Appel à communication : « L’utilisation de modèles à l’époque gothique » (Genève, novembre 2016)

Enluminure de Aristote, Politique, Éthique et Économique, France, XVe siècle Paris, BnFL’unité d’histoire de l’art de l’université de Genève et l’institut d’histoire de l’art de l’université de Strasbourg organisent un colloque international les 4 et 5 novembre 2016 à Genève :
Modèles supposés, modèles repérés : leurs usages dans l’art gothique.

La question des modèles, dont l’utilisation est intrinsèque au processus de création artistique, se trouve depuis longtemps au centre des préoccupations des historiens de l’art. Pour le Moyen Âge, le recours à des modèles variés est récurrent. Ceux-ci n’en sont pas moins difficiles à repérer lorsqu’il s’agit de citations ponctuelles d’œuvres chronologiquement et géographiquement parfois très éloignées. En outre, l’interprétation du prototype augmente encore la difficulté d’analyse du phénomène et d’appréciation de son importance réelle. L’artiste médiéval procède en effet le plus souvent par sélection de certains motifs, qu’il assemble dans une composition nouvelle. Les quelques carnets de modèles médiévaux qui nous sont parvenus montrent le procédé : on n’y trouve guère de composition entière, mais plutôt un assortiment de figures. Cette attitude vise le dépassement du modèle par l’apport créatif du sculpteur, de l’orfèvre, du peintre ou de l’architecte, par la manière de manipuler et d’agencer les différents emprunts. La diversité des modèles employés est un élément clé pour la formation de l’art gothique, mais il n’est pas toujours aisé de déterminer pour une œuvre donnée leur provenance et la façon dont ceux-ci ont circulé.

À la suite de la publication en 1995 de l’important ouvrage de Robert W. Scheller, Exemplum. Model-book Drawings and the Practice of Artistic Transmission in the Middle Ages, le recours à des modèles bi- ou tridimensionnels qui auraient pu servir d’intermédiaire entre deux œuvres offrant un ou plusieurs points de similitude est systématiquement avancé pour expliquer la transmission formelle. Néanmoins, de nombreuses interrogations et divergences de vues demeurent sur leur importance et leur utilisation effective, tant les documents conservés sont rares et leur destination originelle incertaine.

L’objectif de ce colloque est donc de centrer l’analyse sur ces questions, plus particulièrement au sein du processus créatif à l’époque gothique (XIIe – XVe siècles) et de tous les domaines artistiques (peinture, sculpture, orfèvrerie, architecture). Ainsi, pourront être abordés dans les contributions différents aspects propres à définir plus précisément la notion de modèle, en envisageant les champs distincts relatifs à leur nature, leur emploi et les divers vecteurs de leur diffusion.

La question souvent débattue de la nature des modèles s’impose d’emblée, même s’il est souvent difficile, en l’état actuel de la documentation et de la conservation des œuvres, d’y répondre de façon assurée. Quelles œuvres sont, à un certain moment, jugées dignes d’être reproduites ou citées ? Comment le choix d’un modèle s’opère-t-il, quels critères sont pris en compte pour ériger en quelque sorte une œuvre en autorité ? Car le prototype revêt alors un caractère d’exception qu’il convient d’interroger. De plus, la question cruciale des carnets ou des feuillets de modèles doit être largement abordée. Quelles fonctions peut-on assigner aux quelques fragments que la tradition historiographique a considérés comme tels ? Peut-on distinguer les répertoires formels, destinés à consigner un motif ou une composition, des carnets de notes réalisés dans le but d’aider la mémoire ? Probablement destinés à jouer un rôle d’intermédiaire et de vecteur de transmission, les exemples conservés de ces collections de motifs se présentent sous une forme bidimensionnelle sur parchemin, papier ou bois. Le tissu, comme support probable, a également été récemment envisagé dans le cas des vitraux de Canterbury et de Sens, tandis que l’existence de modèles réduits tridimensionnels (cire, bois, terre, plâtre) a pu être proposée, notamment pour la sculpture. Là encore, une réflexion approfondie doit être menée sur la nature même des supports servant à la transmission formelle d’une œuvre vers une autre.

Il convient encore de questionner les manières dont les artisans et les artistes ont pu employer ces modèles. S’agit-il de reprises intégrales ou partielles ? Quelle est la part nécessaire d’adaptation (iconographique, au matériau, au point de vue), de complément, d’ajustement (mise à l’échelle, au cadre) et d’interprétation inévitables ? Quels sens donner aux cas d’inversions ? L’usage de modèles, que ce soit par le biais de croquis ou d’œuvres de référence, peut participer à la formation visuelle et technique de l’artiste tout aussi bien qu’orienter le choix des commanditaires en fonction de critères esthétiques ou idéologiques. Par ailleurs, il ne faut pas négliger les relevés pensés comme support mémoriel et effectués au gré des déplacements.

Par delà les modèles graphiques ou plastiques, dont le rôle et l’importance doivent sinon être relativisés du moins soigneusement examinés, la transmission des formes, des motifs et des compositions pouvait être assurée par différents vecteurs. Le voyage des artistes, des maîtres-d’œuvre ou des commanditaires, la mobilité de petits objets tels les manuscrits, les statuettes, les pièces d’orfèvrerie, les sceaux et l’envoi de cadeaux diplomatiques sont autant d’autres canaux de diffusion qui permettent aussi d’expliquer les ressemblances constatées entre des œuvres parfois géographiquement très éloignées les unes des autres.

Interroger et mettre à l’épreuve aussi méticuleusement qu’il est permis chacun de ces points devrait sans aucun doute permettre d’avancer quelques éléments de réponse à un certain nombre de questions trop brièvement soulevées jusqu’ici et de se faire une idée plus claire et plus précise sur l’un des modes de transmission des formes de l’art gothique déterminé par d’intenses réseaux de circulation qui ont participé à la fois à son émergence, à son développement et à sa diffusion.

Les actes du colloque feront l’objet d’une publication.

Les propositions de communications doivent être adressées sous forme d’un résumé d’environ 400 mots et d’un C.V. abrégé (max. 2 pages) avant le 15 décembre 2015 à colloque.modeles@gmail.com. Les réponses parviendront mi-janvier 2016 et un programme provisoire sera disponible à partir de mars 2016. Les communications dureront 20 minutes et seront suivies de 10 minutes de discussion.

Participants : chercheurs confirmés et jeunes chercheurs

Langues : français, anglais

Comité d’organisation :

Denise Borlée, Université de Strasbourg
Laurence Terrier Aliferis, Université de Genève

Comité scientifique :

Michele Bacci, Université de Fribourg
Philippe Cordez, Universität München
Frédéric Elsig, Université de Genève
Christian Heck, Université de Lille 3
Herbert Kessler, Johns Hopkins University
Pierre Alain Mariaux, Université de Neuchâtel
Roland Recht, Paris, Collège de France
Marc Schurr, Université de Strasbourg
Jean Wirth, Université de Genève

Contact : colloque.modeles@gmail.com

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