Dossier: L’art de la façade. L’architecture et les arts visuels.
Revue Histoire de l’art, n°72, printemps 2013.
La thématique de ce dossier se fonde en premier lieu sur un constat : celui d’une porosité grandissante entre architecture et arts visuels depuis une quinzaine d’années. Tandis que les architectes revendiquent des filiations très précises avec l’art contemporain (notamment l’art minimal et le Land art), les artistes s’emparent de l’architecture et de la ville, matériaux devenus omniprésents dans la création actuelle. C’est l’occasion d’interroger ces pratiques transversales et d’engager un travail rétrospectif sur les rapports art/architecture.
Il va sans dire que nous ne souhaitons pas rouvrir ici le dossier de la synthèse des arts ou de l’œuvre d’art total. L’objectif est, tout en s’appuyant sur des exemples concrets, d’apporter une contribution théorique à la relation entre les pratiques architecturales et artistiques (sculpture, peinture, arts du feu…) de l’Antiquité à nos jours. Pour ce faire, il est souhaitable que les contributions soient centrées sur la question de la façade, au sens large du terme (nous pourrions également dire l’enveloppe murale), et de ses multiples rapports avec les espaces intérieurs et extérieurs.
La façade est bien entendu comprise dans toute son épaisseur : il s’agit non seulement du « plan de façade » et de sa capacité à accueillir les arts, mais encore des relations tantôt harmonieuses tantôt conflictuelles qu’elle entretient avec ce qu’elle est censée clore. Expression du plan ou enveloppe, rationaliste ou textile (G. Semper), jeux de construction exhibée, la façade est un lien, un lieu, une œuvre, parfois un tableau, une sculpture, mais aussi un écran… Par-delà le terme spécifique de façade, c’est bien par conséquent la question du mur (dans sa matérialité, sa structure, sa plasticité) qui est en jeu.
Parmi les problématiques envisagées, celle de la dialectique transparence/opacité, dedans/dehors ou privé/public, nous semble particulièrement féconde. En effet, selon des modalités différentes, la façade a souvent été pensée comme le lieu d’un dialogue, d’une rencontre entre la communauté, les institutions et les personnes privées.
Sans caractère limitatif (chronologique ou thématique), voici quelques pistes qui pourraient être approfondies :
– De nombreuses recherches archéologiques ont mis en évidence le rôle de la couleur dans l’articulation et l’animation des façades de la Rome Antique. Récemment, l’analyse de quelques façades pompéiennes a révélé à quel point l’interpénétration symbolique de l’espace public et de l’espace privé pouvait s’effectuer par le dialogue architecture/peinture.
– La façade de la cathédrale médiévale, en dépit de son imposante matérialité, a pu être conçue comme un portail ouvrant sur un espace physique et symbolique. À la fois opaque et transparente, elle est un lieu d’édification et de conversion qui permet à l’homme de prendre conscience de sa condition (peccamineuse et mortelle) tout en se plaçant dans l’espérance. La place accordée à la sculpture pour matérialiser l’ordre divin et préfigurer l’Au-delà ou encore la part grandissante octroyée au vitrail, symbole de la double nature du Christ (homme et dieu), rendent compte de cette dialectique.
– A la Renaissance, cette même façade est souvent assimilée au visage. Vasari ou l’Arétin parlent l’un et l’autre de la « face » du palais et entendent par conséquent que l’on puisse « lire » la façade comme on lit un visage. Les décors peints ou sculptés qui se multiplient entre les XVe et XVIIe siècles dans toute l’Europe en marge des réalisations classiques participent alors à la construction de l’identité du propriétaire par des allusions iconographiques et symboliques, tout en redéfinissant de manière illusionniste les limites traditionnelles entre l’intérieur et l’extérieur (ouverture feinte, surgissement de figures, renversement des structures architecturales…).
– À l’inverse de ces expériences essentiellement plastiques, le modernisme a assigné à la façade des rôles et des significations radicalement nouveaux. Economie d’effets et de moyens, refus de l’ornement, plan libre et mur-rideau, dématérialisation du mur : ces facteurs ont tour à tour détruit et réinventé le concept de façade et le rapport entre intérieur et extérieur. Proche de Fernand Léger, Jean Hélion et Alexander Calder, l’architecte Paul Nelson écrit en 1937 : « Il est intéressant de noter l’analogie entre la peinture qui quitte le mur pour épouser l’espace et l’évolution architecturale où le mur n’existe plus. » On sait cependant la difficulté qu’eurent les artistes à trouver leur place dans le champ architectural.
– Partant de l’hypothèse que l’après modernisme (ou « supermodernisme ») est, tout à la fois, une version non doctrinale du modernisme et son accomplissement plastique et matériel, il paraît logique que les arts visuels y trouvent une place plus clairement assumée. Par-delà le principe rationaliste de vérité (vérité du programme, vérité des matériaux de construction), la façade retrouve plus que jamais le statut de projet en soi.
Les coordinateurs du dossier sont Jérémie Koering, Chargé de recherches au CNRS (Centre André Chastel) et Simon Texier, Professeur à l’Université de Picardie.
Prière d’envoyer un synopsis d’une page (avec une présentation en cinq lignes de l’auteur) avant le 11 novembre 2012 à la rédaction de la revue revue.histoiredelart@inha.fr .
Après une première sélection, les textes définitifs seront, quant à eux, attendus pour le 15 février 2013 pour une publication au printemps 2013.
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