Colloque : « Le patrimoine, en quête d’intérêt général » (Paris, 5 juin 2023)

Le patrimoine, en quête d’intérêt général

Colloque – 5 juin 2023

 

Auditorium Jacqueline Lichtenstein

Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 75002 Paris

 

 

Pour la cinquième année consécutive, les élèves conservateur.rice.s de l’Institut national du patrimoine (INP) organisent conjointement avec les doctorant.e.s de l’Institut des Sciences sociales du Politique (ISP – UMR 7220) un colloque portant sur des problématiques communes au droit et au patrimoine. Il se déroulera le 5 juin 2023 et investira, en quatre séquences, les voies selon lesquelles le patrimoine, dans ses expressions politiques et ses mises en forme par le droit, s’arrime au concept d’intérêt général. En retour sera questionné le contenu de ce concept au prisme du patrimoine.

 

Entrée libre sur inscription – Inscrivez-vous.
Les inscriptions sont ouvertes 1 mois avant le début de chaque manifestation.

Pour plus d’informations : manifestations.scientifiques@inp.fr

 

 

Présentation du colloque

 

  1. Intérêt général, intérêt public, utilité publique : des notions contestées

L’intérêt général s’enracine dans une tradition philosophique, juridique et politique ancienne. Synthétisant diverses notions voisines (l’utilitas médiéval, le bien commun chez Saint Thomas d’Aquin, l’intérêt commun chez Rousseau, le bien public dans le Léviathan de Hobbes), sans toutefois s’y superposer entièrement, le terme d’intérêt général se généralise au XIXe siècle, jusqu’à forger un concept juridique opérant.

L’intérêt général incarne une raison d’Etat capable de faire échec aux intérêts particuliers. Dans le domaine de la culture, l’intérêt général de protection du patrimoine peut contraindre la propriété privée – on pense notamment à la servitude d’utilité publique sur les monuments historiques. L’intérêt général culturel apparaît également dans des normes constitutionnelles, européennes et internationales.

Mais le contenu de cette notion reste imprécis. Le terme « se définit surtout par ce à quoi il s’oppose ᠎» (P. Lascoumes et J.-P. Le Bourhis, « Le bien commun comme construit territorial. Identités d’action et procédures »), et par l’objet auquel il se rattache (par exemple, l’intérêt économique ou l’intérêt culturel). Aujourd’hui, les contours de l’intérêt général sont questionnés, d’autant que de nouvelles notions apparentées ont vu le jour : on parle ainsi d’intérêt général local, ou, à l’inverse, d’intérêt de l’humanité. Ces termes renvoient à de nouvelles formes institutionnelles qui viennent concurrencer et compléter l’État dans l’exercice de ses missions. L’affirmation d’un intérêt général supérieur aux intérêts individuels semble aujourd’hui mise à l’épreuve, et laisse la place à un espace de négociation et de débat.

 

  1. Les dynamiques de construction de l’intérêt patrimonial

La notion d’intérêt « historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique » qui fonde la dimension patrimoniale d’un lieu, d’un objet ou d’une pratique a été construite au cours du XIXe siècle à travers des mécanismes sociaux d’une part et juridiques d’autre part. L’Etat a progressivement instauré et imposé un cadre normatif visant la conservation de certains biens culturels du fait de leur intérêt public, en surplomb des intérêts privés.

Au cours de ces trente dernières années, le phénomène de patrimonialisation s’est transformé sous l’effet de dynamiques initiées par la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco de 2003 et celle du Conseil de l’Europe de 2005 sur les valeurs du patrimoine culturel pour la société. Ainsi, la prise en compte des revendications de la société civile et les compétences culturelles acquises par les collectivités territoriales ont progressivement enrichi la définition de l’intérêt patrimonial. Ces intérêts patrimoniaux émergeant de communautés, détentrices de pratiques communes, de mémoire commune ou d’un attachement commun à certains espaces, objets ou pratiques ont toutefois du mal à générer un niveau de protection aussi important que l’intérêt d’art et d’histoire qui prévaut pour les biens meubles et immeubles.

 

  1. L’intérêt général en arbitre des conflits

La patrimonialisation d’un objet passe par un processus d’identification, de documentation et de reconnaissance de la part d’instances ou personnalités investies d’une expertise propre. Le processus de patrimonialisation est parfois source de conflit avec d’autres expressions de l’intérêt général (préservation de la biodiversité, aménagement des territoires, enjeux économiques…). Ces conflits impliquent alors d’opérer des arbitrages. Ces derniers peuvent mettre en jeu le rôle de l’expert et du juge, mais doivent également prévoir la participation des populations concernées. La résolution de ces conflits passe par la recherche d’un consensus et l’écriture d’une nouvelle expression de l’intérêt général. Dans ce registre intervient notamment la conciliation entre l’intérêt patrimonial et la transition énergétique. De quelle manière les objectifs de protection environnementale, qui ont acquis une valeur constitutionnelle, peuvent-ils s’articuler avec des processus de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ?

En cas d’incompatibilité des politiques de préservation de l’environnement avec celle du patrimoine, où l’intérêt fondamental de la Nation supplanterait donc l’intérêt patrimonial, quels acteurs décident du patrimoine que l’on abandonne ou de celui que l’on préserve ? Comment prendre en compte l’attachement des populations à leur patrimoine menacé ? Quels dispositifs peuvent être déployés afin de conserver les traces de pans du patrimoine qui devront nécessairement être abandonnés ?

 

  1. L’intérêt commun de l’Humanité : de la théorie à la pratique

Réfléchir à un intérêt commun implique de changer d’échelle par rapport à un intérêt général consacré en droit interne. L’intérêt culturel commun se traduit par une volonté collective de protéger un patrimoine qui unit l’Humanité, dans sa pluralité, à la fois d’un point de vue spatial et temporel ; cette notion généraliste parvient-elle à représenter la diversité des intérêts de l’Humanité ?

Ces droits de l’Humanité sont protégés par les États qui en sont les garants. L’obligation de protection d’un intérêt commun de l’Humanité, tirée de la Convention de l’UNESCO de 1972 sur la protection du patrimoine mondial, engage leur responsabilité en cas de manquement. En 2022, cette obligation trouve un nouveau point d’appui dans la déclaration de Mexico sur les politiques culturelles et le développement durable qui tend à faire de la culture un bien public mondial. Cependant, ces conceptions d’un intérêt commun de l’Humanité semblent relever parfois plus de la philosophie que de pratiques étatiques et leur mise en œuvre doit composer avec la souveraineté des États.

 

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Comité d’organisation : Ronan Bretel, Damien Bril, Vicky Buring, Camille Chenais, Géraldine Chopin, Patricia Creveaux, Paule-Clisthène Dassi-Koudjou, Hélène Ferron, Maximilien Fortier, Agathe Frochot, Noémie Gundogar, Flore Heinrich, Agnès Lascaux, Manon Lecaplain, Zoé Navarrete, Anne-Laure Riotte, Ambre Tissot, Agnès Villain, Alix Vincent, Elodie Voillot-Blanchard – avec le concours de Vincent Négri.

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Programme du colloque

 

 

9h00   Accueil des participants

9h30   Mots d’accueil

            Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine

            Vincent Négri, chercheur à l’Institut des sciences sociales du politique

 

9h45   Une introduction au patrimoine en quête d’intérêt général

Manon Lecaplain, élève-conservatrice, Institut national du patrimoine/Institut national des études territoriales

et

Ambre Tissot, doctorante en droit public à l’Institut des sciences sociales du politique, ENS Paris-Saclay

 

 

Session 1 (10h15-11h30) – Intérêt général, intérêt public, utilité publique : des notions contestées

 

  • François Rangeon, professeur émérite de science politique, Université de Picardie Jules Verne, Curapp-ESS
  • Olivier Poisson, ancien inspecteur général des monuments historiques

 

Discussions

Modération : Maximilien Fortier, élève-conservateur, Institut national du patrimoine/Institut national des études territoriales

 

Pause

 

Session 2 (11h45-13h00) – Les dynamiques de construction de l’intérêt patrimonial

 

  • Yolaine Coutentin, conservateur du patrimoine, cheffe du service Archives et patrimoine de la Ville de Saint-Brieuc
  • Cléa Hance, post-doctorante CNRS-Institut des sciences sociales du politique, Université Paris-Saclay

 

Discussions

Modération : Anne-Laure Riotte, doctorante en sciences politiques, CERSA – Université Paris II Panthéon-Assas

 

13h     Pause déjeuner

 

Session 3 (14h30-15h45) – L’intérêt général en arbitre des conflits

 

  • Jean Guiony, urbaniste, directeur-adjoint du Programme national Action Cœur de Ville
  • Maylis Desrousseaux, maîtresse de conférences de droit public, Ecole supérieure des géomètres topographes, CNAM, laboratoire géomatique et foncier (GeF), Le Mans

 

Discussions

Modération : Agathe Frochot, élève-conservatrice, Institut national du patrimoine/Institut national des études territoriales

 

Pause

 

Session 4 (16h00-17h15) – L’intérêt commun de l’Humanité : de la théorie à la pratique

 

  • Nada Al Hassan, coordinatrice principale du programme des ambassadeurs de bonne volonté de l’UNESCO
  • Jean-Christophe Barbato, professeur de droit public à l’Ecole de droit de la Sorbonne – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IREDIES

 

Discussions

Modération : Alix Vincent, doctorante en droit public à l’Institut des sciences sociales du politique, ENS Paris-Saclay

 

 

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