Séminaire 2017-2018 : Images Re-vues (Paris, 2017-2018)
INHA, 6 rue des Petits Champs/2 rue Vivienne, salle Walter Benjamin
Le 1er jeudi du mois, de 10 à 12h, à partir de décembre 2017 à jusqu’à mai 2018.
Coordonné par :
- Bérénice Gaillemin, post-doctorante, INALCO (Département des Amériques)
- Louise Hervé, artiste
- Elise Lehoux, docteure de l’EHESS (ANHIMA)
- Chloé Maillet, professeure d’histoire et théorie des arts à l’ESBA Angers, (correspondante ALHOMA/CRH/EHESS)
Le séminaire de la revue électronique Images re-vues accompagne les dernières sorties des numéros sous forme de rencontres avec des auteurs qui ont participé à ces volumes.
Cette année, les premières séances du séminaire seront consacrées au numéro Extra-terrestre portant sur les rapports entre art et pensée de l’extra-terrestre, dans les domaines du cinéma, des études de genre et d’imaginaire astronomique. Le deuxième volet sera quant à lui consacré au numéro Les images vivent aussi, trajectoires biographiques, un numéro à paraître courant 2018 et dont les articles portent sur les destins des images qui, en changeant de contexte, de temps, de lieu, connaissent des réassignations d’usage, des re-sémantisations, des transformations de toute nature et réinterrogent ainsi le regard porté par ces objets issus de la culture matérielle
1ère Partie : Extraterrestre (n°14 de la revue)
Le 7 Décembre 2017
Elsa de Smet (ATER Université de Reims), Au clair de Terre, Mon œil extraterrestre
Science de l’observation à partir du xviie siècle, l’astronomie reste néanmoins attachée au champ de l’hypothèse. La littérature savante de l’époque n’hésite d’ailleurs pas à faire figurer l’imagination au cœur de son fonctionnement en ayant recourt au récit d’un voyage mental comme moyen d’appréhender le monde intersidéral. L’œil du lecteur ainsi projeté dans la fiction littéraire, trouvera ensuite dans l’image au milieu du xixe siècle, un nouvel outil pour favoriser la communication autour de l’astronomie savante et de son apprentissage par le plaisir. Crédo du siècle, la conception du voir pour savoir installe un champ nouveau de fiction, visuelle cette fois, au cœur même des démonstrations les plus rigoureuses. Le règne du spectacle et des aventures extraordinaires de la seconde moitié du xixe siècle, qui a révélé le potentiel séducteur de l’imagerie scientifique dans la culture populaire n’y est sans doute pas étranger. Et, de cette collaboration entre fiction et astronomie émergent des mutations esthétiques où la coalescence entre science et style devient condition nécessaire et point de départ pour de nouveaux questionnements plastiques.
Le 11 janvier 2018
Jean-Michel Durafour (professeur Université Aix-Marseille), Des Extraterrestres aux manettes des images. Images, minéraux et cristaux dans la cité pétrifiée de John Sherwood (1957)
La Cité pétrifiée (Monolith Monsters, 1957) de John Sherwood, un film d’exploitation aujourd’hui injustement oublié (pourtant écrit sur une idée du grand maître du genre à l’époque, Jack Arnold), signale un cas très unique dans l’histoire du cinéma de science-fiction d’extraterrestres minéraux et cristallins. Le parti pris de la présente étude est que ces extraterrestres, à mi-chemin de la pierre et de l’organisme, dont l’analyse exigera de s’aventurer dans la cristallographie, se découvrent au fur et à mesure comme d’authentiques figures théoriques engageant une appréciation esthétique sur les films d’une grande originalité sous le module d’une minéralogie des images filmiques. Le film y gagne ainsi une exigeante profondeur théorique. L’extraterrestre – dont la forme fait fusain – y devient ainsi le lieu d’une extra-territorialisation esthétique qui conduira à demander aux images quel type de pierres elles sont.
Le 8 février 2018
Luc Schicharin (docteur CRM, Université de Lorraine), Le corps abstrait d’une princesse nuwaubienne : l’extra-terrestre comme figure de l’altérité dans l’œuvre de Juliana Huxtable.
Il s’agira d’une étude esthétique et sémiologique des autoportraits de Juliana Huxtable en princesse nuwaubienne afin de comprendre les enjeux de l’usage artistique de la figure de l’extra-terrestre dans son travail. À partir d’une analyse des œuvres et des entretiens de l’artiste, nous établissons que l’autoportrait extra-terrestre d’Huxtable est, en premier lieu, une exploration philosophique et artistique de la notion de race, considérée comme une corporéité abstraite, mais aussi un outil d’affirmation politique, dans la mesure où la créature nuwaubienne apparaît comme une métaphore de l’altérité chez l’artiste afro-américaine. Enfin, nous constatons que l’artiste est également proche de la théorie queer lorsqu’elle aborde son identité intersexuée et transgenre en posant un regard critique sur la représentation de l’hermaphrodisme dans l’art antique qu’elle déconstruit avec les conceptions du genre de la société contemporaine et son esthétique afrofuturiste.
2ème Partie : Trajectoires biographiques d’images (n°15, à paraître)
Le 8 mars 2018
Thierry Bonnot (chargé de recherche au CNRS, GTMS/EHESS, Paris), Pertinence et limites des biographies d’objets. Retour critique sur une méthode.
La biographie d’objet est une option méthodologique qui présente un grand intérêt heuristique pour les sciences sociales. Elle permet à l’enquêteur (anthropologue, sociologue, historien, archéologue) de suivre les objets dans leur parcours afin de saisir la multiplicité des changements de statuts sociaux et de régimes de valeurs qu’ils subissent ou suscitent. Si ce travail permet de dépasser les catégories ordinaires utilisées pour classer les choses en société, il n’est pas une panacée applicable à toute sorte de chose dans tous les contextes. Il s’agira dans cette intervention d’effectuer un retour critique sur la notion de biographie d’objet et sur la méthode de recherche en l’articulant avec d’autres perspectives, notamment la question de l’agency, pour en évaluer l’efficacité et les lacunes.
Le 5 avril 2018
Andrea Ceriana Mayneri (Chargé de Recherches au CNRS-IMAF), Histoire, mémoires et passé au Centrafrique. À propos de certains artefacts anciens et de leurs simulacres récents.
Centrafrique, autrefois Oubangui-Chari. Examinons d’abord des images d’objets cérémoniaux anciens, dessinées par les missionnaires, décrites par les écrivains et voyageurs (René Maran, André Gide), capturées par les cinéastes et photographes (Marc Allégret, Ed van der Elsken) ; regardons ensuite certaines reprises contemporaines de ces objets qui suscitent dans le pays curiosité, ou regret et nostalgie, ou encore, méfiance et appréhension ; considérons enfin la trajectoire d’un musée des arts et des traditions populaires inauguré il y a cinquante ans à Bangui, aujourd’hui fermé, menacé d’écroulement. Est-il possible de tisser un lien entre ces événements, entre ces images, ces artefacts, ce bâtiment ? Et, si c’est possible, qu’est-ce que ce lien éventuel pourrait nous aider à comprendre à propos des liens avec le passé, dans un pays comme le Centrafrique actuel où les identités, a fortiori les mémoires, sont exacerbées sur fond de violences meurtrières et d’interminables souffrances ? Ce séminaire revient sur un programme de recherche développé entre le terrain centrafricain et certaines réserves de musées en Europe, en passant par des collections privées, des archives numérisées, puis de nouveau dans les salles, presque vides, du musée de Bangui. Il sera aussi question du film-documentaire « Mémoires du Centrafrique », en cours de réalisation avec Edie Laconi, qui en partant de ce programme, veut interroger à nouveaux frais la question mémorielle dans et autour de ce pays équatorial.
Le 3 mai 2018
Chloé Galibert-Laîné (doctorante, SACRe / ENS (PSL)) et Aurel Rotival (doctorant, Université Lumière Lyon 2) : Survivance des motifs et politiques de l’appropriation
– Chloé Galibert-Laîné, ‘L’entrée dans l’art’ des images amateurs filmées pendant le soulèvement syrien de 2011
Depuis l’insurrection verte en Iran en 2009, l’usage de la vidéo numérique s’est répandu comme outil de documentation des mouvements sociaux et des conflits armés. Il n’en fallait pas davantage pour que se multiplient en même temps différentes formes de remixes et de remplois de ces images. Ces vidéos, du fait du peu d’informations dont nous disposons quant au contexte dans lequel elles ont été filmées et quant à l’identité et aux intentions de leurs auteur.e.s, constituent un matériau très malléable : la diversité des destins offerts à ces images semble n’avoir d’égal que le nombre de sites Internet susceptibles de les diffuser, recontextualiser, détourner. En prenant appui sur l’analyse d’un corpus de vidéos YouTube et de films contemporains, cette intervention s’intéressera spécifiquement aux différentes stratégies d’appropriation (médiatiques, politiques et artistiques) dont font l’objet les images amateures tournées en Syrie depuis le début des révoltes en 2011.
– Aurel Rotival, Le pathos figuratif chrétien et ses vies politiques posthumes. Sur plusieurs remplois filmiques du motif de la pietà
Dans trois films réalisés au tournant des années soixante et soixante-dix par des cinéastes qui, tout à la fois, se réclament de la modernité cinématographique la plus avancée et tentent, par leur œuvre filmique, de participer aux luttes politiques de l’époque (Les Enfants désaccordés, réalisé en 1964 par P. Garrel ; Acéphale, réalisé en 1968 par P. Deval et Les Dieux de la peste, réalisé en 1970 par R.W. Fassbinder), survit le modèle pictural classique de la pietà, issu des sphères religieuse et chrétienne. Il s’agit de relier ce retour du religieux, envisagé non comme un substrat dogmatique mais comme le véhicule d’intensités anthropologiques et de fictions collectives, aux divers constats de l’époque qui auront signalé une situation de crise anthropologique, et l’auront fait à l’aune d’une disparition des singularités culturelles derrière l’homologation au mode de vie bourgeois, d’un affaissement de la mémoire et de ses capacités disruptives, ou encore, précisément, d’une perte du sentiment de sacré dans le monde. Il apparaîtra que le remploi de ces formes figuratives empruntées au pathos religieux par des cinéastes se revendiquant du marxisme ou du communisme n’a finalement de sens qu’à engager leur retournement vers la promesse d’un horizon commun, au moment où la question de la révolution se doit d’être pensée avec celle, cruciale, du salut anthropologique des peuples.
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