Appel à communication : « Animal et portrait à la Renaissance » (Paris et Écouen, 17 et 18 mai 2021)

Dans son discours sur la dignité de l’homme (De hominis dignitate, ca 1486), Pic de la Mirandole décrit l’humain comme un animal éternellement suspendu entre la terre et le ciel, oscillant entre nature céleste et nature terrestre, entre humain et animal. Sans rang, il est également sans visage propre, qu’il lui revient de modeler sous forme divine ou bestiale. Un tel exemple invite à s’interroger sur la perception que l’homme de la première modernité a eue de l’animal et sur la place qu’il lui a consacrée dans son quotidien, en particulier par le biais du portrait. Les questions du modèle animal et du rapport de hiérarchie entre homme et animal se retrouvent ainsi au cœur d’une réflexion sur le développement de l’art du portrait à la Renaissance. Le colloque se propose d’approfondir la problématique du portrait et de l’animal dans l’Europe des XVème et XVIème siècles.

Une telle problématique renvoie, d’une part, à la conception humaniste de l’ordre et de la hiérarchie des êtres vivants, en particulier à celle du rang que l’Homme souhaite occuper au sein de la Nature. Les penseurs de la première modernité se sont en effet essentiellement évalués par rapport aux animaux dans l’élaboration de leur place dans l’univers. En même temps que les humains se sont ainsi observés, ils ont observé les animaux. Et en même temps qu’ils ont développé l’art du portrait, leurs études d’animaux se sont faites plus précises.

L’intitulé du colloque invite, d’autre part, à réfléchir aux rapports que les humains ont entretenus avec les bêtes à la Renaissance, et aux échos que de tels rapports ont pu trouver dans l’art du portrait. Les effigies animales individualisées, et même autonomes pour certaines d’entre elles, apparaissent précisément au moment où cet art connaît ses plus grandes évolutions en Occident. Aux XVème et XVIème siècles, les Européens ont manifestement éprouvé le besoin de se définir par rapport aux animaux, jusque dans leur quête d’individuation, et dans la construction de leur propre image. Les artistes peut-être encore plus que les autres, comme le laisse entrevoir nombre de peintures, sculptures, dessins ou textes littéraires. Le concept d’autoportrait avec animal, comme celui d’autoportrait en animal, s’avèrent à cet égard particulièrement intéressants.

La richesse de la problématique du colloque appelle une approche pluridisciplinaire et un nécessaire dialogue entre historiens de l’art, historiens, historiens des sciences, littéraires, musicologues, sociologues, philosophes, éthologues, vétérinaires… autour de plusieurs thématiques centrales que nous souhaitons voir abordées :

. Les interventions et échanges tenteront d’abord de déterminer les critères qui permettent de penser et de définir la notion de portrait animal à la Renaissance (étude anatomique, individuation plus ou moins poussée, autonomisation, empreinte).

. Les propositions devront ensuite permettre de comprendre la manière dont les hiérarchies entre homme et animal, présentes dans les discours philosophiques et littéraires des XVème et XVIème siècles, transparaissent à la fois dans les portraits d’animaux autonomes et dans les doubles effigies combinant bêtes et humains. De fait, certains portraits plastiques, littéraires ou musicaux interrogent et remettent explicitement en question de tels rapports hiérarchiques, allant parfois jusqu’à les inverser. On pense notamment aux doubles portraits avec animaux, qui mettent en scène leurs relations affectives, mais aussi aux autoportraits littéraires, comme le De Canis de Leon Battista Alberti.

. Il sera également fondamental de poser la question de l’animal comme modèle pour l’homme. À l’époque moderne, la compréhension de l’animal se situe en effet entre symbolisme, métaphore, exemples de vice ou de vertu et observation physionomique poussée. Les propositions interrogeront aussi bien l’héraldique et les exempla moralisants, que les théories physiognomoniques, en plein essor à la Renaissance et qui ont incontestablement marqué tant la pensée que l’art du portrait. La question de l’imitation de l’animal, à travers le portrait musical et le travestissement de l’homme en animal, pourra également être abordée.

Enfin, nous souhaitons que certaines propositions traitent des portraits d’animaux fantasmés. Un certain nombre d’animaux représentés à l’époque moderne n’ont en effet pas été observés de visu par les artistes, à commencer par ceux qui furent le fruit de l’imagination collective. Dans les travaux encyclopédiques les plus rigoureux cohabitent ainsi des animaux réellement examinés, avec ceux, exotiques ou merveilleux, tels que l’éléphant ou le rhinocéros, la licorne ou l’hydre, néanmoins « familiers de l’esprit » des humains de l’époque. Réalisé presque entièrement d’après des descriptions écrites, le cas du célèbre rhinocéros dessiné et gravé par Albrecht Dürer apparaît de ce point de vue tout à fait révélateur et pourra servir de point de départ.

Axes de recherche :

– De l’étude scientifique au portrait d’individu
– Empreinte et portrait animal
– L’animal comme modèle : des exempla médiévaux aux théories physiognomoniques
– Animal emblématique et portrait
– Se ressembler, se distinguer : hommes et animaux dans un même portrait
– Autoportrait en animal : arts plastiques, littérature, musique…
– Animal et portrait funéraire : effigies mortuaires, épitaphes, dépouilles, trophées, taxidermie
– Animaux exotiques et bêtes fantastiques : portrait de l’animal fantasmé

Comité scientifique :

Cécile Beuzelin (Université Montpellier 3)
Sarah Cockram (University of Edinburgh)
Armelle Fémelat (CESR, université de Tours)
Aurélie Gerbier (Musée national de la Renaissance)
Christine Germain-Donnat (Musée de la Chasse et de la Nature)
Matteo Gianeselli (Musée national de la Renaissance)

Présentation de la manifestation

Le colloque « Animal et portrait à la Renaissance » sera international et pluridisciplinaire, au croisement des sciences humaines et des sciences du vivant. Il donnera lieu à une publication scientifique. Les intervenants seront invités à remettre un texte de 35 000 signes à l’issue du colloque, rédigé en français ou en anglais. Le temps de parole imparti à chaque intervenant sera de 30 mn précisément, en français ou en anglais.

Modalités de candidatures

Les propositions de communication s’inscriront dans un ou plusieurs des axes de recherche proposés. Elles prendront la forme d’un synopsis d’environ 4500 signes ou 700 mots, accompagné d’un curriculum vitae.
Rédigées en français ou en anglais, elles devront être envoyées à animaletportraitalarenaissance@gmail.com, au plus tard le 30 octobre 2020.
Les propositions seront évaluées par le comité scientifique et les réponses seront envoyées par mail au cours du mois de décembre 2020.

 

« Animal et portrait à la Renaissance », les 17 et 18 mai 2021 à Paris (musée de la Chasse et de la Nature) et à Écouen (musée national de la Renaissance). Colloque international organisé par Cécile Beuzelin (maître de conférences en histoire de l’art moderne à l’université Montpellier 3) et Armelle Fémelat (historienne de l’art associée au CESR), en collaboration avec le Musée national de la Renaissance d’Écouen et le Musée de la Chasse et de la Nature.

Appel à communication en pdf_COLLOQUE_Animal-Portrait-Renaissance

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In his treaty on the dignity of man (De hominis dignitate, ca 1486), Pico della Mirandola describes man as an animal without rank, eternally suspended between earth and sky, oscillating between the celestial and the terrestrial, divinity and animality. In accordance with this lack of fixed rank, man also lacks definite form: finding his place is also a question of finding his form; he must model himself as best he can somewhere between the divine and the bestial. This vision of humanity invites us to question the way early modern men and women perceived animals, the place the latter occupied in daily life, and, importantly, the link between animals and portraiture at this time. By considering the use of animals as models and the hierarchical relationship between people and animals during the Renaissance, this conference aims to explore a vital, but largely overlooked aspect of portraiture in fifteenth- and sixteenth-century Europe.

At the heart of this line of inquiry is the humanist conception of the order and hierarchy of living beings and the question of mankind’s place within this. Early modern thinkers essentially evaluated their place in the great natural scheme of things with respect to animals. The study of humans and the study of animals went hand in hand, and these intertwined studies were directly related to the development of the art of portraiture.

Individuated images of animals started to appear precisely at the moment when European portraiture entered its greatest period of development. Clearly, in the 15th and 16th centuries, Europeans felt the need to define themselves in relation to animals, even as they sought to distinguish themselves from them and construct an autonomous image of themselves. This seems to be particularly true in the case of artists, as many paintings, sculptures, drawings and literary texts suggest. Self-portraits with animals and self-portraits as animals are particularly interesting in this regard.

The richness of the relationship between animals and portraiture necessitates a multidisciplinary approach, involving art historians, historians, historians of science, scholars of literature, musicologists, sociologists, philosophers, ethologists and veterinarians. By bringing together these different forms of specialisation, we hope to carry out the following objectives:
– Determine the criteria that will make it possible to define the notion of animal portraiture during the Renaissance (anatomical study, degrees of individuation, autonomous portraits, animal imprints).

– Consider how the hierarchical relationship between people and animals, attested by numerous philosophical and literary texts from the 15th and 16th centuries, is reflected in animal portraits and in images associating animals and humans. Certain painted, literary and musical portraits explicitly question this hierarchical relationship, sometimes going so far as to inverse it. Notable examples of this include double portraits where one of the sitters is an animal and texts like Leon Battista Alberti’s literary portrait De Canis.

–   Study the use of animals as models for humans. The quest to understand the animal world in the early modern period involved symbolism, metaphor, the concepts of vice and virtue and advanced physiognomic observation. Heraldry and moralisation, as well as physiognomic theories – in full swing during the Renaissance – undoubtedly shaped the way both animals and people were perceived and depicted. The imitation of animals in, for example, musical portraits or representations of people dressed up as animals, is also central to this question.

–   Further understanding of representations of animals based on imagination rather than observation. A certain number of early-modern depictions of animals may be considered as products of the collective imagination. In the most rigorous encyclopaedic works on animals, observable animals coexist with exotic animals, such as elephants and rhinoceroses, that were known about but not seen by the vast majority of Europeans, as well as fantastic creatures, such as unicorns or hydras, that, although inexistent, were similarly « familiar to the minds » of men at the time. An eloquent example of the role of imagination in the depiction of animals is provided by Albrecht Dürer’s famous engraving of a rhinoceros which was based almost entirely on written descriptions.

 

Proposals may address, but are not limited to the following areas of inquiry:
– The link between scientific study and individual portraits
– Animal imprints and portraits
– Animals as models: from medieval examples to physiognomic theories
– Emblematic animals and portraits
– Resemblance and dissemblance: portraits of people with animals
– Self-portrait as animals : visual arts, literature, music…
– Animal and funeral portraits: mortuary effigies, epitaphs, spoils, trophies, taxidermy
– Exotic animals and fantastic creatures: portraits of imaginary animals

Scientific committee
Cécile Beuzelin (University of Montpellier 3)
Sarah Cockram (University of Edinburgh)
Armelle Fémelat (CESR, University of Tours)
Aurélie Gerbier (National Renaissance Museum)
Christine Germain-Donnat (Museum of Hunting and Nature)
Matteo Gianeselli (National Renaissance Museum)

Presentation of the event
The conference « Animal and Portraiture in the Renaissance » will be international and multidisciplinary. It will open new perspectives by exploring a subject at the cross-section of the humanities and life science.
It will give rise to a scientific publication. Speakers will be invited to submit a text of 35,000 characters, in French or English.
The time allotted to each speaker will be precisely 30 minutes. Talks can be given in French or in English.

Application procedures
Proposals should address one or more of the lines of inquiry described above.
A synopsis of approximately 4,500 characters or 700 words, in French or English, accompanied by a curriculum vitae, should be sent to animaletportraitalarenaissance@gmail.com

The deadline for application is 30 October 2020.
All proposals will be considered by the scientific committee and responses sent by email in December 2020.

 

« Animal and Portraiture in the Renaissance », 17-18 May 2021, Paris (The Hunting and Nature Museum) and Écouen (National Museum of the Renaissance)
International conference organized by Cécile Beuzelin (Lecturer in History of Modern Art, Montpellier 3 University) and Armelle Fémelat (doctor in Art History, CESR Tours), in collaboration with the National Renaissance Museum of Écouen and the Hunting and Nature Museum, Paris.

Call-for-paper PDF_SYMPOSIUM_Animal-Portrait-Renaissance

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