Le colloque Tony Garnier (1869-1948). Dessiner et construire la cité moderne avant 1920 est destiné à approfondir et renouveler la connaissance sur le travail de Tony Garnier avant 1920. Il est organisé par le LARHRA UMR 5190 et l’INHA à l’occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Tony Garnier, du 13-15 novembre 2019. Le colloque s’inscrit dans en ensemble de manifestations coordonnées par la Ville de Lyon dont une exposition aux Archives municipales de Lyon.
Si illustre soit-il, Tony Garnier reste cependant un des grands oubliés de l’architecture des premières modernités. Le fait qu’il ait travaillé presqu’exclusivement à Lyon a limité l’écho de ses réalisations. Absent des grandes manifestations internationales, il a fait l’objet d’une réception critique succincte. Cela est dû au fait qu’il a peu théorisé et diffusé ses positions. Il a cependant propagé sa pensée et sa pratique par son enseignement au sein de l’école régionale d’architecture de Lyon en formant de nombreux architectes. La production scientifique relative à Tony Garnier est encore trop modeste par rapport à son importance historique et artistique, surtout si on la compare à celle que suscitent généralement les architectes de la première moitié du XXe siècle. Aucune exposition d’importance nationale ou internationale ne lui a été consacrée depuis celle du Centre Georges Pompidou en 1990. Un colloque international s’est tenu en 2008 à Lyon pour situer son œuvre dans l’histoire de l’architecture en Europe mais les aspects les plus concrets de sa pratique restent encore à étudier. L’objectif est double. Il s’agit d’une part de reconnaître les linéaments et les aboutissements d’Une Cité industrielle. Étude pour la construction des villes, son livre publié en 1917 au terme d’une longue préparation initiée en 1899. D’autre part, le colloque entend analyser précisément les sources de la culture constructive de Tony Garnier et les spécificités techniques de ses réalisations.
Tony Garnier appartient à la génération de F. Lloyd Wright, P. Behrens, J. M. Olbrich,J. Hoffmann, A. Loos et C. R. Mackintosh, tous nés avant 1870. Plus jeune qu’A. Perret et Paul Philippe Cret, il naît une quinzaine d’années avant W. Gropius, L. Mies van der Rohe, R. Mallet-Stevens ou Le Corbusier – lesquels débutent leur carrière alors que paraît la Cité industrielle à la fin de la Première Guerre mondiale. Son œuvre charnière articule les premières modernités du XIXe siècle et les réalisations du XXe. Sa formation à l’École des Beaux-arts de Lyon puis à celle de Paris a fait de lui un dessinateur habile, rompu à l’exercice de la composition. Ses nombreux projets de concours permettent de le constater. Mais, dès son arrivée à Rome en 1899, Garnier semble renier ses dix années de projets de grands programmes pour se tourner vers un exercice qu’il n’a pas appris auprès de ses maîtres :dessiner une ville. En 1900, le lauréat du prix de Rome devient, dans la ville éternelle et antique, le concepteur d’une cité nouvelle et moderne. Il a souvent été remarqué que les édifices construits par Tony Garnier à Lyon présentent de fortes similitudes avec les planches d’Une Cité industrielle : étude pour la construction des villes. Publiées en 1917, bien longtemps après le premier plan d’ensemble conçu à Rome, les vues qui le constituent nourrissent l’œuvre lyonnaise autant que celle-ci les inspire. S’il semble impossible d’établir une chronologie du livre à partir des dessins originaux, il est évident que les grands travaux de Tony Garnier sont liés à une conception urbaine de l’architecture. Les infrastructures, l’architecture industrielle, les équipements sanitaires et l’architecture scolaire représentent quatre programmes particulièrement importants et significatifs de ses ambitions sociales et urbaines. Ces grands chantiers lyonnais servent des objectifs politiques et sociaux. L’habitat social est un de plus importants.
Au-delà des sources stylistiques et idéologiques d’Une Cité industrielle, le colloque entend étudier la matérialité de ce livre. Les planches qui le composent presqu’entièrement ne sont pas datées. Elles sont souvent reprises, redessinées pour faire l’objet d’impression multiples comportant de modestes différences. D’une façon générale, la pensée de Tony Garnier est visuelle et elle s’appuie sur la reprise permanente des dessins et des planches. Cet aspect, encore très largement méconnu, indique bien qu’il n’est pas seulement un excellent dessinateur qui maîtrise les effets du lavis. Il prête une attention particulière au rendu des textures du paysage et de l’architecture. À ce titre, Tony Garnier peut être considéré comme un constructeur d’images autant que comme un bâtisseur.
Le colloque accordera une importance particulière aux matériaux et aux techniques de construction. Les premiers projets de Tony Garnier témoignent de ce qu’il prévoit d’utiliser le ciment armé mais le plus souvent de façon limitée. Héritier de la technique traditionnelle et régionale du pisé, il la modernise en mêlant gros béton, ciment armé et pisé de mâchefer.Faisant preuve d’un usage économique de ces matériaux peu onéreux, il les met en œuvre par des moyens artisanaux nécessitant une importante main d’œuvre. Il prête beaucoup d’attention à la conduite des travaux des grands chantiers lyonnais en activité pendant la difficile période de la Première Guerre mondiale. Tony Garnier, loin de l’image réductrice du dessinateur esthète, démontre qu’il est aussi un constructeur, à l’instar d’Auguste Perret. Adepte d’une pragmatique du chantier, son architecture est fondée sur la mise en œuvre et l’économie des moyens comme des matériaux. En découle une conception monolithe de l’édifice, très éloignée de l’esthétique structurelle d’Auguste Perret. Plus pragmatique que rationaliste, elle ne correspond pas au classicisme moderne défini par Perret et qui fait consensus dans la France de l’Entre-deux-guerres ainsi que dans de nombreux pays. La monumentalité de Tony Garnier ne réside pas dans un colossal imposant voire autoritaire, mais dans une science de la composition qui entend populariser la beauté. Sa simplicité savante correspond à conception sociale de l’architecture qui vise à construire une cité moderne, juste et démocratique.
Le colloque interrogera notamment ces deux aspects de l’œuvre de Tony Garnier pour eux-mêmes et par des comparaisons avec les productions de ses contemporains.
Organisateurs
- Laurent Baridon, (Université Lumière-Lyon 2 – LARHRA UMR 5190)
- Nathalie Mathian (Université Lumière-Lyon 2 – LARHRA UMR 5190)
- Gilbert Richaud (Université Lumière-Lyon 2 – LARHRA UMR 5190)
Comité scientifique
- Pauline Chevalier
- Anne-Sophie Clémençon
- Jean-Louis Cohen
- Bernard Espion,
- Louis Faivre d’Arcie
- François Loyer
- Jean-Philippe Garric
- Guy Lambert
- Réjean Legault
- Jean-Baptiste Minnaert
- Valérie Nègre
- Jean-Luc de Ochandiano
- Sylvie Ramond
- Pierre Vaisse
Axes de recherches suggérés
1. DESSINER, PUBLIER, DIFFUSER : LA CITÉ INDUSTRIELLE ET LE LIVRE D’ARCHITECTURE
Les pratiques graphiques et visuelles (originaux, copies, tirages, photographies) ; fonctions du dessin (projets, enseignement et publications) ; élaboration et sélection des dessins.
Les ouvrages et leur matérialité : éditions, tirages et exemplaires ; mise en page, organisation,documents et échelle de représentation ; techniques et procédés de reproduction.
Contextes des publications : La Cité industrielle et les autres publications de Tony Garnier (Tusculum. État actuel et restauration (1911) et Les Grands travaux de la ville de Lyon (1920) ; l’édition d’architecture au début du XXe siècle ; apport des projets et des réalisations de Tony Garnier à la Cité industrielle et les processus comparables chez d’autres auteurs.
2. TECHNIQUES, MATÉRIAUX, PRATIQUES DE CHANTIER
Tony Garnier et le chantier : formation technique, donneurs d’ordre, organisation, pratique d’agence, travail avec les architectes de chantier et les entrepreneurs, économie, main d’œuvre.
Matériaux : répartition, transfert, hybridation chez Tony Garnier et dans la construction au début du XXe siècle.
Tony Garnier et l’histoire des bétons coffrés : inventeurs, entrepreneurs, procédés, brevets ;pratiques constructives dans la génération des premiers modernes (Frank Lloyd Wright, Peter Behrens, Henri Sauvage, les frères Perret, etc.).
3. TONY GARNIER ET SES CONTEMPORAINS
La construction et son décor : techniques, matériaux du second œuvre ; aménagement intérieur et arts décoratifs.
La Cité industrielle comme projet d’urbanisme : comparaison, réception, héritages.
La patrimonialisation de l’œuvre de Tony Garnier : constats et recommandations.
Comment postuler ?
Les propositions devront nous parvenir avant le 1er mars 2019, sous la forme d’une problématique résumée (entre 2000 et 4000 signes), en français ou en anglais, accompagnée d’un bref CV académique, pour une communication de 20 minutes suivie de 10 minutes de questions et d’échanges.
Elles sont à envoyer à l’adresse suivante colloquetgl2019 @ orange.fr
Les propositions seront rendues anonymes afin d’être sélectionnées par le comité scientifique en double-aveugle.
Les réponses seront envoyées par le comité d’organisation au plus tard le 15 avril 2019.
Le texte des propositions retenues devra nous parvenir avant la date du colloque. Il sera possible de le modifier avant la publication des contributions (25000 à 35000 signes). Les actes seront publiés avec le concours de l’INHA.
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