Appel à communication : « Associations, réseaux, cercles et salons. Regroupements de professionnel.le.s et industrie du cinéma (1917-1961) » (Paris, 28-29 mars 2025)

Marcel de Renzis – coll. CCIAMP.

 

Associations, réseaux, cercles et salons.

Regroupements de professionnel.le.s et industrie du cinéma (1917-1961)

Colloque international Paris 8/Montpellier 3

Les 28 et 29 mars 2025 (Galerie Colbert)

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Les années 1990 ont vu le développement, à la suite notamment des travaux fondateurs de David Bordwell, Janet Staiger et Kristin Thompson, d’études se penchant sur les modes d’organisation du travail créatif au sein des structures industrialisées de production. Visant à analyser l’impact des modes d’organisation sur les œuvres qui y sont produites, ces travaux ont conduit à porter l’attention non seulement sur les processus de fabrication, mais aussi sur les interactions créatives qu’elles induisent, favorisant le développement d’approches interactionnistes, fortement influencées par les travaux d’Howard Becker. S’ils ont permis une observation fine des dynamiques créatives au sein d’espaces institutionnalisés, ils ont, en revanche, prêté moins d’attention à des modalités plus informelles de regroupements des professionnel.le.s du film (liens familiaux ou amicaux, réseaux de solidarité, associations professionnelles ou de loisir, militantisme politique…). En outre, leur focalisation sur les industries cinématographiques dominantes a pu conduire à négliger des modes de regroupement peu institutionalisés, parfois liés à des spécificités culturelles, qui peuvent pourtant également s’avérer influents. Ce colloque se donne alors pour objectif d’interroger les modalités de ces différents regroupements périphériques ou informels, ainsi que le rôle qu’ils jouent dans la production et la circulation des films. En quoi les marges des espaces professionnels influencent-t-elles la production? Comment documenter et mesurer l’impact des échanges qui se font en retrait des plateaux et des studios ? Peut-on faire l’histoire d’un film, ou plus largement d’une production, à partir d’autres lieux que le studio ? Il ne s’agit donc pas de se pencher sur les modes de production alternatifs, mais plutôt sur les liens qui opèrent entre diverses formes de regroupements et l’industrie du cinéma.

Ces regroupements pourront être abordés depuis trois angles d’analyse différents : par le prisme des structures, par celui des trajectoires, et enfin par celui des liens qui connectent ces deux ensembles. Il s’agira en effet, d’une part, d’observer le fonctionnement des différents espaces qui abritent et organisent ces regroupements (associations, cercles, salons, organisations caritatives, organisations politiques, agences, résidences, etc.), en s’intéressant aux modalités de rencontre, d’échanges et d’interactions ayant cours en leur sein. Il s’agira également de comprendre ce que les interactions qui s’y déroulent produisent sur les films : comment, en favorisant les échanges d’idées et de techniques, en connectant les individus ou encore en orientant les recrutements, ces regroupements agissent-ils sur l’émergence des projets, sur la constitution des équipes ainsi que sur les interactions créatives, à toutes les étapes de la fabrique et de la circulation du film ? Sans chercher à minimiser le rôle des espaces formalisés et/ou institutionalisés, il s’agit ainsi d’inviter à complexifier le panorama des interactions, en y intégrant des lieux moins considérés et des interlocuteurs moins directement visibles et en s’intéressant à leurs rapports avec les espaces institutionalisés de l’industrie.

Nous souhaiterions, à travers ce colloque, mener une réflexion à la fois terminologique et méthodologique. Qu’est-ce qui constitue un regroupement, dans le contexte de l’industrie cinématographique ? A quelles conditions peut-on parler de réseaux, et que gagne-t-on à envisager les interactions créatives par ce biais ? Il semble également indispensable de s’interroger sur les outils et approches permettant de saisir ces objets. Comment mobiliser les apports de la sociologie des réseaux dans ce cadre particulier de la création cinématographique ? En quoi d’autres approches, notamment gender ou encore postcoloniales, permettent-elles de renouveler les enjeux et de faire apparaître de nouveaux questionnements ? Enfin, sur quelles sources s’appuyer, afin de mettre au jour ces interactions informelles, qui ne laissent a priori que peu ou pas de traces ?

Parce qu’il s’agit d’étudier les échanges informels en lien avec des industries cinématographiques structurées ou en cours de structuration, et parce que les réseaux et regroupement se forment souvent dans des contextes de mobilités, en partie liés aux évènements politiques, nous faisons débuter ce colloque à l’année 1917. Celle-ci ne représente pas tant un point de départ qu’un point d’observation d’une période de bouleversements politiques majeurs, entraînant des reconfigurations des environnements et engagements politiques, mais aussi d’importants mouvements de circulations de personnes. Elle correspond également à la consolidation du système de studios hollywoodiens, et au début de leur domination sur l’industrie cinématographique mondiale. Symétriquement, l’année 1961 marque, d’une part, la fin du système de studio au sens classique du terme ; d’autre part, une cristallisation politique en deux blocs, conduisant à des reconfigurations des modalités de production – notamment dans leur dimension transnationale –, mais aussi des réseaux de solidarités.

 

Perspective et pistes

 

# Trajectoires et réseaux

Les regroupements pourront tout d’abord être abordés par le prisme des trajectoires, qu’elles soient individuelles ou collectives. Il s’agirait, par exemple, de préciser des modalités de rassemblement propres à certaines professions du cinéma, à certains projets, ou dépendant du contexte culturel dans lequel ils prennent place. D’un point de vue méthodologique, une attention particulière pourrait être apportée à l’articulation entre les échelles micro et macro: en quoi des trajectoires individuelles sont-elles révélatrices de formes de regroupements informels plus structurels qui affectent le milieu cinématographique ? A l’échelle des liens, les propositions pourront également s’intéresser aux canaux de circulation ainsi qu’aux figures de médiateurs (agents, éditeurs, traducteurs…). L’approche depuis les structures invite également à considérer les divers lieux qui accueillent, favorisent et/ou mobilisent des formes de rapprochements et de réseaux. Il s’agira ainsi de faire émerger une variété de structures (salons privés, associations professionnelles, politiques, confessionnelles, mais aussi amicales de loisirs…) pour exposer leur capacité à fonctionner comme des points de rencontre, des espaces d’accueil, de passages. En rapportant ces questionnements aux films qui sont produits dans ce contexte, on cherchera également à analyser les formes de synergie, de transformation d’idées, de pratiques et d’héritages qui résultent de la circulation des acteurs et que les lieux de rapprochement informels favorisent. Symétriquement, on pourrait se demander si les mobilités volontaires comme forcées favorisent ou non la création de cercles liés à cette expérience.

 

#Espaces formalisés, espaces informels

La sociologie simmelienne rappelle en quoi les réseaux ne sont ni des constellations sociales, ni des cercles sociaux, mais naissent au contraire de l’intersection de différents cercles entre eux. Ce colloque s’intéressera donc aussi à la manière dont différentes sphères (politiques, informelles, associatives, familiales, syndicales, industrielles, caritatives, etc.) s’enchevêtrent – les différents cinémas de propagande offrant par exemple des cas d’études particulièrement intéressants d’articulation entre instances étatiques et regroupements politisés. Sous cette perspective, nous souhaitons ainsi mettre en avant la porosité et l’imbrication entre interactions formalisées et informelles, dans des contextes où relations personnelles et professionnelles sont bien souvent entremêlées. Les communications pourront se centrer aussi bien sur des films que sur des figures révélatrices de ces formes d’enchevêtrements.

 

# Échelles d’analyse

Nous souhaiterions également inviter à réfléchir aux différentes échelles – régionales, nationales, transnationales, globales – auxquelles se jouent ces rapprochements et interactions. En partant d’un espace identifié, on pourra ainsi s’intéresser aussi bien aux marges d’arbitrage des groupes locaux, au rôle joué par les organismes transnationaux (qu’ils soient chargés d’assister les migrations de personnes, d’organiser les coopérations internationales, ou la circulation des films), ou encore aux solidarités transfrontalières, souvent liées aux reconfigurations géopolitiques. Ces différentes configurations posent notamment la question des dimensions identitaires qui travaillent ces regroupements, des logiques communautaristes qui les motivent ou encore, à l’inverse, des formes d’entente plurielles qui en façonnent les contours.

 

#Groupes politisés

Ce colloque souhaite enfin porter l’accent sur la dimension politique des réseaux et des regroupements. Il invite notamment à dépasser, par des études de cas précises, la dichotomie traditionnelle entre individus politisés d’une part, et instances de production supposément neutres de l’autre, pour valoriser au contraire la complexité des investissements. On pourra ainsi s’intéresser aux différentes formes d’activisme présentes à l’intérieur ou à la marge des espaces de production, ou encore aux enjeux qui les mobilisent ; mesurer les possibilités d’engagement de différents acteurs dans des situations précises, en identifiant les logiques d’agency ; et plus largement, s’intéresser aux différentes modalités d’action des regroupements politisés sur le contenu des films.

 

Courte bibliographie sélective

—AZAM Martine, DE FEDERICO Ainhoa (dir.), « Art et réseaux sociaux », Sociologie de l’Art – OPuS, n°25-26, 2016.

—ELIAS Norbert, Was ist Soziologie ? Munich, Juventus, 1970.

—GIOVACCHINI Saverio, Hollywood Modernism: Film and Politics in the Age of the New Deal. Philadelphie, Temple University Press. 2001.

—HOCHSCHERF Tobias, The Continental Connection: German-speaking Émigrés and British Cinema,1927-45, Manchester, Manchester University Press, 2011.

—LEMERCIER Claire, ZALC Claire, Méthode quantitative pour l’historien, Paris, La Découverte, 2008.

—LEMERCIER Claire, « Formal network methods in history: why and how? », Social Networks, Political Institutions, and Rural Societies, Brepols, 2015, p.281-310.

—LETONTURIER Éric, Les réseaux, Paris, CNRS Éditions, 2012.

—LETORT Delphine, FISHBACH Erich (dir.), La culture de l’engagement au cinema, Rennes, PUR, 2015.

—LEVENTOPOULOS     Mélisande,    PÓR     Katalin,     RENOUARD     Caroline     (dir.),

« Regroupements, nébuleuses et associations de cinéastes. Concevoir les films en collectifs »,

Création Collective au Cinéma, n°5, 2021.

—MARIOT Nicolas, ZALC Claire, « Destins d’une communauté ou communauté de destins ? Approche prosopographique », Le Genre humain, vol. 52, n°1, 2012, p. 71-95.

—NIELSEN Mike, MAILES Gene, Hollywood’s Other Blacklist: Union Struggles in the Studio System, Londres, British Film Institute, 1995.

—PONTIKES, E., NEGRO, G., & RAO, H., « Stained Red: A Study of Stigma by Association to Blacklisted Artists during the “Red Scare” in Hollywood, 1945 to 1960 », American Sociological Review, vol 75, n°3, 2010, p. 456–478.

—SIGMUND Steffen et al (dir.), Soziale Konstellation und historische Perspecktive, Wiesbaden, Vs Verlag, 2008.

—TIBOR Frank, Double Exile: Migrations of Jewish-Hungarian Professionals through Germany to the United States, 1919-1945, Bern, Peter Lang AG, 2009.

 

Les propositions de communications (maximum 2000 caractères), accompagnées d’une brève présentation bio-bibliographique de leur auteur ou autrice, peuvent être soumises en français ou en anglais, jusqu’au 1er novembre 2024 aux deux adresses suivantes : demoulinfleury.claire@gmail.com ; katalin.por@univ-paris8.fr

 

Comité scientifique

Chloé Delaporte (RIRRA21/Montpellier 3)

Claire Demoulin (RIRRA21/Montpellier 3)

Claire Dutriaux (HDEA/Sorbonne Université)

Mélisande Leventopoulos (ESTCA/Paris 8)

Nedjma Moussaoui (Passages XX-XXI/Lyon 2)

Katalin Pór (ESTCA/Paris 8)

Valérie Pozner (Thalim/CNRS)

Benoît Turquety (ESTCA/Paris 8)

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