Séminaire : Académiciennes au miroir avec Marie-Catherine Sahut et Laura Auricchio

Troisième séance du séminaire « Qu’est-ce que les études de genre font à l’histoire de l’art? »

Marie-Catherine Sahut : « Elle a la fureur du métier ». L’académicienne Anna Dorothea Therbusch vue par Diderot, 1765-1768

Parmi les rares artistes femmes admises à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture de Paris au XVIIIe siècle, l’une d’elles, Anna Dorothea Therbusch (1721-1782), est étrangère et se distingue par son audace à peindre l’histoire. Protégée par Denis Diderot, celle qu’il nomme « la Prussienne » s’installe à Paris en 1765. Reçue à l’Académie en 1767, elle bénéficie du droit à exposer ses œuvres au Salon du Louvre et, du même coup, est soumise à la critique. Sous la plume alerte de Diderot, qui apprécie le caractère de Mme Therbusch avant que leurs rapports ne s’enveniment, on trouve, ne serait-ce que pour les dénoncer, les poncifs de la misogynie ambiante : doute sur l’autographie des œuvres produites, allusion à l’apparence physique de la dame, méfiance des académiciens à l’égard d’une femme, étrangère de surcroît. Le témoignage de Diderot est d’autant plus intéressant qu’il n’élude pas la question, qui reste primordiale, du talent même de l’artiste, à juger dans le contexte des deux écoles auxquelles elle appartient, l’allemande et la française, et à la lumière du débat entre Nature et Idéal qui régit alors la vie artistique. Faute de commandes, Mme Therbusch quittera la France trois ans plus tard.

Marie-Catherine Sahut est conservateur en chef du patrimoine. Entrée au Louvre en 1976, ancienne pensionnaire de l’Académie de France à Rome, elle a été jusqu’à une date récente responsable de la collection de peintures françaises du XVIIIe siècle. Elle a été commissaire des expositions Carle Vanloo, Le Louvre d’Hubert Robert, Diderot et l’art de Boucher à David et Watteau et l’art de l’estampe. Elle travaille actuellement sur le chantier du Mobilier du XVIIIe siècle.

Laura Auricchio : Au-delà de l’Académie : écrire l’histoire des femmes artistes du XVIIIe siècle

Étudier les femmes artistes a eu un effet décisif sur la manière dont était pratiquée l’histoire de l’art. Loin de constituer des objets d’étude parmi d’autres, les femmes artistes ont montré que pendant des décennies, nous avions, en quelque sorte, regardé l’art dans un miroir déformant. À partir de l’exemple du XVIIIe siècle, Laura Auricchio montrera comment l’étude des femmes artistes a conduit les historiens de l’art à interroger la pertinence du privilège accordé aux institutions artistiques ; parce qu’elles obligeaient à prendre en compte l’espace situé au-delà du cadre académique, celles-ci ont permis de découvrir un monde de l’art plus complexe et contesté que par le passé.

Laura Auricchio est professeure associée en histoire de l’art et directrice des enseignements de premier cycle à The New School, New York. Elle étudie les croisements de la politique et de la culture visuelle à l’époque des révolutions américaine et française. Son premier livre, Adélaïde Labille-Guiard: Artist in the Age of Revolution a été publié par le J. Paul Getty Museum en 2009. Fréquemment invitée à donner des conférences dans les universités et les musées aux Etats-Unis et dans le monde, elle a récemment participé à deux projets collectifs : l’exposition et le catalogue Royalists to Romantics: Women Artists from the Louvre, Versailles, and Other French National Collections, 1750-1850 (2012) et l’ouvrage Invaluable Trees: Cultures of Nature, 1660-1830 (2012). Son prochain livre, The Marquis (2014) proposera une biographie « imagée » de Lafayette, le héros français de la révolution américaine.

Jeudi 20 mars 2014
15h-17h
Salle Giorgio Vasari
2, rue Vivienne
75002 Paris

Accès : 6 rue des Petits-Champs
Entrée libre

Prochaines séances :

– 10 avril 2014 : Carte blanche à Susan Siegfried

– 22 mai 2014 : Autoportraits et filiations

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