La question de la démocratisation de l’art est ancienne. Elle avait notamment été mise en avant par André Malraux au moment de la création du Ministère des affaires culturelles en 1959. Pour autant — et bien que cette question serve d’arrière-plan à nombre de décisions politiques dans le domaine culturel en France — elle est loin d’être complètement clarifiée. Qu’entend-on exactement par démocratisation de l’art (ou de la culture) ? Qu’en est-il de cette « mission de rendre accessible les oeuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français » ? S’agit-il de la promotion d’un art « élitaire pour tous », pour paraphraser Antoine Vitez ? Est-il question de participer à l’émancipation des citoyens ou au contraire de contribuer à leur assujettissement au nom d’une culture normative ? Est-ce autre chose qu’un slogan ou un voeu pieu ?
La démocratisation culturelle participe d’un processus d’acculturation ; s’oppose-t-elle alors à la promotion de formes d’expression communément considérées comme de peu d’importance ? Faut-il opposer démocratisation et démocratie culturelle ? S’agit-il de faire en sorte que toute personne puisse avoir accès à l’art ou à la culture (ce qui suppose de s’entendre sur le sens même de ces mots) ou bien à l’inverse de faire en sorte que chacun puisse, lui aussi, à sa manière et à son échelle, devenir créateur ?
De nombreuses expériences ont été tentées depuis cinquante ans : et en premier lieu en suivant le point de vue de l’offre et des moyens à accorder à la diffusion culturelle. Elles ont fait appel au développement d’initiatives en tout genre : création de structures alternatives (friches culturelles), de nouveaux modes de production des oeuvres (résidences d’artistes — y compris dans des quartiers dits sensibles), de nouveaux modes de diffusion (développement des services des publics, des ateliers pour enfants ou adolescents, des artothèques, des sites spécialisés…).
D’autres expériences sont parties du point de vue opposé ; à savoir les moyens à développer afin de permettre au plus grand nombre d’accéder à la création (quitte à remettre en cause constamment ce que cette notion recouvre). Dans ce cas, cela a pu concerner la revalorisation des « pratiques amateurs » ou de pratiques longtemps considérées comme mineures (bande-dessinée, rock, rap, cirque, art culinaire…), voire par une remise en cause de la centralité des institutions traditionnelles ou dominantes (musées, opéras, scènes nationales, centres d’art labellisés…).
L’objet de ce numéro de Marges est de produire une réflexion sur ces questions.
Différents axes de réflexion sont à envisager :
– Les définitions de la démocratisation artistique et/ou culturelle ; mise en perspective historique de l’évolution de ces notions. Les différentes politiques culturelles et leur incidence sur la création artistique et la réception des publics ;
– Enquêtes sur des expériences spécifiques menées dans la perspective d’un « développement » des publics. Évaluation des actions menées en matière de démocratisation artistique ou culturelle. Les enquêtes de publics ;
– Position des publics face aux oeuvres. Quel équilibre entre l’apprentissage du goût et le développement de son propre goût, entre l’art des experts et une expertise de l’art élaborée en commun ? Question des relations entre public, oeuvres et artistes : l’éducation du goût du public et sa participation à la vie des oeuvres (formation scolaire, implantation des musées…) ;
– Aspirations du public et leur prise en compte (ou non) par les artistes. La question de la compréhension par le plus grand nombre de nouvelles qualités sensibles ou intellectuelles proposées par des oeuvres contemporaines.
– Pertinence contemporaine des oppositions entre « grand art » et « industries culturelles » ; entre art de masse, art populaire, folklore et art d’élite ;
– Les relations multiples entre artistes, médiateurs et publics. Comment les acteurs de l’art et/ou les publics prennent-ils en compte la position des autres personnes concernées ?;
– Le devenir « collectionneur » des publics. Qu’en est-il des systèmes de prêt d’oeuvres ou d’achat à des prix plus abordables ? Le public peut-il être producteur ? Mécène ? Ami des arts ?
– La participation du public aux choix des collections publiques est-elle envisageable ? Comment prendre en compte et impliquer les usagers pour les projets de lieux de conservation, de création ou de diffusion ?
La revue Marges fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées (esthétique, arts plastiques, études théâtrales ou cinématographiques, musicologie, sociologie, histoire de l’art…). Cet appel à contribution a pour finalité une journée d’étude et une publication au sein d’un numéro thématique de la revue.
Les propositions devront nous parvenir sous forme d’une problématique résumée (5.000 signes maximum, espaces compris) avant le 5 juin 2011 par courriel à jerome.glicenstein@club-internet.fr. Le texte définitif des propositions retenues devra nous parvenir avant le 1er octobre 2011 (40.000 signes maximum espaces compris). La journée d’étude aura lieu le 14 octobre 2011 à Paris, à l’INHA.
Les textes seront publiés dans le numéro 15 de la revue Marges.
Pour de plus amples informations sur Marges ou pour consulter les anciens numéros : www.revue-marges.fr
Source : http://www.fabula.org/actualites/democratiser-l-art-contemporain-revue-marges_44228.php
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