Appel à contributions : Studiolo #22

Appel à contributions : Studiolo #22

Numéro #22 Studiolo
Revue d’histoire de l’art
DOSSIER : HÉTÉROCHRONIES
Date limite de remise des articles : 24 avril 2026
Impression : printemps 2027


Publiée par l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, Studiolo est une revue annuelle d’histoire de l’art dédiée à la production et aux échanges artistiques européens et internationaux à l’époque moderne et contemporaine. Elle constitue un espace ouvert aux recherches les plus récentes qui ont trait à l’histoire de l’art, tant dans ses thèmes que dans ses méthodes.

Chaque numéro se compose d’un dossier thématique et de plusieurs rubriques : la rubrique Varia, ouverte aux articles hors thème ; Débats, liée à l’historiographie ; Villa Médicis, histoire et patrimoine, consacrée à l’histoire de l’Académie de France à Rome, aux activités de recherche et aux chantiers de restauration suivis par le Département d’histoire de l’art et enfin Champ libre, qui accueille les propositions des pensionnaires de l’année en cours.

Francis Alÿs, Paradox of Praxis I (Sometimes Making Something Leads to Nothing), Mexico City, 1997, vidéo.



Dossier : HÉTÉROCHRONIES

Le temps ne s’écoule pas à la même vitesse dans différentes parties du monde : il s’agit là d’une évidence mise en lumière par les études d’anthropologie culturelle et les recherches historiques qui, dès les premières réflexions d’Ernst Bloch, ont considérablement contribué au développement de cette perspective critique. Dans le champ de l’histoire et de la critique de l’art, la diffraction culturelle engendrée par l’expérience de l’asynchronisme des temps au sein d’une présumée synchronie objective des événements est devenue, depuis une trentaine d’années, une question cruciale. Cela a été clairement montré par le tournant postcolonial, qui a entraîné le spatial turn et, par conséquent, la prise en considération de toutes ses répercussions sociopolitiques. Si la science l’avait montré un siècle plus tôt, l’histoire de l’art a, à son tour, dû redéfinir la catégorie d’« espace-temps », renvoyant ici au statut de l’image ou de l’objet artistique comme réceptacle d’une réciprocité de références entre modes de production et de réception.

La réflexion sur l’« anachronisme » des images en tant que palimpsestes de survivances latentes – menée successivement par Carl Einstein, Aby Warburg, Walter Benjamin, Georges Didi-Hubermann puis théorisée dans Anachronic Renaissance par Christopher Wood et Alexander Nagel – a proposé un renversement de perspective stimulant, marquant la fin des modèles vasarien et hégélien appliqués à une histoire de l’art évolutionniste et téléologique. Mais une nouvelle définition s’est progressivement imposée. Avec les recherches de Norman Bryson, Michael Ann Holly et Keith Moxey, et celles de Terry Smith ou Mieke Bal, la notion d’ « hétérochronie » s’est frayée un chemin à la faveur de l’élargissement du champ d’investigation des visual studies. À l’inverse de la vision apocalyptique de l’« achronie » – une fin de l’Histoire aux implications postmodernes, tendant à l’aplatissement de toute altérité – l’hétérochronie semble révéler l’essence actuelle de notre condition : une multiplicité de temporalités contiguës, orientées dans plusieurs directions, suivant une simultanéité asynchrone de différences qui se court-circuitent en diffractions constantes et réciproquement interférentes. Suivant l’intuition de Tim Ingold, l’Histoire ne s’empile pas : elle se démêle, telle une corde tressée.


Si l’hétérochronie confirme, en dépassant la simple approche multiculturaliste, qu’il ne suffit pas d’inclure de nouveaux récits au sein du récit canonique occidental pour établir des relations d’égalité, la réflexion de Michael Baxandall sur le period’s eye souligne la nécessité de nous défaire de l’historicité de notre regard. L’hétérochronie consiste ainsi en une confrontation qui se veut paritaire, non hiérarchique, entre des cultures coïncidant dans un même moment temporel. Nous ne pouvons ignorer cette nouvelle condition : le mythe de la technologie du réseau, avec sa prolifération d’informations et son accélération du temps, en témoigne. Mais le réseau peut aussi constituer un indice effectif de résistance, en activant et en donnant visibilité à d’« autres » cultures créatives, différemment fondées et motivées.


Le prochain numéro pourra aborder la question de l’hétérochronie à partir, entre autres, des perspectives suivantes :


Hétérochronie et pouvoir
S’il est vrai que tout effort historiographique résulte d’une lecture et d’un projet du monde, et qu’il est idéologique par nature, on ne peut ignorer les relations de pouvoir qui en constituent la base. On se doit, par exemple, d’interroger le cas des expérimentations opérant dans un contexte tout en lui étant étrangères : comment la prise de conscience des langages artistiques émergents, invisibles au système établi d’expositions, de marché et de littérature critique, a-t-elle été vécue, et comment l’est-elle aujourd’hui ? Quelles en sont les conséquences ? Que se passe-t-il dans les contextes extra-occidentaux, où les temporalités sont souvent imposées par l’Occident ? Enfin, quels sont les effets des asynchronies plus récentes sur les pratiques artistiques en compétition dans le système mondialisé de l’art ?

Hétérochronie et matérialité
Comme l’a démontré Georges Kubler, l’œuvre d’art comporte une sorte de paradoxe dont les traces sont à la fois détectables et constitutives : elle possède un emplacement chronologique précis, tout en conservant une dimension temporelle propre. En même temps, on lui attribue constamment une valeur ontologique intrinsèque excédant l’Histoire. De quelle manière, et avec quels résultats, des époques culturelles chronologiquement contiguës mais mutuellement étrangères peuvent-elles coexister dans une même œuvre ? Le discours sur l’hétérochronie comme substance du présent s’est progressivement affirmé, notamment grâce à l’établissement des réseaux informatiques et à leur logique ahistorique de connexions. Comment, dans l’art contemporain, la technologie numérique a-t-elle conduit à travailler avec une conflagration d’hétérochronies ?

Hétérochronie et histoire de l’art
Faire de l’histoire de l’art, c’est s’exercer au compromis consistant à traduire de multiples formes d’expérience du temps en un seul récit, constamment soumis à révision. Les différences entre temporalités contiguës et multiples ont un fondement objectif, mais elles se révèlent selon la mutabilité des priorités du présent. Les périodisations temporelles sont le premier bouc émissaire de cette prise de conscience. Quelles renégociations peuvent être introduites par les reconstructions historiques en termes d’hétérochronie ?

Hétérochronie et collectionnisme
Au-delà du rapport centre-périphérie qui s’instaure dans des zones géographiques spécifiques, il conviendrait de questionner la coexistence, dans un même contexte chronologique, de différentes cultures artistiques, chacune avec ses propres références temporelles d’élection – notamment dans le cas de pôles d’agrégation tels que les aires urbaines. Ainsi, dans la culture « haute » des commanditaires romains au tournant des XVIe et XVIIe siècles, ont coexisté, dans un rayon spatial restreint, la Villa Médicis, la Galerie des Carrache au Palais Farnèse, la collection archéologique Ludovisi au Palais Altemps et les toiles du Caravage à l’Église Saint-Louis-des-Français. Quels sont les effets de cette contiguïté géographique entre intentions diverses et, par conséquent, entre expériences et restitutions différentes du temps ? De quelles manières l’hétérochronie peut-elle se refléter dans l’hétéroclisme de collections contemporaines ?

Hétérochronie et pratiques curatoriales
Dans une perspective plus globale, le passage du moderne au contemporain s’est produit selon des rythmes et des modalités nécessairement variés. Dans le cadre d’une relation inédite entre artistes et communautés œuvrant selon des approches culturelles dotées de leurs propres temporalités, on a assisté à une prolifération de localismes. Quelle est la portée de cette prégnance du temps présent, « épaissie » par des temps différents – comme l’écrit Terry Smith –, sur les modes de fonctionnement des pratiques curatoriales ? Dans quelle mesure les projets d’exposition – Biennales, Documenta – ou les acquisitions et accrochages des institutions muséales en sont-ils le reflet ? Quelles conséquences en résultent pour le marché de l’art ? Comment relire, par exemple, la pratique du reenactment ?

Nous avons le plaisir d’annoncer que Maria Grazia Messina (Université de Florence) a été invitée à co-diriger le dossier thématique du numéro #22 de Studiolo.

Les articles peuvent être publiés en trois langues, français, italien et anglais, et doivent être inédits. Dans les rubriques Dossier, Varia et Débats, les articles doivent être compris entre 30 000 et 65 000 signes (espaces et notes comprises). Dans la dernière rubrique Villa Médicis, histoire et patrimoine, ils doivent être compris entre 10 000 et 45 000 signes (espaces et notes comprises). Les œuvres reproduites doivent être fournies par les auteurs et libres de droits.

Les auteurs devront se charger de mettre en forme leur article selon les normes éditoriales.

L’article doit être accompagné d’un résumé de 800 signes environ et d’une biographie de l’auteur de 800 signes également présentant ses fonctions, ses recherches en cours et ses publications récentes, et complété par son adresse électronique. Ce résumé et cette biographie sont transmis dans un document distinct.

Les images des œuvres reproduites doivent être fournies avec les articles, préalablement autorisées ou libres de droits, dans une qualité adaptée à l’impression (minimum 300 dpi), et accompagnées des crédits et des légendes correspondants.

Tous ces documents sont à envoyer par courriel, au format Word, à ces adresses : histoiredelart@villamedici.it et patrizia.celli@villamedici.it.

Remise des articles : 24 avril 2026
Parution : Printemps 2027

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Directeur de la publication : Sam Stourdzé
Rédacteur en chef : Alessandro Gallicchio

Comité de rédaction :
Francesca Alberti (The National Gallery London), Marc Bayard (Mobilier national), Diane H. Bodart (Columbia University), Luisa Capodieci (Université de Lorraine, CRULH, Nancy), Stefano Chiodi (Università Roma Tre), Frédéric Cousinié (Université de Rouen Normandie), Ralph Dekoninck (Université de Louvain), Jérôme Delaplanche (Centre des monuments nationaux), Antonella Fenech (CNRS / Centre André Chastel), Elena Fumagalli (Università degli Studi di Modena e Reggio Emilia), Sophie Harent (Musée national Magnin, Dijon), Michel Hochmann (EPHE, Paris), Anne-Violaine Houcke (Université Paris-Nanterre), Dominique Jarrassé (Université de Bordeaux Montaigne ; École du Louvre), Annick Lemoine (Petit Palais – Musée d’art moderne de la Ville de Paris), Maria Grazia Messina (Università degli Studi di Firenze), Patrick Michel (Université Charles de Gaulle – Lille 3), Patricia Rubin (Institute of Fine Arts, New York University), Maddalena Scimemi (Università Roma Tre), Tiziana Serena (Università degli Studi di Firenze), Anne-Elisabeth Spica (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Giovanna Zapperi (Université de Genève)

Coordination éditoriale : Cecilia Trombadori
Secrétariat de rédaction : Patrizia Celli
Design graphique : Schaffter Sahli
Éditeur : Éditions Macula

 

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