Dans le cadre de leurs travaux sur les thèmes du déplacement et des frontières, l’EA LCE de l’Université Lyon 2 et le centre de recherche ALITHILA de l’Université Lille 3 organisent une journée d’études consacrée aux réécritures contemporaines de la Passion christique tant narratives qu’artistiques.
A l’orée de notre civilisation se tient un événement fondateur, un sacrifice premier qui l’oriente définitivement : celui du Christ. C’est-à-dire de la mort du fils pour son père mais aussi du père pour ses fils. Décidant de tout un paradigme intellectuel, l’événement de la Passion hante aussi bien la pensée philosophique, religieuse, notre imaginaire artistique et culturel que notre inconscient collectif. Avec la mort de Dieu et l’ère postchrétienne, la Passion prend un nouveau visage en interrogeant les liens de filiation terrestres. C’est tout particulièrement la révolution psychanalytique qui semble avoir contribué à en modifier notre perception. Freud, avec Totem et Tabou, propose en effet d’y voir une représentation de la fondation du sujet par l’Oedipe où le sacrifice du Christ vient racheter le meurtre du père. Le meurtre du père réel assure ainsi le pouvoir du Père Symbolique qui unifie les sujets en les soumettant à sa loi. De ces réflexions fondatrices, Lacan a déduit la fonction symbolique du Nom-du-Père opérant comme signifiant qui vient se substituer à la mère et imposer l’ordre (le « non du père »).
Cependant la période contemporaine, marquée par la mise en cause des grands récits et un déclin sans précédent de l’autorité, semble mettre à l’épreuve la possibilité et les enjeux du sacrifice, sa symbolique même. Refusant la dimension édifiante d’un récit qui garantissait un monde soumis à un ordre immuable et intelligible, celui du Père inatteignable et pourtant omniprésent, l’époque contemporaine en fait le stigmate d’une époque sans garants, livrée à la perte des significations et à la jouissance individualiste. Avec la fin des grands idéaux qui avaient rêvé l’homme maître de son Histoire, subsiste-t-il encore une possibilité pour la Rédemption ? Nombreux sont pourtant les écrivains qui continuent, de manière ponctuelle ou sous la forme d’un récit complet, de réécrire la Passion. Quelles en sont les modalités et les implications dans notre monde post-moderne et post-oedipien ? Qu’en est-il des représentations contemporaines d’une iconographie longtemps dominante et codifiée ?
Si le mystère et la polysémie du récit biblique justifient la persistance des réécritures, tout porte cependant à croire que le modèle grandiose de la Rédemption est désormais entaché d’un soupçon. C’est l’échec de Jésus qui paraît aujourd’hui fasciner, dans des réécritures souvent axées sur une dimension plus humble du personnage. Cette tension vers le minuscule semble aussi expliquer une certaine attirance pour des figures partiellement délaissées jusqu’alors, des partenaires du Christ jugés de moindre importance. C’est aussi la dimension provocatrice que les artistes mobilisent dans leur travail. On pourra penser aux récentes polémiques déclenchées autour de Serrano et de sa photographie de 1987 Piss Christ. Du blasphème à la satire, la Passion paraît être un lieu privilégié pour un rabaissement du symbole et une littéralisation du rituel, telle l’eucharistie réinterprétée dans son abjecte réalité d’acte cannibale par Jeanette Winterson dans The Passion.
Les communications pourront être consacrées au récit ainsi qu’à l’art contemporain. La journée d’études s’adresse aux chercheurs des différentes aires culturelles, aux comparatistes et aux doctorants. Les communicants disposeront d’un temps de parole de 20 minutes suivi d’une dizaine de minutes consacrées au débat. Les propositions, en français ou en anglais, prendront la forme d’un résumé de 250 mots environ, assorti d’une biobibliographie, et sont à adresser avant le 30 mars aux adresses électroniques suivantes :
emilie.walezak@univ-lyon2.fr
maximedecout@yahoo.fr.
Les articles sélectionnés feront l’objet d’une publication.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.