Appel à contributions
Numéro spécial Sport History Review
Quand la peinture se saisit du corps sportif : Fernand Léger à l’œuvre
Numéro spécial coordonné par Yann Descamps, Julie Guttierez, Elisabeth Magotteaux et Christian Vivier
Le projet d’étudier les figurations du mouvement corporel, sportif et de loisir dans l’œuvre du peintre français Fernand Léger prend racine sur l’idée que le « choc visuel » ressenti devant une image (affiche, photographie, peinture, etc.) provoque une émotion qui génère la perception, voire la ré-invention du mouvement sportif et même, bien plus encore, la suggestion d’une projection imaginaire de celui-ci chez les spectateurs. Or, à notre connaissance, il existe peu de travaux[1] sur la façon dont les peintres, quelle que soit leur école d’appartenance, ont tenté de représenter ce qu’est l’essence du sport, c’est-à-dire le mouvement, notion envisagée dans son sens large couvrant à la fois le déplacement, la mobilité, le dynamisme et la vitesse. L’étude d’un corpus de plus d’un millier d’œuvres picturales à thème sportif de peintres français et étrangers des XIXe, XXe et XXIe siècles souligne une volonté quasi-unanime des artistes à montrer des spectra sportifs en mouvement grâce à une mise en visibilité lumineuse, dynamique et positive[2]. L’examen attentif de la manière dont Fernand Léger s’empare de la question de l’évocation du mouvement des corps dans les pratiques d’exercices physiques, sportifs et de loisir s’est alors imposé comme un passage obligé à la poursuite de cette réflexion pluridisciplinaire.
Impacts sociétaux
Ce projet éditorial revêt trois intérêts majeurs. D’une part, il rappelle en quoi les productions artistiques contribuent à la construction sociale des regards de différents publics sur ce grand phénomène social et culturel contemporain qu’est le sport, ainsi qu’au façonnage des mythes, symboles, représentations et imaginaires sociaux qui le sous-tendent. D’autre part, il doit permettre, à partir d’une approche originale croisée en histoire du corps et des exercices physiques et en histoire de l’art, le déploiement d’une réflexion approfondie et nouvelle relative à la manière dont l’artiste perçoit et pense le mouvement corporel, le sport et les loisirs dans sa peinture et dans son époque. Enfin, alors que tous les regards convergent vers les Jeux olympiques et paralympiques et, plus généralement, vers les grandes épreuves sportives internationales, il s’avère indispensable de questionner cette évidence d’un sport marqué du sceau de la compétition, de la performance et de la méritocratie. L’œuvre picturale de Fernand Léger se révèle alors opportune et critique à cet endroit.
Questionnement et problématique
Alors que le premier XXe siècle est marqué par la montée du sport-spectacle comme phénomène social et médiatique en France comme aux États-Unis, ses terrains de jeu principaux, quels corps sportifs sont mis en avant par Fernand Léger ? Que révèlent-ils sur les pratiques physiques de la période ? Aussi, les travaux menés sur les spectra sportifs de plus de mille œuvres picturales occidentales des XIXe, XXe et XXIe siècles montrent que l’immobilité est très rarement représentée. Comment expliquer un tel constat ? Malgré l’accélération forcenée de la civilisation industrielle et de celle de la vitesse au cours du XXe siècle, est-il possible de laisser de côté les deux lois universelles de la mobilité reprises et mises en exergue par le sociologue Bruno Latour ?
Peut-on ignorer aujourd’hui, d’une part, que parler de mobilité n’est que le fruit d’un ratio entre transformation et transportation et jamais seulement le résultat du mouvement plus ou moins rapide d’un certain bien ou d’une certaine personne et, d’autre part, que lorsque la mobilité d’un élément s’accroît, l’immobilité des infrastructures s’accroît d’autant ? Même s’il est un peintre d’avant-garde obsédé par l’introduction du mouvement dans la peinture, Léger est constamment confronté à l’indissociabilité de ces deux postures antagonistes (immobilité versus mobilité). Son œuvre à thème sportif questionne le caractère vital même du mouvement des corps tout autant que son contraire, l’immobilité. L’intérêt d’étudier les représentations picturales du mouvement résiderait dans l’art d’interpeler la spectatrice et le spectateur de l’époque, dans la façon dont s’exprime ce délicat chantier permettant le passage du mouvement réel à sa représentation picturale à une période déterminée. Tenter d’appréhender les représentations « suggestives » du mouvement, signe et symbole de vie, dans la peinture aux XIXe et XXe siècles, c’est incontestablement essayer, en s’appuyant sur le travail des artistes, de saisir le mystère de la vie, c’est plonger au plus profond des entrailles épistémologiques de ce qui fait l’émergence de la vie : les premiers signes de mouvement.
Un projet éditorial marqué par la constitution d’une équipe internationale composées d’historien.ne.s du sport et d’historien.ne.s de l’art
Autour de ce projet éditorial pour la revue SHR, l’idée générale consiste donc à réunir une équipe internationale d’une trentaine de chercheur.es reconnu.es dans le domaine de l’histoire du sport et une équipe constituée des directrices, des conservatrices, des conférencières, des médiatrices, etc., des musées des Alpes-Maritimes (musée Léger, musée Chagall et Chapelle Picasso) spécialistes de l’œuvre de Fernand Léger afin de produire des connaissances scientifiques nouvelles reposant à la fois sur une entrée thématique par catégorie sportive et sur une entrée plus transversale. Les grandes séries d’œuvres réalisées par Fernand Léger entre 1903 et 1955 forment le corpus de cette étude. Voici quelques perspectives d’objets de recherche potentiels parmi d’autres :
Entrée thématique par type d’activités corporelles et sportives
-Danse et pratiques artistiques
-Exercices gymniques
-Cyclotourisme
-Pratiques aquatiques
-Boxe
-Patinage à roulettes
-Pratiques circassiennes
Entrée thématique transversale délaissant la classification par type d’exercices physiques
-Le corps animé et le corps fragmenté
-Les artifices et procédés artistiques du mouvement des corps
-Les images des corps teintées d’influences américaines
-Les aménagements décoratifs des dispositifs sportifs
-Le bien-être corporel ou la couleur qui guérit
-Une ethnocritique de l’œuvre peint : Fernand Léger témoin et interprète du sport de son temps
-Engagement artistique, engagement politique et loisir sportif
-Au « Pays des cercles en action », les espaces ludiques représentés par Fernand Léger sont-ils hétérotopiques ?
Échéancier prévisionnel (n° spécial programmé pour le printemps 2026)
-Décembre 2024 : lancement et diffusion de l’Appel à Contributions
-15 février 2025 : réception des propositions d’articles
-15 février au 28 février 2025 : examen des propositions et sélection des projets retenus
-1er mars 2025 : décisions des projets retenus
-30 août 2025 : envoi des textes finalisés
-Du 1er au 30 novembre 2025 : procédure d’expertise (envois des textes aux deux expert.e.s choisi.e.s (Expertise 1)
-30 novembre 2025 : décision des éditeurs aux auteur.e.s (refus, acceptation, acceptation avec modifications mineures ou majeures)
-Décembre 2025 et janvier 2026 : procédure de révisions (allers-retours auteurs/experts)
-1er février 2026 : remise des textes scientifiques validés pour publication
Instructions pour la soumission
Nous invitons la soumission de résumé (maximum 500 mots) en français ou en anglais décrivant le sujet envisagé à tous les rédactrices et rédacteurs invités avant le 15 février 2025. L’acceptation des résumés sera notifiée au plus tard le 1er mars 2025. Les articles complets doivent être soumis avant le 30 août 2025.
Veuillez noter que les articles soumis à SHR doivent être limités à 7 000 et 8 000 mots, notes comprises, et formatés conformément aux directives de SHR. Tous les articles soumis feront l’objet d’une évaluation par les pairs en double aveugle et devront être révisés en fonction des commentaires des évaluateurs et, le cas échéant, des commentaires des rédacteurs en chef invités. Le numéro spécial devrait être publié dans le numéro du printemps 2026 (n° 1) de la SHR.
Information et contact des rédactrices et rédacteurs du numéro
Yann Descamps, Université de Franche-Comté (France) : yann.descamps@univ-fcomte.fr
Julie Guttierez, Musée national Fernand Léger (France) : julie.guttierez@culture.gouv.fr
Elisabeth Magotteaux, Sorbonne Université (France) : magotteaux.elisabeth@gmail.com
Christian Vivier, Université de Franche-Comté (France) : christian.vivier@univ-fcomte.fr
Toute question peut être adressée à Christian Vivier (christian.vivier@univ-fcomte.fr) et Yann Descamps (yann.descamps@univ-fcomte.fr).
[1] Pour une liste non-exhaustive, on peut tout de même se référer aux ouvrages : Le corps en mouvement, cat. Exp. Paris, Petit Palais-Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, 15 mai-7 novembre 2024, Paris, Petit Palais 2024 ; Le corps en mouvement. La danse au musée, cat. Exp. Paris, Musée du Louvre, 6 octobre 2016-3 juillet 2017, Paris, Seuil, 2016 ; Jean- René Gaborit et Cyrille Gouyette, Les élans du corps : le mouvement dans la sculpture, Paris, Musée du Louvre, 2005 ; L’art en mouvement, cat. exp. Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, 4 juillet-15 octobre 1992, Paris, Fondation Maeght 1992.
[2] Jean-Yves Guillain et Christian Vivier, « Between Movement and Immobility: Representing the Athletic Gesture in European Painting from the end of the 19th century to the mid-20th century », [Communication], ISHPES Congress 2023, University of Lausanne.
Source : https://journals.humankinetics.com/page/SHR-call-for-papers
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