Journée d’études : « Mémoire sculptée de la guerre : une modernité possible ? » (Rouen, 5 juin 2015)

Constantin Brancusi, La Colonne sans fin,1938, Tirgu Jiu, RoumaniePeut-on regarder le monument aux morts comme une création originale ? En 1926 dans son Bilan des arts modernes en France, Amédée Ozenfant décrit les monuments aux morts de la Grande Guerre comme l’expression de l’anti-modernité, voire de l’anti-modernisme : « depuis la « Victoire » des milliers d’occasions pures ont été données : monuments votifs aux soldats tombés, Verdun. Et qu’a-t-on fait ? Des choses lyriques, oui, mais de quel lyrisme ? misère ! A décharge des « modernes » : on ne s’est pas adressé à eux ». Les modernes ne sont pas responsables de la laideur et de la statuomanie commémorative, ils seraient les victimes d’un manque de courage et de lucidité de l’Etat et des villes à accepter et encourager un nouveau langage pour porter la mémoire nationale.

Bien que minoritaires, certains monuments aux morts de la Grande Guerre adoptent un style non académique. Mais ces monuments sont ambigus : ceux de Rodin à Verdun, Malfray à Pithiviers, les Frères Martel à La Roche-sur-Yon, Maillol à Banyuls sur mer… Dans quelle mesure s’éloignent-ils ou rompent-ils avec l’esthétique et la typologie des monuments commémoratifs publics, tels qu’Antoine Prost, le premier, l’a définie ? Sont-ils aussi modernes qu’ils paraissent? Ne s’agit-il pas plutôt d’une nouvelle forme d’art officiel ? Dans quelle mesure portent-ils, d’une façon renouvelée, la mémoire de l’histoire dans le présent ? Le parcours de mémoire de Brancusi à Tirgu Jiu, puis la commande commémorative de la Seconde Guerre mondiale et de ses atrocités, généralement présentée comme plus ouverte aux modernes, fait émerger de nouvelles questions lorsqu’ils développent le concept de monument universel, voire d’anti-monument. Aujourd’hui, la mémoire des guerres suscite de nouvelles commandes aux artistes vivants. C’est un sujet qui reste d’actualité.

Cette journée d’étude est l’occasion de revenir sur ces passages d’une guerre à l’autre, sur la commémoration du passé, en proposant de resituer un choix de monuments commémoratifs (projets ou réalisations) par rapport aux problématiques de la commande publique, de l’académisme et de la modernité. Il s’agit bien ici d’interroger la possibilité d’être innovant, créatif, personnel, dans l’exercice très contraint de la commande publique. En adoptant une esthétique moderne, par exemple abstraite, mettrait-on en danger la fonction du monument ? La question que pose cette journée d’étude est celle du rapport dialectique entre le sens et la forme du monument commémoratif de la guerre, ces monuments de mémoire.

Programme

10h : Accueil, en présence de Sylvain Amic, directeur des musées de Rouen, des participants et du public
10h20 : Introduction : Claire Maingon (Maître de conférence en histoire de l’art contemporain, Université de Rouen) et Rémi Dalisson (Professeur d’Histoire, Université de Rouen)

  • 10h30-11h : Nicolas Coutant (Directeur du musée d’Elbeuf), Les monuments aux morts de 1870 en Haute-Normandie
  • 11h-11h30 : Claire Garcia (docteur en histoire de l’art): Vers une réinvention de la commémoration. Conventions formelles et libertés plastiques : un dialogue impossible ?
  • 11h30-12h : Christine d’Abboville (historienne de l’art), Les monuments de la grande guerre : mécanismes de la souscription et de la commande publique, choix idéologiques

Discussion
12h30-14h : déjeuner

  • 14h15 – 14h45 : Alice Margotton (doctorante en histoire de l’art, Montpellier), La modernité dans les monuments aux morts, le cas d’Ille-sur-tet par Raymond Sudre
  • 14h45- 15h15 : Matthieu Chambrion (conservateur du patrimoine à la direction de l’inventaire du patrimoine de la région Centre),  Remplacer les bronzes fondus sous l’Occupation  en région Centre : une renaissance de la  statuaire publique ?
  • 15h15-15h45 : Sebastien Gokalp (Conservateur du patrimoine, Musée d’art moderne de la Ville de Paris), La Victoire chez Lucio Fontana

Pause

  • 16h : La parole de l’artiste : Christian Lapie (sculpteur), La constellation de la douleur


Journée d’études organisée par  Claire Maingon et Sandra Dubbeld,
Groupe de Recherche Histoire (GRHis) de l’Université de Rouen
5 juin 2015, Auditorium du Musée des Beaux-Arts de Rouen.

Programme en PDF

 

 

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