Sujet proposé – Tenaillée entre une aspiration systémique et l’attention portée au singulier, la pathographie du XVIIIe s. a pris la forme aussi bien de grandes entreprises nosologiques que de récits singuliers. Pour ce numéro de DHS, nous souhaitons nous intéresser aux différentes formes de mise en récit de la maladie au XVIIIe s., qu’elles se situent dans le cadre de discours savants, de narrations privées ou de fictions. Raconter la maladie se veut interdisciplinaire et ouvert aux études françaises et européennes.
Voici une liste (non exhaustive) de sujets possibles :
a) Les pratiques, les formes et les genres de la pathographie au XVIIIe siècle, telles que les observations, les anecdotes, et en particulier le cas : écriture et utilisation médicales du cas, circulations des cas médicaux, recueils d’observations cliniques au lit du malade (par exemple à la Charité à Paris), “cas-type” hérités de la tradition médico-littéraire (tels l’homme qui croit être en verre), réécritures romanesques, épistolaires, journalistiques, scientifiques, juridiques et religieuses de cas médicaux.
b) La mise et série d’observations médicales et le développement d’outils statistiques comme spécificité du XVIIIe siècle : introduction du tableau dans le texte narratif, développement de la mathématique médicale (influence de l’école d’Edimbourg), comptes rendus des médecins militaires (méthodes quantitatives : exemple du scorbut dans la marine militaire), etc.
c) L’attention portée par le XVIIIe s. au récit de pathologies spécifiques : certaines sont “traditionnelles”, comme la folie, les maladies féminines, la syphilis et/ou la gonorrhée et la pierre, etc. ; d’autres font débat en fonction de l’actualité sanitaire ou politique (variole et inoculation, goutte et luxe, convulsionnaires et jansénisme, etc.) ; d’autres encore sont plus spécifiquement des créations du XVIIIe siècle, comme la mollesse, les pathologies des gens de lettres, l’onanisme, la dégénérescence de la race ou d’autre “maux de la civilisation”.
d) La circulation des récits de maladies entre des genres différents : par exemple réflexion sur la mélancolie religieuse aussi bien dans des ouvrages théoriques que dans la fiction, ou discours sur la contagion entre traités médicaux et fiction.
e) Grands et petits récits de la maladie : d’une part, expression de maux collectifs, dont les épidémies, les maladies des colonies, etc. D’autre part, expression de maux personnels à travers des ego-documents (par exemple correspondance de Mme du Deffand; fonds de correspondance de médecins tels que Samuel-Auguste Tissot, Hans Sloane, Etienne-François Geoffroy), expression de la douleur et voix du patient, etc.
f) Stéréotypes nationaux et/ou régionaux : spleen des anglais, “mal napolitain” ou “mal français”, tarentelle, colique du Poitou, nostalgie des Suisses, etc. entre traités médicaux et œuvres littéraires.
g) Récit et iconographie de la maladie : rapport texte/image (illustrations, planches), caricatures (Rowlandson), séries de vignettes narrant l’évolution d’une maladie (p. ex. A Harlot’s Progress de Hogarth), etc.
h) Les maladies comme métaphores : Leseseuche en Allemagne, contagion de l’exemple, “onanisme moral” (Hufeland), etc. La maladie devient-elle une figure à part entière?
i) Pathographies des “grands” : bulletins et comptes-rendus de santé des têtes couronnées (le roi Georges III d’Angleterre) puis de personnages célèbres (Voltaire, Erasmus Darwin, Rousseau).
j) Usages inattendus des récits de maladie : politiques, comiques (p. ex. manuels sur l’art des vapeurs), volonté du corps médical d’annexer de nouveaux territoires (maladies des gens de lettres, sexualité), etc.
Échéances : propositions (250 mots) à rendre pour le 1er mai 2013 conjointement à Sophie Vasset (sophie.vasset@univ-paris-diderot.fr) et à Alexandre Wenger (alexandre.wenger@unige.ch). Les articles retenus seront à rendre pour le 1er avril 2014.
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