Projection : « Contes à rebours au Proche-Orient » (Paris, vendredi 1er février 2013)

« C’était peut-être la période la plus organisée de ma vie. Bien sûr, une chambre de luxe dans un hôpital 5 étoiles ne ressemble pas au jardin public de Sanayeh, et le temps dans cette chambre ne ressemble au temps de nul autre lieu. (…) Le jour ou j’ai quitté ma chambre, j’ai senti que je devais revenir chez moi, à mon propre temps, mais le problème est que je me suis retrouvé dans un troisième temps, et j’attends toujours de revenir à mon temps et à mon espace premiers »,  Ghassan Salhab, (Posthume).

Réalisées au Liban, en Palestine ou en Syrie, les œuvres qui composent cette séance offrent diverses représentations d’un temps incertain. Aux violences historiques qui les précèdent ou qui leur succèdent, ces œuvres répondent par des formes de stupéfaction de la fiction, du conte ou encore de la lettre d’amour face au réel. Cette stupéfaction rend compte du choc des évènements historiques et produit une temporalité étrange, découlant de la rencontre entre des dynamiques visuelles et narratives qui tirent les images dans des directions apparemment contradictoires. Quand fin et début se confondent, les voix qui content à rebours se chargent de promesses.

Une séance proposée par LE SILO, en collaboration avec le programme de recherche collectif « Art contemporain et cinéma. XXe-XXIe siècles ».

Contes à rebours au Proche-Orient
vendredi 1er février 2013
INHA — Auditorium de la Galerie Colbert, 18h
2, rue Vivienne – 75002 Paris

PROGRAMME

Compte à rebours, Akram Zaatari, Liban, 1995. 7 minutes, DVD, couleur.
Cette vidéo appartient à une série de courts-métrages (Image + Son) qu’Akram Zaatari a réalisés pour Future TV. L’artiste explique : « cette série a été conçue comme un aller-retour entre deux temporalités : celle de Beyrouth d’abord, puis celle de la télévision ».

Film-essai sur le barrage de l’Euphrate, Omar Amiralay, Syrie, 1970. 12 minutes, DVD, noir et blanc.
La composition sonore et visuelle de cette oeuvre dit l’enthousiasme du réalisateur et célèbre l’audace des ouvriers syriens qui participent à la modernisation du pays. En 2003, Omar Amiralay reviendra de manière critique sur cette expérience dans un film intitulé Déluge au pays du Baas.

The End, Collectif Abounaddara, Syrie, 2011. 3 minutes, DVD, couleur.
Le rideau se ferme sur la figure de « l’éternel président ». Les noms des premiers martyrs de la révolution apparaissent progressivement tandis que l’image officielle du régime persiste sous la forme d’un reflet inversé.

(Posthume), Ghassan Salhab, Liban, 2007. 28 minutes, DVD, couleur.
Ghassan Salhab poursuit sa réflexion cinématographique sur le Liban contemporain. Au lendemain de l’agression israélienne de 2006, la fiction semble avoir perdu sa place. Dans ce film hanté par l’omniprésence du réel et de l’immédiat, elle ne survit qu’à l’état d’images fantomatiques.

Al Awda (The Return), Jumana Emil Abboud, Palestine/Suisse, 2002. 4 minutes, DVD, couleur.
Une femme marche dans un bois et tente, comme dans le conte de Hansel et Gretel, de laisser des traces au sol afin de retrouver son chemin. La réapparition de ce conte et la répétition sans fin des mêmes gestes à l’intérieur de la vidéo évoquent le droit au retour des Palestiniens.

The Story of Milk and Honey, Basma al-Sharif, Liban, 2011. 10 minutes, BETA SP, couleur.
Obsédé par l’Histoire et la mémoire, un narrateur anonyme collecte une grande quantité de photographies, de chansons, de traces d’évènements, de lettres, etc., et parvient difficilement à réaliser son premier projet : écrire une histoire d’amour. En présence de la réalisatrice.

***

Figure incontournable de la scène artistique de l’après-guerre civile – il représentera le Liban à la 55ème Biennale d’Art Contemporain de Venise –, Akram Zaatari a étudié l’architecture à Beyrouth et les sciences de la communication à New York. Co-fondateur de la Fondation Arabe pour l’Image, Akram Zaatari s’intéresse notamment à la production et à la diffusion des images dans le contexte proche-oriental.

Considérant la caméra comme une arme, Omar Amiralay a réalisé plusieurs documentaires dénonçant les incohérences des politiques de développement syriennes. Décédé en février 2011, il avait joué un rôle actif dans l’éphémère Printemps de Damas – mouvement de protestations né au moment de la mort d’Hafez Al-Assad (2000). Les membres d’Abounaddara, collectif de cinéaste anonymes, ont rendu hommage à leur aîné dans une vidéo. Abounaddara, qui se réclame aussi de Dziga Vertov – leur nom signifie « homme à la lunette » –, diffuse chaque semaine un nouveau « ciné-tract » sur internet.

Ghassan Salhab est né au Sénégal en 1958. Il a réalisé une vingtaine de longs métrages et de vidéos et publié, en 2012, Fragments du Livre du Naufrage. Le chemin qui conduit de Beyrouth Fantôme (1998) à (Posthume) apparaît comme un long travelling dans les rues en ruine de la capitale libanaise où errent « des corps solitaires, absents, sans passé et sans avenir ».

Née à Shefa Amr, Jumana Emil Abboud a étudié au Canada avant de s’installer à Jérusalem. L’artiste utilise le dessin, la vidéo et la performance pour évoquer, de manière le plus souvent métaphorique, la culture palestinienne. Ses oeuvres ont notamment été présentées aux biennales de Venise (2009) et de Sharjah (2011).

Née au Koweït de parents palestiniens, Basma al-Sharif a étudié à l’école d’Art et Design de Chicago. Ses oeuvres, présentant une multiplicité d’articulations – tantôt dissonantes, tantôt harmonieuses – entre images et textes, résultent d’une exploration des modes de communication ainsi que des relations entre individus anonymes et mémoire collective.

 

Le Silo est un collectif dédié aux images en mouvement. Une proposition de Teresa Castro, Evgenia Giannouri, Lúcia Monteiro, Clara Schulmann et Jennifer Verraes. En collaboration avec Anaïs Farine

 

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