Le tournant spatial des sciences humaines a poussé différentes disciplines à déconstruire la fabrique des faits artistiques : l’étude de la circulation des œuvres et des artistes apparaît maintenant comme un levier fertile pour cerner les logiques, les contraintes et les transgressions de l’histoire géographique de l’art. Ce « retour aux faits » appelle à une réflexion sur les méthodes employées pour identifier, collecter, mettre en cohérence et interpréter l’information géographique des traces laissées par l’activité artistique. Réfléchir sur la traçabilité des savoirs et des faits artistiques, c’est l’objet de ce numéro spécial d’Artl@s Bulletin.
« Des traces par milliers… c’est le rêve de tout chercheur », mais le ‘retour d’archive’, tout comme le ‘retour de terrain’, est parfois compliqué : « au plaisir physique de la trace retrouvée succède le doute mêlé à l’impuissance de ne savoir qu’en faire »[1]. Le tournant spatial des sciences humaines a poussé différentes disciplines à déconstruire la fabrique des faits artistiques : l’étude de la circulation des œuvres et des artistes apparait maintenant comme un levier fertile pour cerner les logiques, les contraintes et les transgressions de l’histoire géographique de l’art[2]. Ce “retour aux faits”[3] appelle à une réflexion sur les méthodes employées pour identifier, collecter, mettre en cohérence et interpréter l’information géographique des traces laissées par l’activité artistique. Réfléchir sur la traçabilité des savoirs et des faits artistiques, c’est l’objet de ce numéro spécial d’Artl@s Bulletin.
En fonction des terrains et des époques étudiés, les chercheurs sont amenés à travailler sur une grande variété de supports pouvant informer la géographie de la circulation de l’art : ces traces peuvent être écrites, picturales, photographiques et cinématographiques, historiques, institutionnelles, individuelles ou collectives, etc. Dans chacun des cas, l’information peut être partielle, voir partiale, et ne donner accès qu’à des types spécifiques d’information : indiquer une provenance, une emprise, une finalité, un réseau, un modèle économique, une valeur, un système de hiérarchisation, etc. Elle peut même masquer de l’information, voir totalement biaiser l’analyse des faits artistiques. A la diversité des sources répond une diversité tout aussi troublante des approches conceptuelles et méthodologiques.
Pour ce numéro, nous voulons confronter un large éventail de sources (catalogues d’exposition, archives institutionnelles, photographies, entretiens, etc.), de méthodologies (qualitatives, quantitatives, comparatives, multi-situées, cartographiques, etc.) et d’objets d’investigation (carrières, mouvements artistiques, marchés de l’art, etc.) afin de souligner l’enjeu problématique de la traçabilité pour l’étude spatiale de l’art. En conformité avec la pluridisciplinarité du tournant spatial, nous invitons les contributeurs à soumettre des articles qui puissent répondre à une ou plusieurs des questions suivantes :
- Qui produit les traces de l’histoire de l’art? Qui inscrit l’art dans l’espace ? En quoi cela ‘situe’ les savoirs du chercheur ?
- En quoi les types de traces utilisés induisent-ils des protocoles d’observation et d’analyse spécifiques ?
- Comment faire parler les traces ? Une même trace peut-elle aboutir sur des conclusions contradictoires ?
- Le principe de reconstituer des traces comme un puzzle présente le risque de « l’illusion biographique »[4] et d’une création artificielle de sens. Dans quelles conditions peut-on établir une cohérence entre des traces et une trajectoire ou un réseau ?
- Quel sens doit-on donner à la distribution d’un corpus de traces dans des représentations cartographiques ? Peuvent-elles donner du crédit à certaines notions diffusionnistes que l’histoire de l’art a longtemps mis en avant, telles que “style”, “influence”, “école” ? Peuvent-elles contredire ou nuancer les modèles dominants de pensée tels que le couple centre-périphérie ? Ou bien ne sont-elles que le miroir de la positionnalité de leur collection ?
- Peut-on indexer des traces dans une perspective comparative et globale ou bien la traçabilité de l’art doit-elle prendre en compte les spécificités locales des formes d’inscription de l’art ?
- Jusqu’où peut/doit aller la quête de traçabilité ? En quoi les limites linguistiques, culturelles ou matérielles affectent-elles la lisibilité des traces ? Comment doser la donnée empirique et la théorie ?
Artl@s Bulletin est une revue multilingue à comité de lecture, co-éditée par l’ENS et le CNRS et dédiée aux questions spatiales et transnationales dans l’histoire des arts. Cette revue entend ne jamais dissocier histoire et méthode, encourager des recherches innovantes et des méthodologies nouvelles. Son ambition est double : 1. mettre l’accent sur le « transnational », les échanges entre le local et le global et entre le national et l’international, et 2. s’ouvrir aux innovations méthodologiques, en particulier les possiblités offertes par les humanités numériques. En encourageant les chercheurs à déplacer le curseur vers le transnational, Artl@s Bulletin veut contribuer au projet collectif d’une histoire globale des arts. Artl@s Bulletin est une revue gratuite, mise en ligne avec le soutien de Purdue Press. Actuellement dans sa quatrième année, elle offre d’ores et déjà une grande visibilité (plus de 5000 téléchargements entre décembre 2013 et juillet 2014).
[1] Arlette Farge, Le goût de l’archive (Paris: Points, 1989), 19-22.
[2] Comme le montre des projets récents tels que Artl@s (ENS, Paris), London Galleries (Anne Helmreich and Pamela Fletcher, Nineteenth-Century Art Worldwide 12, 1 (2012)), ou dans les développements récents de la géographie de l’art (Tatiana Debroux (2012), Camille Boichot (2012), Olivier Marcel (2014), Christine Ithurbide (à venir)) qui font écho à l’appel de Peter Jackson pour une « re-matérialisation de la géographie sociale et culturelle »: Peter Jackson, Social and Cultural Geography 1 (2000), 9-14.
[3] Thomas DaCosta Kaufmann, Catherine Dossin, and Béatrice Joyeux-Prunel, eds., Global Artistic Circulations and the History of Art (Burlington, VT: Ashgate, Forthcoming).
[4] Nathalie Heinich, « Pour en finir avec l’ “illusion biographique” », L’Homme 195-196 (2010), 421-430.
Modalités de soumission
Les articles peuvent être en anglais, français, allemand, italien ou espagnol.
Ils doivent faire entre 5000 et 7000 mots, notes de bas de page comprises. Toutes les références doivent être en notes de bas de page et se conformer auChicago Manual of Style.
Les articles doivent être accompagnés d’un résumé de 650 signes maximum (espaces compris) ainsi que d’une liste des illustrations. Les articles sont attendus en format Microsoft Word, police 12 et espacement double.
Pour toute question, veuillez contacter Olivier Marcel, éditeur invité pour ce numéro spécial : oliv.marcel@gmail.com
La date limite pour soumettre un article est le 8 décembre 2014
http://docs.lib.purdue.edu/artlas
Pour le guide de rédaction et les modalités de soumission :http://docs.lib.purdue.edu/artlas/policies.html
Coordinateurs scientifiques
- Olivier Marcel, Géographe, post-doctorant Artl@s, ENS Ulm
- Catherine Dossin, Maître de conférences en histoire de l’art, Purdue University
- Béatrice Joyeux-Prunel, Maître de conférences en histoire de l’art contemporain, ENS Ulm
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