Faire vivre ou laisser mourir. Patrimoines vulnérables (Paris, 1er juin 2026)

Faire vivre ou laisser mourir
Patrimoines vulnérables
Journée d’étude des élèves conservateurs et conservatrices du patrimoine de la promotion Rosa Bonheur (2025-2026)
Appel à communication

Malgré la stabilité des pratiques conservatoires et un appareil réglementaire étoffé, les acteurs de la protection du patrimoine rencontrent de plus en plus la nécessité de réinventer certaines approches de protection et de conservation. La hausse des actes de malveillance, les contraintes matérielles et budgétaires, mais aussi l’apparition de nouveaux types de patrimoines incitent à renouveler avec lucidité la gestion des biens patrimoniaux menacés de disparaître. Celle-ci implique une introspection professionnelle parfois difficile mais aussi un recours à la créativité.
Cette journée d’étude permettra d’aborder les risques et les enjeux qui pèsent sur la conservation du patrimoine, notamment sécuritaires et matériels. Elle se placera notamment en écho à l’axe “Culture, patrimoine et crise” de la conférence Mondiacult 2025, qui a fait état d’une “escalade de crises” imposant une “stratégie de protection” et “de préparation” pour la conservation des patrimoines. Cette nouvelle normalité impose une anticipation des risques ainsi que la formation et l’accompagnement des professionnels face à ces problématiques. La journée visera en ce sens à recueillir et débattre des expériences vécues, passées et actuelles, de professionnels confrontés à ces enjeux. En référence aux travaux de l’historien Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, ces crises, propices à susciter la démagogie, nous incitent à concevoir la conservation du patrimoine comme une “institution invisible”, qui requiert confiance et légitimité auprès des publics pour assurer la survivance de ses missions.
Qu’il soit programmé ou subi, comment appréhender le risque de perte qui pèse sur les patrimoines vulnérables ?
Les dernières promotions de conservateurs et conservatrices du patrimoine ont choisi à plusieurs reprises de mettre en lumière des patrimoines négligés : des « patrimoines absents », en 2023, lors d’une journée consacrée à la question des manques matériels et immatériels, en passant par l’étude du patrimoine LGBTQIA+, longtemps délaissé (2024, « Trouble dans le patrimoine »), et par « Ceux qui restent en mer » (2025).
Cette journée entend poursuivre la réflexion sur les patrimoines mis à mal, en s’attachant à mettre en lumière les processus de disparition. Nous nous intéresserons aux facteurs de fragilité susceptibles d’affecter les objets patrimoniaux et à la façon dont nos pratiques métiers, en France et à l’international, doivent s’adapter pour empêcher ou, au contraire, accompagner les processus de disparition. La dimension de dialogue avec les publics et toutes les parties prenantes que ce travail suppose ne sera pas écartée. Nous discuterons des risques qui pèsent sur le patrimoine, de l’éphémère, ou encore de la nécessité de faire des choix dans les processus décisionnels de conservation.

Cette journée d’étude s’articulera ainsi autour des trois axes suivants :
⚫ PRÉVENTION ET SÛRETÉ DES BIENS CULTURELS : La médiatisation des vols récents dans les musées ne doit pas faire oublier combien la recrudescence de ce phénomène affecte tous les domaines patrimoniaux et révèle ainsi la fragilité des biens culturels. Dans le sillage du colloque international sur le trafic de biens culturels de 2022 au Musée d’histoire de Marseille, et à la suite des cinquante ans de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) célébrés en 2025, nous souhaitons aborder la question suivante : comment renforcer et réinventer les actions de lutte face à un risque croissant, invisible et soudain, parfois mal identifié ? Au sein d’une conjoncture économique dégradée, la nécessité d’une approche coordonnée et anticipatrice devient une priorité. Dans le respect de la confidentialité requise, ce premier axe abordera la thématique de la prévention des risques tout en recueillant les témoignages des professionnels ayant été confrontés à la gestion de crise et à l’accompagnement des équipes après des événements parfois traumatiques. Ces actes de malveillance dessinent aussi certains angles morts de la protection : ainsi, nous évoquerons également les mesures de protection des biens patrimoniaux particulièrement vulnérables, tels que certains fonds d’archives ou encore le patrimoine mobilier religieux.
Thématiques possibles des interventions : • Protocoles d’urgence et systèmes de vigilance et de sécurité. • Accompagnement, formation et retours d’expérience des professionnels du patrimoine confrontés aux risques. • Vulnérabilité du patrimoine religieux mobilier, « du trésor de cathédrale à la sacristie de campagne ». • Vol et destruction de fonds d’archives non identifiés comme tels.

● SÉLECTION ET CONSERVATION : tri, déclassement, radiation, élimination, décision de ne pas classer ou de ne pas inscrire à l’inventaire sont autant de manifestations de la nécessité d’opérer des choix en matière de conservation du patrimoine. La question de la protection ou du retrait de celle-ci se fait de plus en plus saillante et révèle le décalage qui peut exister entre cadre réglementaire et conservation. Alors que l’absence de protection apparaît comme un facteur de fragilité supplémentaire pour le patrimoine, nous inviterons des spécialistes d’horizons différents à dialoguer sur leurs critères et leurs méthodes de sélection à chaque étape de la chaîne patrimoniale. Cette réflexion permettra aussi d’aborder la diversité des approches adoptées par les différentes disciplines vis-à-vis de ces sujets.
Thématiques possibles des interventions : ▪ Inscription, classement : que faut-il protéger et à quel niveau ? ▪ Saturation des réserves et impératifs d’acquisition. ▪ Incertitude économique et besoins de protection croissants. ▪ Choix et critères de sélection, de tri et de déclassement.

● ÉPHÉMÈRE ET OBSOLESCENCE : quel devenir pour des patrimoines pensés pour l’immédiat ?
Une partie du patrimoine du XXᵉ et du XXIᵉ siècle confronte les professionnels de la conservation à des difficultés inédites du fait de l’obsolescence rapide des supports. Cinéma et vidéo, sites web et données numériques constituent des patrimoines fragiles qui nécessitent des approches conservatoires adaptées. Entre sentiment de saturation lié à leur prolifération et oubli trop rapide, le devenir de ce patrimoine est un enjeu crucial et transversal pour les métiers de la conservation. La création contemporaine s’est notamment emparée de ces supports, qui offrent de nouvelles perspectives techniques mais aussi un rapport au temps différent. Ce dernier s’exprime encore dans les créations éphémères, les œuvres à protocole, faites de plastique ou de matières organiques. Certains artistes vont jusqu’à faire de la disparition programmée de leurs œuvres le cœur de leur travail. Dès lors, comment conserver un objet qui n’a pas été conçu pour l’être ?
Thématiques possibles des interventions : ▪ Patrimoine nativement numérique. ▪ Conservation des supports audiovisuels et numériques. ▪ Art contemporain et disparition programmée.

Cette journée d’étude se veut un espace d’échange autour de la fragilité du patrimoine et, surtout, des pratiques professionnelles afférentes, entre défis, résilience et inventivité. À l’image de la formation des conservatrices et des conservateurs du patrimoine fondamentalement interdisciplinaire, la réflexion sur la fragilité du patrimoine gagnera à s’enrichir de regards croisés venant d’autres disciplines. Nous encourageons les propositions de contribution de professionnels de la conservation et de la restauration du patrimoine ainsi que celles d’artistes et de chercheurs, y compris en doctorat ou Master 2.
La journée d’étude aura lieu à l’Institut national du patrimoine, le lundi 1er juin 2026 dans l’auditorium Jacqueline Lichtenstein (galerie Colbert, Paris 2e). Les frais de transports des intervenants seront pris en charge pour les déplacements en France métropolitaine.

Pour proposer une communication, merci de nous faire parvenir un résumé de 2000 signes maximum ainsi qu’une courte biographie (400 signes, espaces non compris) incluant vos noms, champs de recherche et, le cas échéant, l’institution à laquelle vous êtes affilié à l’adresse suivante: je-elevesconservateurs@googlegroups.com.
Nous recueillerons vos propositions jusqu’au 19 décembre 2025. Les communications ne devront pas excéder 15 minutes et seront suivies de sessions de questions/réponses avec le public.
Comité scientifique : Oriane Avazeri (Archéologie), Théodora Bochnakian (Monuments historiques), Maeva Bonfanti (Inventaire), Louise Gousseau-Kotwica (Archives), Laureen Gressé-Denois (Monuments historiques), Jeanne Martinez (Musées), Nicolas Jacquin (Archéologie), Elvire Stévenard (Archéologie), Pauline Van Thienen (Archives), Christophe Zhang (Musées).

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