Journées d’études : Patrimonialisation de l’éphémère

Journées d’études transversales du HAR / Patrimonialisation de l’éphémère

Journées d’études transversales de l’Unité de recherche HAR, organisées avec le soutien du ministère de la Culture, direction générale des patrimoines et de l’architecture, délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation

  • 20 novembre / Salle des conférences, Bâtiment Max Weber, Université Paris Nanterre
  • 4 décembre / Galerie Colbert, Salle Vasari (INHA)

 

« L’éphémère est éternel »[1]

Constatant que les intérêts croisés de ses chercheurs portent assez majoritairement sur les questions de patrimoine dans ses diverses acceptions, mais en particulier sur le patrimoine éphémère que constituent depuis la Renaissance les spectacles et les performances, les architectures éphémères et le renouvellement constant des aspects du milieu urbain traversé par les arts, l’Unité de recherche « Histoire des arts et des représentations » a proposé au ministère de la Culture, direction générale des patrimoines et de l’architecture, délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation, de prendre pour sujet de deux journées d’études la patrimonialisation de l’éphémère.

Archiver l’éphémère ne va pas de soi. Cette action ne comporte-t-elle pas d’abord une contradiction dans les termes ? Ce qui est éphémère ne doit-il pas sa beauté, peut-être sa valeur toute entière, à ce qu’il ne dure que l’« espace d’un matin » (Malherbe) et, quand il est le fruit de la spontanéité, à la seule « intuition de l’instant » (Bachelard) ? Ce premier dilemme passé (le pourquoi et le pourquoi pas ?), se pose la question du quoi. Que conserver ? « Ce qui s’offre d’emblée » (Yves Bonnefoy) -les traces, le «je-ne-sais quoi et le presque-rien » – ou ce que l’on a prévu dès le départ de faire durer -intentionnellement-, éventuellement en le transposant sous une autre forme ? Comment enfin donner une actualité à ce patrimoine éphémère, une structure à l’événement singulier ou encore présenter le patrimoine de l’éphémère ?

Le récent colloque « Tatouage. L’art aura-t-il ta peau ? » organisé par HAR, l’université de Nantes et l’Institut Art et Droit à l’INHA en juin 2023, a mis à nu un cas extrême de tension entre le caractère éphémère d’un art sur la peau et la conservation à des fins artistiques du geste et des figures qu’il instaure. L’inventivité et la diversité des moyens de conservation-transposition, mémorisation filmique et photographique, apports du numérique- sur fond de questionnement éthique et de divergences sur le statut même de l’acte ne sont pas sans rappeler les problématiques liées à l’art urbain que dans un colloque plus ancien, les 13 et 14 octobre 2016, à la Grande Halle de la Villette à Paris, « État de l’art urbain, Oxymores III » , HAR et le ministère de la Culture avaient explorées (https://www.dailymotion.com/video/x553qs5).

L’équipe Cinéma travaille sur un art d’enregistrement qui a, pour cela dès ses débuts, « fait patrimoine ». Elle a pu contribuer à la patrimonialisation d’une pratique autrefois illégitime et tenue paradoxalement pour éphémère (la reprise de l’exploitation d’un vieux film est une invention tardive, qui a précédé la multiplication des supports de reproduction jusqu’au numérique unificateur et à la nouvelle économie des « films restaurés »), notamment dans les champs de recherche sur la relation à la peinture et à l’histoire de l’art et l’étude des discours et l’édition des écrits suscités par le cinéma. Attentive aussi à la création contemporaine, elle présente, lors de ces journées, un film « HAR » issue d’une recherche-création qui retrouve l’éphémère de la séance de cinéma dans les visages de ses spectateurs en un lieu, Kassel, où habituellement se résout tous les cinq ans, par la fréquentation de masse et le marché, la dialectique du patrimoine et de l’ultra contemporain, mais où se propagea, en juin 2022, le feu (éphémère ou pas) d’un scandale et d’une censure : la documenta 15.

La question du reenactment, du play it again est un des points forts de la réflexion de l’équipe Théâtre, dont toute une composante s’interroge -sous le titre « Performer l’archive »- sur les vertus heuristiques de l’expérimentation théâtrale contemporaine pour éclairer les archives du théâtre français ancien, entre le XIVe et le XVIIIe siècle. La « consolidation » de l’éphémère -dont la transformation d’un événement en architecture, le Redentore, forme l’emblème- se nourrit d’un aller-retour entre passé et présent que les programmes de HAR sur la mémoire photographique de l’œuvre et de la performance, et la virtualisation (cloning sonore, patrimoine “augmenté” etc.), l’analyse en acte des conditions de possibilité de la transposition contemporaine de la revue Les Temps Modernes fondée par Sartre en 1945 par nos collègues philosophes mettent en œuvre. Deux conférences invitées lancées à des collègues étrangers reconnus permettront d’élargir le débat.

[1] Titre d’une pièce de théâtre de Michel Seuphor (1926) dont le décor avait été dessiné par Piet Mondrian.

 

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