Cinquième séance du séminaire d’Athamas – Art et Antipsychiatrie : « L’antipsychiatrie dans l’héritage de Frantz Fanon. Rencontre avec Mathieu Kleyebe Abonnenc ».
Jeudi 23 mai de 18h à 20h à la Galerie Colbert – 2, rue Vivienne – Paris 2e – Salle Demargne (RDC dans la galerie).
Présentation :
Œuvre magistrale et testament politique de Frantz Fanon, Les Damnés de la terre (1961) est aujourd’hui encore un texte de référence pour les militants anticolonialistes, les activistes des droits civiques et les spécialistes des études postcoloniales. Frantz Fanon est aussi l’auteur d’articles majeurs dans sa discipline, la psychiatrie. Ses écrits psychiatriques, longtemps restés inaccessibles et trop souvent méconnus, éclairent pourtant toute sa pensée politique, bien plus que cela, ils la déterminent. C’est en effet au travers de l’observation et de l’analyse du traumatisme et des maladies mentales qu’il approche et théorise l’aliénation colonialiste. Après une thèse de psychiatrie soutenue à Lyon en novembre 1951, il effectue son apprentissage à l’hôpital Saint-Alban où il reste quinze mois. Il y fait une rencontre essentielle, celle de Francesc Tosquelles, psychiatre d’origine catalane et militant antifranquiste. Cette formation est déterminante tant sur le plan de la psychiatrie que sur celui de ses futurs engagements politiques. Aux côtes de Tosquelles, il interroge l’aliénation dans tous ses registres, au lieu de rencontre entre physiologique et historique. Nommé à l’hôpital de Blida, en 1953, il découvre la réalité coloniale de l’Algérie et entreprend avec énergie de réformer les services dont il est en charge en y introduisant la « social-thérapie » enseignée par Tosquelles. Cette interaction revendiquée du politique et du psychiatrique érige Frantz Fanon en figure de référence pour les psychiatres radicaux des années 1960-1970, comme Franco Basaglia, Ronald D. Laing et David Cooper. Une œuvre psychiatrique, politique mais aussi poétique. Passionné de théâtre, Frantz Fanon était aussi dramaturge. Ses premiers écrits sont en effet des pièces de théâtre, L’œil se noie et Les mains parallèles,où se côtoient lyrisme et didactisme ; une fusion des modes de discours qui caractérise Peau noire, masques blancs (1952). Cette polyphonie fanonienne a permis son inscription dans le champ du militantisme mais également de l’artistique, comme l’incarne l’exposition « Orphelins de Fanon » conçue par Mathieu Kleyebe Abonnenc.
Intervention :
« De la Solitude » par Mathieu Kleyebe Abonnenc (artiste)
Mathieu Kleyebe ABONNENC est un artiste originaire de la Guyane Française. A travers une démarche multiforme qui comprend les activités d’artiste, de chercheur, de commissaire d’exposition et de programmateur de films, Mathieu Kleyebe Abonnenc s’attache à explorer les zones négligées par l’histoire coloniale et post-coloniale. L’absence, la hantise et la représentation de la violence sont autant de thèmes abordés dans le travail de l’artiste qui procède par extraction et excavation et œuvre à la réinscription, dans l’histoire collective, de personnalités et de matériaux culturels passés sous silence. Engageant souvent la collaboration d’acteurs issus de divers champs disciplinaires et incorporant la production de dessins, de films, de diaporamas et de dispositifs discursifs, la pratique de Mathieu Kleyebe Abonnenc se définit plus particulièrement en fonction d’une interrogation, d’un tissage d’affiliations et d’une réflexion sur le rôle des images dans la formation des identités.
Il s’agira dans un premier temps de revenir sur la conception de l’exposition Orphelins de Fanon (6 novembre 2011-26 février 2012) au Centre d’art-la Ferme du Buisson à Noisiel, afin d’identifier les traduction formelles – notamment architecturale – des quelques-uns des motifs propres à la pensée de Frantz Fanon dans le cadre de cette exposition mais plus généralement du travail plastique de Mathieu Kleyebe Abonnenc.
En s’appuyant sur quelques exemples filmiques, l’artiste abordera dans un second temps l’influence qu’à pu avoir la pensée de Frantz Fanon sur des réalisateurs du troisième cinéma, et plus précisément sur l’usage qu’ils ont pu faire des écrits de Fanon dans leurs représentations de l’aliénation coloniale.
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