En opposition aux fresques historiques affirmant la continuité avec les jeux anciens, l’historien Thierry Terret soutient que le sport est né en Angleterre au XVIIIe siècle, « dans le contexte de la révolution industrielle et d’un capitalisme émergeant[1] ».
Si les rings sont prisés avant 1900, la boxe anglaise se codifie et se professionnalise au début du XXe siècle. En France, on assiste à l’augmentation des combats et à leur médiatisation ainsi qu’à l’ouverture de salles spécialisées[2].
Une partie du monde artistique et littéraire britannique, au XIXe siècle, puis parisien, au début du XXe siècle, se pique alors de boxe. Dans les salons anglais, on compare les corps des boxeurs aux sculptures antiques ; autour des rings parisiens, on croise Colette, Tristan Bernard, Jules Renard, Léon Blum ou encore le fameux poète-boxeur Arthur Cravan[3].
Si quelques expositions, comme Boxe-Boxe à la Fondation Blachère à Apt (2012) ou On the Ropes: Vintage Boxing Cards au Metropolitan Museum de New York (2018) ont mis en évidence la place de la boxe dans les arts et la culture visuels, il ne semble pas exister encore d’étude transversale sur la question. En France, les études pionnières sur les rapports entre arts et sports du critique Jean-Marc Huitorel abordent la boxe, mais elles portent essentiellement sur des artistes vivants.
Pourquoi et comment certain.e.s artistes, depuis le XVIIIe siècle, se sont-ils ou elles emparé de ce sport ? Quel impact sur leurs pratiques, et quelles interactions boxe et art ont-ils pu nourrir ? La journée d’études sera consacrée à ces questionnements jusqu’à maintenant trop peu présents dans le champ des études visuelles.
Elle abordera principalement la boxe moderne en Occident, boxes française et anglaise. Toutefois, elle sera également ouverte à d’autres pratiques mondiales, à l’instar de la boxe thaïlandaise. Le corpus pourra s’étendre des arts vivants aux arts et à la culture visuels, comprenant aussi bien les performances que l’art vidéo, la danse, la photographie, la peinture, la caricature, la publicité, les arts décoratifs, l’intermédialité, etc.
Les propositions de communication, de table ronde, d’atelier ou de performance pourront s’inscrire dans les axes suivants (non exhaustifs) :
Représentation de la boxe et de son théâtre (lieu, temps, action)
– Comment la boxe et les boxeurs ont-ils été représentés, autant par les photographes et caricaturistes de presse que par les peintres, etc. ?
– Comment les artistes ont-ils.elles pu jouer avec le cadre et le hors-cadre du ring, avec son espace, puis avec la temporalité et l’action des combats ?
– Comment cette iconographie de la boxe a-t-elle contribué à la construction du spectacle sportif à la fin du XIXe siècle et à l’aube du XXe siècle[4] ?
Arts, boxes et stéréotypes raciaux, de classe et de genre
– En quoi la pratique de la boxe vue par les artistes interroge-t-elle, reproduit-elle, voire parfois renforce-t-elle certains stéréotypes raciaux ou de genre ?
– A contrario, comment a-t-elle servi à lutter contre les discriminations raciales, de genre ou de classe ?
– Comment la boxe devient-elle l’incarnation de combats politiques chez certain.e.s artistes ?
Histoire de la violence et de la guerre
– Comment les artistes ont-ils·elles pu représenter la violence de la boxe et sa maîtrise ?
– Comment la figure du boxeur a-t-elle pu incarner la puissance, le héros ou le guerrier ?
– Comment les boxeurs et leurs images ont-ils pu servir le pouvoir politique, notamment fasciste ou nazi, ou encore celui financier de la mafia ?
– Comment les représentations de la boxe et des boxeurs véhiculent-elles en outre de l’histoire de la guerre, celle des diasporas ?
– En ce sens, comment certains codes, rituels, philosophies et pratiques liés à la boxe, sont-ils appropriés par d’autres cultures ?
Boxes et arts : exploration de soi et métaphore de l’existence
– Quelles sont les fonctions sociales et psychologiques de la boxe pour les artistes ?
– Quelles pratiques peuvent-ils.elles avoir de la boxe ?
– Comment la boxe peut-elle devenir la métaphore de la vie et du combat intérieur et comment a-t-elle permis aux artistes de leur donner une représentation ?
– Comment peut-elle se lier à la transcendance et au sacré ?
Jeu et création : exploration des règles et des pratiques
– Comment la boxe a-t-elle pu initier de nouvelles pratiques artistiques, notamment une réflexion sur la spatialisation et l’événement ?
– Comment s’est-elle intégrée à l’histoire de l’art et à ses changements ?
– En quoi boxe et art se rencontrent-ils dans la pratique et interrogent-ils règles et création ?
Modalités des interventions
En français ou en anglais, les propositions de communications (500 mots) seront accompagnées d’un titre et d’une brève notice bio-bibliographique.
Elles sont à adresser au plus tard le 9 janvier 2023 en format Word à nedelec.marine@gmail.com et petiot.aurelie@gmail.com
La liste des propositions retenues sera communiquée le 30 janvier 2023.
La journée d’étude aura lieu le 27 mars 2023 à l’Université Paris-Nanterre.
Organisation et responsabilité scientifique : Marine Nédélec (docteure en histoire de l’art de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, HiCSA) et Aurélie Petiot (maîtresse de conférences à l’Université Paris Nanterre, HAR).
[1] Thierry TERRET, Histoire du sport, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2010, p. 3.
[2] Philippe TÉTART, Les pionniers du sport, Éditions de La Martinière / BNF, Paris, 2016, p. 131.
[3] Cf. Claude MEUNIER, Ring noir. Quand Apollinaire, Cendrars et Picabia découvraient les boxeurs, Plon, Paris, 1992.
[4] Cf. Sylvain VILLE, Le théâtre de la boxe : Naissance d’un spectacle sportif (Paris-Londres, 1880-1930), Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », Rennes, 2022.
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