Appel à publication : « Peut-on regarder Méduse ? » (Revue MuseMedusa, université de Montréal)

La revue de littérature et d’arts modernes MuseMedusa lance un appel à contributions pour son premier dossier consacré à l’une des figures mythiques les plus fécondes dans le domaine de l’art et de la littérature, la Méduse. Créatures malfaisantes d’allure monstrueuse, les Gorgones incarnent dans l’imaginaire culturel occidental le pouvoir mortifère conféré au regard pétrifiant de certaines femmes. Persée, le héros, sut comment s’approprier cette puissance du féminin en tranchant la tête de Méduse, la plus dangereuse des Gorgones mais aussi la seule mortelle des trois soeurs, l’offrant à Athéna qui en para son bouclier afin de conserver le redoutable pouvoir de Méduse. Cette force féminine à domestiquer n’a pas cessé de se renouveler en dépit de toutes les tentatives qui ont été menées pour l’anéantir. Semblable à une hydre de Lerne qu’Hercule tua, Méduse a la capacité de se régénérer symboliquement de ses mises à mort. Dans les textes anciens et à travers l’histoire culturelle, Méduse a pris différents traits et continue de narguer tous les Persée.

L’ambivalence semble être ce qui sous-tend le rapport que l’art et la littérature peuvent entretenir à Méduse. Ce féminin menaçant reste malgré tout un objet de fascination. La tête coupée de Méduse, figuration de l’organe féminin, inspire à Freud son interprétation de la figure myth(olog)ique comme symbole de la castration. Proust écrit dans Sodome et Gomorrhe : « Quand je ne suivais que mon instinct, la méduse me répugnait à Balbec ; mais si je savais la regarder, comme Michelet, du point de vue de l’histoire naturelle et de l’esthétique, je voyais une délicieuse girandole d’azur ». Si jusqu’à la fin du XIXe siècle, le mythe de Méduse n’est repris que ponctuellement (dans l’opéra Persée de Lully ou la peinture romantique Le radeau de la Méduse de Géricault, par exemple), nombreux sont les exemples témoignant du double mouvement de fascination et de répulsion qui anime les créateurs du tournant du siècle à nos jours. Il suffit de penser aux Forces du mal et les trois Gorgones de Klimt, à Persée de Dalí, à Mrs. Edward Mayer as Medusa de Madame Yveonde, à Medusa Head de Keith Haring dans les arts visuels ; au poème « Medusa » de Sylvia Plath, au « Rire de la Méduse » d’Hélène Cixous, à L’enfant Méduse de Sylvie Germain, au Nom sur le bout de la langue suivi de Petit traité sur Méduse de Pascal Quignard, à La danse de la Méduse de Laurence Prud’homme dans le domaine littéraire ; au tout dernier film de Tim Burton, Dark Shadows ; à la performance Étude documentaire : la tête de Méduse d’Orlan ou à la chorégraphie Méduse ou la tête de Gorgô de Guylaine Savoie.

Face à l’effroi, à la panique voire à la paralysie, la question s’impose : comment regarder Méduse ? Est-il possible d’affronter son regard ? D’autres questions surgissent : à quelles représentations Méduse a-t-elle donné naissance depuis la modernité à aujourd’hui, comment nourrit-elle les oeuvres littéraires et artistiques ? Quel est son pouvoir à signifier à différents moments de l’histoire culturelle ? À quelle fin les créateurs et les créatrices usent-ils du mythe de Méduse, par quels moyens le déplacent-ils ? Comment aborder un féminin perçu comme terrifiant, repoussant, à la fois diabolique et sublime ? C’est à l’exploration de ces pistes de réflexion et de bien d’autres que convie le premier numéro de la revue.

Contributions (30 000 à 40 000 signes, espaces compris) à envoyer au plus tard le 1er avril 2013 à Catherine Mavrikakis et Andrea Oberhuber (catherine.mavrikakis@umontreal et andrea.oberhuber@umontreal.ca).
Université de Montréal, Département des littératures de langue française C.P. 6128, succ. Centre-ville Montréal, QCH3C 3J7.

 

Informations complémentaires : http://www.musemedusa.com

 

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