Appel à communications pour le colloque
« Photographie et Surveillance »
Pour la seconde édition de son séminaire, l’ARIP a souhaité interroger l’un des usages les plus répandus de la photographie, devenu omniprésent et pourtant de plus en plus insaisissable : son utilisation à des fins de surveillance. Avec ou sans son consentement, la société civile est aujourd’hui constamment mise en images, enregistrée, documentée, archivée, exposée. Cette omniprésence photographique dans nos sociétés contemporaines — des photographies nécessaires sur les documents officiels régulés par l’État aux identités numériques volontairement créées, alimentées, cédées aux réseaux sociaux en passant par les caméras de surveillance présentes dans les lieux publics — est si banale qu’elle ne semble pas faire l’objet d’une analyse de la pluralité de ses formes et de ses ancrages. Pourtant, c’est parce que ces usages, de plus en plus systématiques dans tous les aspects de nos vies, sont devenus si évidents qu’ils sont si facilement admis hors des lieux de notre consentement. C’est cette réflexion entamée dans le cadre de notre séminaire que ce colloque propose de poursuivre.
La photographie témoigne dès le XIXe siècle d’un fantasme du tout-visible, du tout- inventoriable, du tout-classifiable allant au-delà des limites physiologiques, jusqu’à vouloir étendre le domaine du visible. Cette croyance s’incarne alors dans les usages scientifiques et médicaux du médium mais également dans une utilisation policière et judiciaire portant sur certaines catégories de la société. Cette surveillance par la photographie procède d’une dynamique double fondée sur la visibilité de la population tout en gardant son fonctionnement opaque. Ainsi, de Bertillon à Frontex, il semblerait qu’une croyance dans les capacités probatoires et heuristiques de la photographie ait survécu en se modifiant et que cette utopie photographique du XIXe siècle soit réapparue par le truchement de l’informatique, de la numérisation, des algorithmes et des nouvelles technologies.
À l’heure de la surveillance librement consentie sur laquelle repose le modèle économique des GAFAM comme à celle de l’utilisation de la photographie aux contrôles aux frontières, il est donc important de renouveler une réflexion critique sur les valeurs et les mythes associés au médium photographique ainsi que sur la persistance de certaines constructions épistémologiques et rhétoriques.
C’est par le croisement de perspectives historiques et contemporaines, mais aussi par celui de plusieurs champs disciplinaires que nous chercherons à saisir les enjeux historiques, épistémiques, politiques et sociaux des liens qui unissent la photographie et la surveillance, à l’aide de réflexions historiques, sociologiques ou artistiques.
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Afin de commencer à répondre à ces questions, mais aussi de compléter les réflexions élaborées au fil du séminaire, les axes de réflexion suivants, sans être exhaustifs, sont envisagés :
· Le renouvellement des utopies photographiques passées :
Quelles visions de la photographie révèlent en creux ces usages ? Les fantasmes de la naissance du médium tels que l’exhaustivité d’une archive photographique du monde, l’identification des personnes, ou encore l’heuristique photographique trouvent-ils un nouvel écho dans ces usages sécuritaires ?
· Les nouvelles technologies de l’image et les innovations sécuritaires :
Comment se font et se lisent aujourd’hui les images de la surveillance ? Quels sont les rapports de force inhérents à la mise en place de nouveaux dispositifs ? Quels sont les acteurs qui font aujourd’hui apparaître de nouvelles innovations ? Quelle forme la surveillance photographique prend-elle dans les contextes de régulations intérieures et extérieures opérées par l’État : mouvements sociaux, migrations, conflits armés ?
· Les discours de réassurance et de légitimation des usages en contexte démocratique :
Quels discours sont mis en place pour justifier ces usages de la photographie et quelles rhétoriques visuelles accompagnent ces pratiques ? De quelles dérives autoritaires la photographie peut-elle devenir l’outil et comment accompagne-t-elle l’évolution de nos sociétés ? Que fait cette utilisation du médium à l’État de droit ?
· Les stratégies de résistance :
Quelles stratégies échappatoires est-il possible de mettre en place ? Peut-on échapper à la surveillance photographique ? Quelles autres images produire pour résister visuellement à ces usages ?
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MODALITÉS DE SOUMISSION DES PROPOSITIONS
Les propositions de contributions (résumés au format .doc ou .pdf, de 4000 signes maximum), accompagnées d’une brève bio-bibliographie de leur autrice ou auteur, sont à envoyer par courrier électronique à arip.contact@gmail.com, jusqu’au lundi 30 avril 2021 inclus.
Format final de l’intervention : les interventions dureront 30 minutes et seront suivies d’une séance de questions avec le public.
Le colloque se tiendra sur deux jours, à l’INHA (Paris), à l’automne 2021 (probablement les 26 et 27 octobre).
Étant tributaires des circonstances sanitaires, nous attendons d’en savoir plus pour fixer définitivement la date.
Les frais d’hébergement et de déplacement pourront en partie être pris en charge par l’organisation du colloque. Cependant, nous ne serons probablement pas en mesure de prendre en charge l’intégralité de ces frais. Ainsi merci de vous rapprocher de vos structures afin d’évaluer leurs capacités de financement.
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Comité scientifique :
Sous la direction scientifique de Michel Poivert (Professeur, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne),
avec :
Alice Aigrain, (Doctorante, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – ARIP)
Julien Chandelier (Doctorant, Université de Paris)
Célia Honoré (Doctorante, Université de Tours – ARIP)
Martine Kaluszynski (Directrice de recherche , CNRS)
Doriane Molay (Doctorante, EHESS – ARIP)
Carolina S. Boe (Post-Doctorante, Université de Paris, CERLIS CNRS)
Félix Tréguer (Post-Doctorant, CERI Sciences Po)
Comité d’organisation :
Bureau collégial de l’ARIP
Source : https://arip.hypotheses.org/
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