Appel à communication pour le colloque « Patrimoines et humanités numériques : quelles formations ? » organisé les 21, 22 et 23 juin 2012 par les Archives nationales (Pierrefitte) et l’Université Paris 8.
Date limite pour soumettre une proposition : 2 mars 2012.
La formation au patrimoine a été longtemps articulée aux définitions du patrimoine qui se sont succédé : musées au service de l’instruction publique pour la formation du citoyen, de l’artiste ou du scientifique après la Révolution (la création de l’Ecole du Louvre en 1882 pour former «les conservateurs, les missionnaires et les fouilleurs » s’inscrit dans ce cadre), souci d’élaborerune histoire nationale (création de l’Ecole des Chartes en 1821, de l’Inspection des monuments historiques en 1830), prise en compte du patrimoine naturel dès 1906 (création de l’Ecole nationale d’horticulture en 1945 remplacée en 1976 par l’actuelle l’École nationale supérieure du paysage de Versailles). La création de l’Institut national du patrimoine en 1990, celle de l’ENSSIB en 1992 témoignent de l’adaptation de la formation au développement du champ patrimonial : les futurs conservateurs doivent être des scientifiques et des gestionnaires. Les programmes prennent progressivement en compte les évolutions de la notion de patrimoine dont témoignent les différentes conventions de l’Unesco, de la reconnaissance du patrimoine mondial culturel et naturel en 1972 jusqu’à celle sur le patrimoine immatériel en 2003 et la charte sur la conservation du patrimoine numérique la même année.
S’il nous semble opportun de reposer la question de la formation aujourd’hui, c’est que nous commençons à disposer d’un recul suffisant pour analyser les formes de socialisation de l’information induites par le numérique : comment cette technique spécifique affecte-t-elle non seulement les savoir-faire et les compétences professionnels mais aussi la manière de penser les rapports entre les institutions du patrimoine (musées, archives, bibliothèques, sites patrimoniaux) et leurs publics?
Cette question recouvre au moins deux interrogations : la première porte sur la numérisation du patrimoine et ses effets, la seconde sur le concept même de “patrimoine numérique” . Celles ci intéressent autant les institutions patrimoniales que les établissements d’enseignement et de recherche.
Des compétences documentaires aux modalités d’édition et de communication dans l’espace public numérique, en passant par l’exploitation des données et des documents numériques au sein des institutions ou encore des problématiques de préservation et de conservation, de nouvelles pratiques se mettent place sans qu’ en soit pensée la cohérence par rapport aux missions traditionnelles des institutions et par rapport à l’environnement dans lequel se situent les formations au patrimoine. Le contexte actuel invite à considérer la perméabilité entre les normes, les outils et les pratiques liées à la création et la gestion des documents numériques qui proviennent des institutions et celles qui se développent dans l’environnement public du web. Par ailleurs la documentation numérique joue également un rôle considérable dans les changements de pratiques des institutions académiques et de recherche.
Aussi, le colloque se propose-t-il d’articuler les nouveaux enjeux de la formation aux métiers du patrimoine avec les transformations plus générales des cultures académique et de recherche. Dans cette optique, les Humanités numériques doivent permettre de penser la relation entre les définitions du patrimoine, les modalités de circulation, d’appropriation, de socialisation des ressources numériques.
Quatre axes sont proposés afin d’aborder les interrogations soulevées.
Axe 1 : Epistémologie du concept de « patrimoine » au XXIème siècle
Sur quels critères la catégorie « patrimoines numériques » se fonde-t-elle? S’agit-il d’un ensemble de documents d’origine numérique ou convertis sous forme numérique faisant l’’objet de sélections et de politiques de conservation de la part d’institutions patrimoniales mais aussi de la part de groupes sociaux, notamment de communautés? Cette conception voit dans le patrimoine le résultat de processus de légitimation. Elle occulte toutefois la dynamique à l’oeuvre dans ce qui serait une patrimonialisation ouverte, que le numérique permet de penser, dans la mesure où il est à la fois l’objet, sa propre documentation et ses conditions de diffusion. Le concept a une valeur heuristique en ce sens qu’il mobilise à la fois les théories du patrimoine et la question de la reproduction ouverte par Benjamin et réactualisée avec l’inscription dans la culture numérique en réseau.
Quelles incidences sur les orientations et les cursus? Comment ce concept remet-il en jeu des découpages disciplinaires du point de vue institutionnel comme du point de vue des savoirs?Comment remet-il en question la coupure établie entre formations professionnelles et formations à la recherche? La question de la technologie doit -elle être posée en termes de savoir-faire ou plus largement en termes de culture informationnelle ?
Axe 2 : Production, diffusion, appropriation des ressources numériques.
Ces nouvelles situations de coopération jouent en retour sur les pratiques professionnelles. Comment les formations académiques intègrent-elles les savoir-faire liés à l’exploitation des données et de la documentation numérique? Comment la formation au patrimoine intègre-t-elle les perméabilités entre l’institution et son environnement numérique ?
Axe 3 : Institutions patrimoniales, enseignement et recherche : l’invention de nouvelles formes d’édition numérique.
De nouvelles formes de publication numérique émergent qui expérimentent l’instrumentation de corpus de documents déterminés par les besoins de l’étude et de la recherche (traitement de masses de données et documents, visualisation, représentation des connaissances, chronologies et spatialisations dynamiques) : la mise à disposition et l’édition des documents se modifie et se complexifie sans cesse. Sur ce terrain, la mise au jour des activités de recherche des institutions patrimoniales et académiques est réactualisée, prend des formes inédites et renouvelle les modalités des collaborations scientifiques. Dans le cadre de leur mission scientifique, certaines institutions patrimoniales mettent en oeuvre des réalisations numériques à partir de fonds documentaires, conservés localement ou mutualisés. Elles peuvent également coopérer avec des équipes de recherche extérieures pour favoriser l’exploitation de corpus, à la demande des chercheurs. Au-delà d’accords de mise à disposition des sources numériques, ces nouveaux développements reposent sur des partenariats entre les institutions patrimoniales et des communautés de chercheurs.
En quels termes penser ces nouvelles coopérations entre conservateurs, documentalistes, ingénieurs, techniciens, chercheurs en SHS, dès lors qu’elles mettent en présence des institutions, des corps et des professions dont les compétences mais également les cultures diffèrent ? Ces ouvertures éditoriales requièrent la possibilité de l’expérimentation et l’ouverture à la créativité : comment les institutions peuvent-elles leur faire place ? Comment les filières orientées vers les métiers du patrimoine et celles de la recherche dans les disciplines des Sciences humaines et sociales prennent-elles en compte ces nouvelles orientations ?
Axe 4 : Penser de nouveaux modèles économiques et juridiques
La numérisation du patrimoine entraîne de nouvelles situations de travail dans le monde professionnel: l’architecture des projets numériques demande l’intervention de plusieurs corps professionnels sans que les normes qui président à leur élaboration soient clairement établies. Quelles sont les balises qui pourraient servir de repères pour la mise en place de projets culturels numériques? Le projet Europeana illustre à la fois ces nouvelles situations de travail et leurs implications sur le plan juridique, notamment en ce qui concerne le droit de la propriété intellectuelle. La numérisation nécessite par ailleurs de nouveaux moyens sur le plan économique : n’assiste-t-on pas à de nouveaux modèles marqués à la fois par des politiques et des investissements publics inédits et par la recherche de partenariats public-privé à concilier avec des missions de service public? Comment l’’actualité de l’Open data et de la réutilisation des données publiques croise-t-elle la problématique du patrimoine numérique ? Les institutions patrimoniales, institutions scientifiques par essence, ne sont-elles pas aussi aujourd’hui des entreprises de services dans l’économie du web, à côté des moteurs de recherche mais aussi en concurrence avec eux ?
Les contributions souhaitées peuvent émaner des professionnels des institutions patrimoniales, des agences de services dans le domaine du patrimoine, des responsables de formations spécialisées dans les filières du patrimoine ou dans les filières des SHS engagées dans le numérique
Calendrier et informations pratiques
2 mars 2012 : date limite de soumission d’un résumé de maximum 1000 mots (hors bibliographie) à l’adresse bernadette.dufrene@orange.fr .
La soumission sera précédée d’une page de garde reprenant : le nom et le prénom du ou des auteurs / contributeurs ; les titres, fonctions et institutions des auteurs / contributeurs; les coordonnées : adresse postale, téléphone, fax, courrier électronique ;
- 30 mars 2012 : Réponse du comité scientifique
- 1er juin 2012 : Soumission de la communication complète. Les communications présentées seront susceptibles de faire l’objet d’une publication.
Comité scientifique :
- Labex Arts H2H:
- Yves Abrioux, Paris 8
- Denis Bruckmann,BnF
- Bernadette Dufrene, Paris 8
- Madjid Ihadjadene, Paris 8
- Remi Labrusse, Paris10
- Elsa Marguin, Archives nationales
- Isabelle Moindrot, Paris 8
- CNAM :
- Ghislaine Chartron
- Dominique Ferriot
- Manuel Zacklad
- Ecole de restauration et de conservation des biens culturels d’Alger :
- Nacéra Benseddik
- Institut national du Patrimoine:
- Gennaro Toscano
- Institut du Patrimoine, Tunis:
- Soumaya Gharsallah
- Université de Laval:
- Philippe Dubé
- Milad Doueihi
- Université Paris1 – Panthéon-Sorbonne
- Corinne Welger-Barboza
- Université de Poitiers :
- Nabila Oulebsir
Comité organisateur :
Marie-Cécile Bouju, Paris 8, Bernadette Dufrene, Paris 8, Elsa Marguin, Archives nationales, Axel Bourgeois, Paris 8, Muriel Flicoteaux, Benjamin Barbier.
Contact :
- Muriel Flicoteaux
courriel : muriel [point] flicoteaux (at) orange [point] fr - Bernadette Dufrêne
courriel : bernadette [point] dufrene (at) orange [point] fr
URL de référence : http://calenda.revues.org/nouvelle22639.html
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