Appel à communication : « Animal, animalité, bestialité dans les images médiévales », 15e rencontres GRIM-IMAGO (Paris, INHA, 13 juin 2024).
Le GRIM – Groupe de Recherches en iconographie médiévale – est un collectif académique fondé par Christian Heck s’intéressant à l’analyse et l’interprétation des œuvres du Moyen Âge, mais aussi aux corpus et bases d’images qui les rendent possibles. Il est dorénavant lié à IMAGO, association d’historiens de l’art sise au CESCM de Poitiers, et porté par un comité scientifique (Charlotte Denoël, Conservatrice en chef, BnF, département des manuscrits/Centre Jean Mabillon ; Anne-Orange Poilpré, PR, Université Paris 1/HiCSA ; Cécile Voyer, PR, Université de Poitiers/CESCM). Le GRIM organise des conférences ponctuelles (Les rencontres Imago, au CESCM de Poitiers) et des journées d’études (à l’Institut national d’histoire de l’art, à Paris), ouvertes à toutes et tous.
Une place privilégiée est accordée aux interventions des jeunes chercheuses et chercheurs (dès le Master 2).
Les communications durent 20 mn. Elles sont dédiées aux questions de méthodologie et d’historiographie et non à la présentation générale des fruits d’une recherche. Elles éviteront les longues descriptions énumératives, pour se concentrer sur des dossiers précis, et s’attacheront à en expliciter les cadres théoriques.
Animal, animalité, bestialité dans les images médiévales
Déclinant la formule désormais célèbre du linguistic turn, l’anthropologue Sarah Franklin proposait en 2003 celle d’animal turn. Elle entendait ainsi signifier que l’animal ne pouvait plus être appréhendé comme un objet, mais comme un être agissant et interagissant avec l’homme. En réalité, l’anthropologie a toujours considéré la nature et les animaux dans son champ d’étude puisque toute société entretient avec eux des relations réelles ou idéelles, et que de ce fait, ils sont qu’ils sont ainsi partie intégrante des communautés humaines. Force est de constater néanmoins que les animal studies ont largement ouverts les Sciences Humaines à l’exploration des relations entre les hommes et les animaux.
Paru en 1984, le livre du médiéviste Robert Delort, Les Animaux ont une histoire, est un jalon dans l’historiographie française en faisant du monde animal un objet d’histoire, étayé à la fois par l’archéozoologie et la paléontologie. Dans une perspective d’histoire culturelle, les travaux de Michel Pastoureau sur les animaux, développés à partir de sa thèse sur bestiaire héraldique, interrogent le système de représentation à l’œuvre dès lors qu’il s’agit de l’animal (ours, lion, sanglier, cochon, baleine). Entre histoire des sciences et histoire culturelle, les recherches de Baudouin van den Abeele sur la littérature cynégétique ont contribué à éclairer à nouveaux frais les rapports entre humains et animaux au Moyen Âge. Dans cette dynamique, depuis 2014, le projet collectif – Zoomathia – qui a, entre autres, pour ambition de constituer une base de données sur les textes zoologiques antiques et médiévaux possède un axe sur l’image scientifique dans les manuscrits médiévaux. Si la biocodicologie (skin studies), en plein essor actuellement, n’est pas directement liée à l’iconographie ou à la pensée visuelle, elle n’en témoigne pas moins de l’intérêt croissant pour les relations homme/nature et participe de la construction du savoir zoologique tout en interrogeant la matérialité.
De nouvelles questions sur le rapport de l’homme médiéval avec la nature et le monde animal ont été posées par les tenants de l’anthropologie structurale dont Jacques le Goff en usant dans leurs travaux des catégories sur lesquelles se fondent les représentations que les sociétés donnent d’elles-mêmes. Plus récemment, les recherches de Pierre-Olivier Dittmar ont montré que le Moyen Âge constitue une période charnière pour la réflexion naturaliste sur l’animalité. Outre la domination de l’homme sur l’animal (Genèse), deux catégories d’animaux s’opposent : pecus et bestia. Or, avec l’émergence d’une littérature en langue vernaculaire, cette division s’efface progressivement au profit d’une nouvelle conception de l’animal dont le sens exclut radicalement l’homme, entraînant une modification profonde de la conception de la personne en donnant notamment naissance à la notion de bestialité. Les réflexions de Philippe Descola sur la dialectique nature/culture ont aussi conduit à une réévaluation de ces concepts en tant que construction sociale susceptible de variations au cours de l’histoire des différentes sociétés humaines observées. Dans une autre perspective, les études de Giorgio Agamben ont posé la césure homme-animal comme préalable ontologique à la construction de l’identité humaine
Ces nouveaux éclairages philosophiques et anthropologiques ont orienté la recherche en histoire de l’art comme en littérature médiévale (Irène Fabry-Tehranchi et Anna Russakoff, 2014) vers de nouvelles perspectives. Dans leur étude iconographique du bestiaire médiéval, Christian Heck et Rémy Cordonnier ont choisi d’observer les représentations peintes du monde animal, « miroir de la société humaine » grâce aux principes d’analogie et de mimétisme. Citons encore les travaux sur la circulation dans le monde islamique et l’aire chrétienne des fables illustrées de Kalila et Dimna (Eloïse Brac de la Perrière, Aïda El Khiari, Annie Vernay Nouri éd., 2022). Les bestiaires, fables, les romans, les chansons de geste, les vitae offrent un terrain d’enquête privilégié pour réfléchir au rapport homme/animal au Moyen Âge, dès lors que la présence des bêtes dans les images interroge l’idéel, l’imaginaire social. Or, les systèmes de représentation rendent compte de la manière dont sont ordonnés les rapports sociaux et constituent le cadre dans lequel les acteurs pensent et agissent.
Comment les images médiévales traduisent-elles la place de l’animal dans le monde créé, son inscription dans la nature et les liens qui l’unissent à l’homme ? À quelles conceptions du monde renvoie la figuration en s’attachant aux animaux et à l’animal en général ? À partir d’études de cas qui s’attacheront à mettre en évidence leur méthodologie, les interventions de cette journée interrogeront les notions de vivant, d’animal, d’animalité, de bestialité dans les cultures visuelles du Ve au XVe siècle (mondes occidentaux et orientaux).
Informations pratiques
Les propositions de communications (accompagnées d’un CV) sont attendues jusqu’au vendredi 8 mars 2024, à l’adresse suivante :imago.grim.contact@gmail.com
Une réponse sera donnée à la fin du mois d’avril au plus tard.
Le programme définitif sera diffusé par mail et réseaux sociaux, également disponible sur le site du CESCM : https://cescm.labo.univ-poitiers.fr/la-formation/grim-imago/
L’accès aux Rencontres du GRIM est largement ouvert : dès la Licence et le Master, toutes et tous sont cordialement invité.e.s à venir écouter les conférences. Le GRIM ne disposant d’aucun budget, il sera nécessaire de s’adresser aux centres de recherche de rattachement pour une éventuelle prise en charge des frais.
Source : CESCM
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