Conférences : « La vie des images grecques » par Tonio Hölscher (Paris, Musée du Louvre, juin 2015)

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Les Grecs de l’Antiquité ont développé une culture visuelle d’une densité et d’une variété exceptionnelles. Ce cycle de conférences et le livre qui l’accompagne posent une question fondamentale : pourquoi les Grecs ont -ils eu besoin de leurs images ? Toutes les oeuvres d’art avaient une fonction concrète dans les espaces publics situés à l’intérieur des sanctuaires, des lieux destinés au politique et des nécropoles, ainsi que dans les résidences privées.

Elles constituaient une société d’images qui se présentait aux yeux des vivants avec une force vitale propre. L’étude de la culture sociale des images, celle des règles et des normes qui régissaient l’interaction entre les vivants et les images, est au coeur de la réflexion qui sera présentée. Il convient, pour en prendre toute la mesure, de se libérer de l’« habitus muséal » moderne au profit d’un concept de « vie avec des images ».

 

Cycle de conférences et colloques
La Chaire du Louvre
La vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien

Cinq conférences à l’Auditorium du Louvre
Les 1, 4, 8, 15 et 22 juin 2015 de 19h à 20h30
par Tonio Hölscher, Professeur émérite d’Archéologie classique à l’Université d’Heidelberg

Né en 1940, Tonio Hölscher est l’une des figures majeures de l’archéologie classique allemande. Après des études d’histoire ancienne et d’archéologie et de philologie classiques à Heidelberg, Rome et Fribourg, il a occupé la chaire d’archéologie classique à l’université de Heidelberg de 1975 à 2009. Comme la plupart des spécialistes de l’Antiquité en Allemagne, il a travaillé également sur le monde grec et sur le monde romain. Sa réflexion porte avant tout sur l’image et les œuvres d’art dans leur contexte politique et social, en rapport avec l’étude des mentalités. Il a étudié par ailleurs l’urbanisme et l’espace public dans les cités grecques et romaines. Il a de même travaillé sur l’espace religieux, les sanctuaires et les rituels. Enfin, il a abordé les problèmes des fondements théoriques de l’archéologie classique. Ses écrits sont nombreux et divers : auteur d’une vingtaine de monographies et d’une centaine d’articles, il est en outre directeur de deux collections et a été coéditeur de la revue Archiv für Religionsgeschichte jusqu’en 2012. Par l’ampleur de ses perspectives et l’ouverture à un questionnement sociologique et politique, il a fortement transformé l’étude de l’art antique. 

 

Le lundi 1 juin à 19h / Qu’est-ce qu’une image en Grèce ancienne ?
Le rôle social de l’art visuel consiste généralement en trois « catégories » fondamentales : tout d’abord, la représentation, afin de rendre présents dans l’espace vital les formes et les événements pourtant éloignés temporellement ou spatialement ; le décor, qui, grâce aux matériaux, ornements ou embellissements, dote les objets et bâtiments de la vie culturelle d’une « valeur » et d’un « sens » ; enfin, l’image « autonome », qui stimule la réflexion et les débats des observateurs. En ce sens, les œuvres figurées avaient pour fonction, chez les Grecs, de rendre présents dans les espaces et les situations de la vie sociale les personnes et les événements nécessaires à l’interaction dans les rituels et les débats. Dès le début, cela suppose une conception de l’image comme reproduction de la réalité, mais aussi comme reproduction des significations conceptuelles : un « réalisme conceptuel ». Le propos de ce cycle de conférences est de montrer comment les concepts de la réalité et, par là même, la pratique de la culture visuelle se sont transformés au cours du temps.

 

Le jeudi 4 Juin à 19h / Une société imaginaire. Aux origines de la cité des images.
Le nouveau départ que connaît l’art visuel grec des VIIIe-VIe siècles avant J.-C. est un facteur essentiel de la formation de la polis grecque. Les « villes » se dotent d’espaces publics : les sanctuaires, l’agora et les nécropoles. Les images y tiennent leur rôle dans la communication avec les dieux, les concitoyens et les morts. Elles sont un élément fondamental dans l’échange de dons qui construit à long terme une relation d’honneur, de faveur et de confiance entre les hommes et les forces supérieures. Les œuvres représentent ensemble l’équilibre vital de la « société conceptuelle ». Dans cette culture archaïque, l’image de l’homme n’est pas caractérisée par des traits individuels mais par des qualités collectives. L’artiste ne se distingue pas dans l’ordre du monde par une créativité individuelle mais grâce au savoir et à la raison.

 

Le lundi 8 juin à 19h / Les forces de l’identité politique et culturelle dans la Grèce classique : triomphe ou risque ?
L’art des Ve et IVe siècles avant J.-C. marque un changement révolutionnaire dans l’histoire et la culture grecques, lié à une nouvelle conscience de l’identité collective et individuelle. Les œuvres figurées sont des facteurs actifs dans ce processus mais montrent également la profonde ambivalence de celui-ci : elles appuient les identités et donnent aux communautés un pouvoir collectif, tout en renforçant la distinction par rapport aux étrangers et aux ennemis. Les villes grecques et leurs élites engagent une « guerre des monuments » au nom de l’identité. Une antithèse idéologique de l’identité et du caractère étranger s’est construite en réaction aux Perses et trouve ses effets dans les images des vases. Certes, encore aujourd’hui, nous voyons dans l’art de la « période classique » les origines de l’identité de l’« Occident » : dans l’image de l’homme, qui dispose lui-même d’une potentielle force personnelle, comme dans le concept de l’artiste, qui bénéficie d’une plus grande marge de manœuvre pour exprimer un style personnel. Mais les risques de l’identité ne sont pas écartés.

 

Le lundi 15 juin à 19h / Du pathos à la multiplication des styles. Pluralité des cultures et sémantisation des formes dans l’art hellénistique et romain.
Au cours des siècles de l’époque hellénistique, le mode de vie et l’art visuel du monde grec perdent leur homogénéité. À partir du règne d’Alexandre le Grand, les monarques se montrent par l’entremise de monuments qui rendent manifeste leur charisme transcendant et qui les mettent en scène auprès des grandes masses grâce à des effets spectaculaires. Dans les villes, les statues honorifiques publiques présentent une société homogène d’éminents citoyens et citoyennes, érigés en modèles de comportement politique. En même temps se constitue dans les sanctuaires une « ambientale Bilderwelt », une « ambiance d’images », peuplée de personnages sociaux et mythiques secondaires qui créent une atmosphère émotionnelle. Au IIe siècle avant J.-C., le renforcement des pouvoirs locaux en Orient et en Afrique ainsi que l’expansion romaine conduisent à un retour à l’art « classique » suivant deux logiques diamétralement différentes : en Grèce, il prend la forme d’une récupération défensive des valeurs propres, pendant que Rome présente une appropriation belliqueuse de la culture grecque. L’ensemble constitue un langage visuel qui utilise les formes hétérogènes de la tradition grecque comme un système sémantique.


Le lundi 22 juin à 19h /
Pour une archéologie des hommes historiques

Tonio Hölscher en dialogue avec François Lissarrague, EHESS, Paris, et Emmanuelle Rosso, université Paris-Sorbonne
Cette rencontre propose de poursuivre un entretien publié dans Perspective. La revue de l’INHA (nº 2-2014), autour de quelques œuvres exemplaires dans un va-et-vient entre regard empirique et vision historique. On reprendra l’analyse de certaines ouvres évoquées lors des leçons précédentes, pour mieux éclairer la démarche concrète de Tonio Hölscher : celle-ci passe de l’observation la plus détaillée à un large cadre interprétatif qui, au-delà de la théorie, se veut ancré dans l’histoire. Ainsi peut-on tenter d’élaborer une archéologie des hommes historiques. Ce dialogue est double. Tonio Hölscher a parfois cherché à mettre en scène le rapport entre le spectateur antique et une œuvre particulière pour en faire le moteur de sa propre analyse, à travers des monologues et dialogues fictifs. De l’œil à l’œuvre, des anciens aux modernes, tel est le mouvement herméneutique qui sous-tend le travail de Tonio Hölscher.

Séance suivie de la signature du livre La Vie des images grecques par Tonio Hölscher

Ce cycle de conférences est accompagné de la publication La Vie des images grecques. Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien par Tonio Hölscher, coédition musée du Louvre / Hazan, 25 €

 

Informations pratiques :

Entrée libre pour les étudiants en art et histoire de l’art et les Amis du Louvre Jeune
Réservez : Caisse de l’auditorium / Par téléphone au 01 40 20 55 00
Adresse : Auditorium du Louvre, Pyramide du Louvre, 75058 Paris cedex 01

Lien vers la page internet de l’évènement : http://www.louvre.fr/cycles/la-chaire-du-louvrela-vie-des-images-en-grece-ancienne/au-programme#tabs

Lien vers la brochure de l’évènement : http://mini-site.louvre.fr/trimestriel/2015/La_Chaire_du_Louvre/#1

 

 

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