du champ « patrimonial », entre « patrimoine culturel », « patrimoine naturel » et « patrimoine immatériel » contient en soi une classification du réel qui ne se reporte pas directement dans les situations sociales et qui contraint également les acteurs locaux à une redéfinition de leurs propres catégories de pensée.
Aussi la terminologie « patrimoniale » occidentale n’est peut-être pertinente que dans la mesure où les acteurs revendiquent et usent eux-mêmes de ce vocabulaire. Cette posture relativiste permet de s’interroger 1. sur les terminologies des activités de type « patrimonial » qui sont déjà à l’œuvre localement dans les cultures en dehors des cadres internationaux, 2. sur les traductions des termes « patrimoine », « sauvegarde », « conservation », « restauration », « valorisation », etc. dans les négociations conceptuelles qui ont cours localement et 3. sur les
écarts existant entre ces deux niveaux et sur les incompréhensions que ce décalage engendre dans la mise en œuvre locale des programmes utilisant des catégories internationales.
Peut-on faire l’inventaire comparatif des notions « patrimoniales » qui se déploient dans les sociétés humaines ? Quelles sont les notions locales qui entrent en jeu dans l’arène « patrimoniale » contemporaine ? Que recouvrent exactement ces notions dans les régions indépendantistes ou autonomes d’Europe et dans les nations issues de la décolonisation ? Comment se distribuent les significations et les requalifications de vocabulaire dans les groupes minoritaires et marginaux ? Dans quelle mesure peut-on faire du champ patrimonial un point d’observation de l’évolution historique d’une société ?
L’idée centrale de ce colloque est de mener une comparaison internationale des variantes des vocabulaires et des usages linguistiques locaux du « patrimoine », aussi bien dans le contexte de contact avec les institutions internationales que dans le cadre restreint des usages indigènes et coutumiers. Le colloque se propose donc de prendre au sérieux les définitions et re- définitions émiques des « termes indigènes », et d’en dresser un inventaire critique, en dépassant la fiction d’un champ « patrimonial » homogène, continu et globalisé. Une analyse comparative et une confrontation de concepts voisins dans les différents vocabulaires locaux permettraient également de prendre la mesure des transactions, des mutations, des malentendus ou des transferts qui peuvent naître des contacts globaux initiés dans les échanges culturels au cours des deux derniers siècles.
Dans cette perspective, quatre grands domaines d’interrogation semblent se dégager : 1. La variabilité des vocabulaires « patrimoniaux » et ses effets sociaux dans des contextes culturels, historiques ou politiques différents. Comment penser aujourd’hui l’originalité des systèmes de conservation, de transmission et de mise en archives de l’Occident et des « autres » cultures? 2. Les négociations conceptuelles qui se jouent dans les accommodements des termes locaux au niveau régional, national ou international. Comment ces négociations s’inscrivent-elles dans un espace public de requalification terminologique des vocabulaires et des pratiques « patrimoniales », parfois incarnées dans des figures de spécialistes patrimoniaux ou des organisations collectives? 3. Les transformations que subissent les artefacts dans les processus de traduction et d’échange. Quels changements matériels doit-on faire subir aux objets patrimonialisés et aux représentations pour qu’ils puissent correspondre aux critères locaux et/ou internationaux? 4. La variabilité des usages scientifiques du terme « patrimoine » à l’intérieur des traditions académiques et ses répercutions dans la pratique des experts et du dialogue interdisciplinaire.
Le colloque est ouvert à tout chercheur travaillant sur les usages politiques, culturels, historiques et sociaux du « patrimoine », dans une perspective d’échange et de comparaison interdisciplinaire, et pouvant fournir un témoignage circonstancié sur une aire géographique particulière afin d’apporter un élément à la réflexion collective. Les langues de travail seront l’anglais, le français et le portugais.
Le congrès ne pourra prendre en charge le voyage et l’hébergement des participants. Le montant de l’inscription est de 150 euros et comprend les déjeuners, les dîners, les pauses café, le dossier de documentation, une visite guidée de la ville de Evora et l’accès Wifi.
Les propositions (250 mots, contact, affiliation scientifique et notice biographique de 50 mots) sont à soumettre avant le 1er juin 2011 à lvh2012@uevora.pt. Les résultats seront rendus publics le 1er juillet 2011.

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Contact : lvh2012@uevora.pt

Source : http://calenda.revues.org/nouvelle19481.html

URL de référence : http://www.cidehus.uevora.pt/centro/arquivo/arq11/heritage/heritage.htm

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