Journée d’études art concret + graphisme = Abc con fantasia

art concret + graphisme = Abc con fantasia

Après « art concret + nature = Homme vu par une fleur[1], en 2022, le Centre André-Chastel, le Centre national des arts plastiques (Cnap) et l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux organisent une deuxième journée d’étude dédiée aux liens entre art concret et graphisme, avec pour dessein de susciter l’intérêt notamment des chercheurs, des professionnels de l’art et des designers graphiques.

« la typographie, c’est l’agencement de l’ensemble de la composition, d’une manière semblable à la peinture moderne, concrète, qui consiste en l’agencement de rythmes sur des surfaces. » Max bill, 1946

Si les lettres et les symboles peuvent être réduits à « des lignes et des courbes » ainsi que le propose le jeu de Bruno Munari, Abc con fantasia (1960), ne peut-on pas imaginer qu’il existe, en parallèle de l’art, une typographie, un graphisme « concrets » ? Deux expositions à l’Espace de l’Art Concret, conçues en partenariat avec le Cnap en 2023 (« Jean Widmer, du concret au quotidien » et « Lucioles. Lire et jouer avec Les Trois Ourses ») font penser que la question mérite d’être posée.
Présent dès la fondation de l’art concret en 1930, l’intérêt des artistes concrets pour la mise en forme d’imprimés devient central en Suisse à partir des années 1940. À titre d’exemple, Max Bill, Gottfried Honegger, Warja Lavater, Richard Paul Lhose – dont certaines œuvres ont rejoint les collections du Cnap avec la Donation Albers- Honegger – ont participé au courant majeur dans le graphisme moderne du style « suisse » ou « international ». Leurs travaux s’apparentent aux expérimentations d’un groupe de créateurs aux origines et formations diverses, comme Karl Gerstner, Armin Hoffmann, Gérard Ifert, Josef Müller-Brockmann, Hans Neuburg, Emil Ruder, Carlo Vivarelli. Certains d’entre eux deviennent, à leur tour, des figures de l’art concret.
Dans quelle mesure ce courant suisse incarne-t-il un graphisme « concret » ? Son développement se limite-t-il aux frontières géographiques de la Suisse ou est-il « international » comme sa dénomination pourrait le suggérer, voire « universel » comme le prétend le manifeste de l’art concret ? Quel lien entretient-il avec la typographie ? La journée d’étude sera l’occasion de faire une synthèse des recherches européennes menées ces dernières décennies et d’esquisser des pistes pour mieux cerner les zones d’ombre qu’il reste à éclaircir.
Un premier axe de la journée discutera des cadres historiques et géographiques au sein desquels les interactions entre art concret et graphisme ont pu naître. Un second évoquera la manière dont l’idée de travailler « avec les données des mathématiques (euclidiennes ou non euclidiennes) et de la science, c’est-à-dire avec des moyens intellectuels » (Art concret, 1930) a pu être transposée dans le domaine du graphisme, avec l’aide de l’ordinateur et de nouvelles pratiques de conception computationnelles, faisant du graphiste un « instructeur » (Gerstner, Designing Programmes, 1964). Enfin, les pratiques graphiques d’hier et d’aujourd’hui seront abordées, sans hiérarchisation des arts et sans être liées directement au courant identifié par l’histoire de l’art, dans leurs aspects les plus « concrets ». Souvent dépendant d’un cadre de commande commercial, institutionnel, le graphisme est soumis à de nombreux impératifs qui le détournent d’une pure visée artistique. Ne serait-ce qu’à travers l’obligation de faire sens, le graphisme ne peut en effet toujours se conformer à l’exigence énoncée dans le troisième point du manifeste de l’art concret, affirmant qu’une œuvre de ce courant ne doit avoir « pas d’autre signification qu’elle-même ».

Conception scientifique
Victor Guégan
, docteur en histoire du graphisme à Sorbonne Université, enseignant-chercheur à l’École supérieure d’art et de design (Ésad) d’Orléans et responsable de la collection des livres d’artistes à la bibliothèque Kandinsky, musée national d’Art moderne

Comité scientifique
Isabelle Ewig
, maîtresse de conférences, Sorbonne Université, Centre André-Chastel
Fabienne Grasser-Fulchéri, directrice de l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux
Aude Bodet, directrice du pôle collection du Centre national des arts plastiques

Programme

9h Accueil des participants
9h15 Introduction par Béatrice Salmon, directrice du Cnap, et Jean-Baptiste Minnaert, directeur du Centre André-Chastel
Présentation de la journée par Victor Guégan

Un graphisme « concret » existe-t-il ?
9h30 Matthias Noell, professeur d’histoire et de théorie de l’architecture, Universität der Künste Berlin
Theo van Doesburg et la typographie concrète – contradiction ou évidence ?
10h10 Victor Guégan, enseignant à l’Ésad d’Orléans et responsable de la collection des livres d’artistes de la bibliothèque Kandinsky, musée national d’Art moderne
Max Bill, Jan Tschichold et Paul Renner. Retour sur les aspects concrets d’une querelle en typographie
10h50 Pause
11h Paul Bernard, directeur du Centre d’art Pasquart, à Bienne (Suisse)
« Les problèmes d’un artiste concret. » Les enjeux de la grille dans l’art concret et les théories du graphisme suisse. Les cas de Verena Loewensberg et Geraldo de Barros
11h40 Christopher Wilson, chercheur et théoricien du graphisme, designer graphique fondateur du studio Oberphones
Richard Hollis, art concret, graphisme suisse (conférence en anglais)
12h20 Discussion et pause

art concret, graphisme et logiques computationnelles

14h20 Sophie Fétro, maîtresse de conférences en design à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne
Méthodologie visuelle et logiques systématiques au sein du cours fondamental [Grundlehre] de la Hochschule für Gestaltung d’Ulm
15h Sarah Owens, professeure en communication visuelle à la Zürcher Hochschule der Künste
Typography in Transition : Type Design amidst the Computer Revolution (conférence en anglais)
15h40 Discussion et pause

Aspects concrets des pratiques graphiques

16h Marjolaine Lévy, professeure d’histoire de l’art à l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (Rennes) et à l’École des arts décoratifs (Paris), commissaire d’exposition et critique d’art
L’abstraction arabe picturale et graphique. Une modernité alternative
16h40 Irma Boom, book designer, Amsterdam Hommage à Ellsworth Kelly (conférence en anglais)
17h10 Fanette Mellier, graphiste, Paris L’imprimerie comme lieu de concrétisation
17h40 Lionel Broye, Gaël Goutard, Victor Guégan, programme de recherche Blockchain in Media, unité de recherche Écolab de l’Ésad Orléans
De l’écriture « à la machine » de Theo van Doesburg aux écritures horodatées par la blockchain. Une recherche en design sur des fondements concrets
18h10 Discussion et clôture de la journée
18h45 Apéritif

Vendredi 20 octobre 2023 de 9h à 19h
Galerie Colbert
salle Vasari (1er étage)
2 rue Vivienne
75002 Paris

Renseignements sur :
https://www.centrechastel.sorbonne-universite.fr/

[1] Jean Arp, Homme vu par une fleur, 1958.

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