Appel à communication : « Ergon et Parergon » (Nice, 1-2 février 2017)

Viollet-le-Duc, Decoration interieure du chateau de Pierrefonds, XIXe siècleL’ornement a largement disparu du monde contemporain, et plus encore du panthéon de ses valeurs. Un titre célèbre d’Adolf Loos en faisait un crime (L’Ornement est un crime, 1908), et Le Corbusier voyait dans les objets décoratifs des « défroques rongées de mites » encombrantes, ridicules et malhonnêtes (L’Art décoratif aujourd’hui, 1925). Par plusieurs aspects, l’ornement contredit l’idée moderne d’art : il est accessoire alors que l’œuvre d’art se veut nécessaire ; il a une fonction, alors qu’elle n’est subordonnée à aucune ; il est destiné à autre chose que lui alors qu’elle est à elle-même sa propre fin ; il vise le beau alors que celui-ci a cessé d’être la valeur suprême de l’art. Les adjectifs présents dans les expressions d' »art décoratifs », d' »arts appliqués », et d' »arts industriels », soulignent chacun un point particulier de cet écart : « décoratif » renvoie à l’idée d’embellissement, « appliqué » exprime le caractère additif de l’ornement, « industriel » fait signe vers des procédés de production qui ne sont pas ceux que la modernité a pensés sous la catégorie de création artistique. Toutes ces dénominations font signe vers l’art et en même temps s’en distinguent.

Mais que penser de cette opposition ? L’art n’a-t-il pas d’abord été ornement, comme l’a montré Semper ? L’ornement est, par nature, subordonné à ce qu’il orne. Mais est-ce que cette occasionnalité signifie pour autant qu’il est insignifiant et négligeable ? L’ornement n’a pas de nécessité en soi, mais est-il pour autant superflu et dispensable ? Pour le croire, il faut penser que la chose ornée est auto-suffisante, et que l’ornement est une parure gratuite et indifférente. Il en va autrement s’il existe entre les deux une affinité mutuelle, une convenance, qui transforme la nature des deux termes : alors l’ornement qui met en valeur, loin d’être négligeable, confère un surcroît d’être à la chose qui mérite d’être ornée, et cette dernière acquiert par cet embellissement une sorte d’accomplissement et de puissance accrue.

L’architecture montre que la séparation entre « œuvre d’art véritable » et « simple décoration » n’est pas si simple à faire. Art total auquel contribue une multitude d’arts et d’artisanats (pensons aux cathédrales médiévales et à l’ensemble des corps de métier réunis : tailleurs de pierre, menuisiers, sculpteurs, orfèvres, vitraillistes…), elle lie ergon et parergon dans une totalité indivisible. Pour l’architecte de la Renaissance ou du baroque, l’ornement n’était pas un élément superfétatoire. Bien qu’il soit justement tenu pour le père des fonctionnalismes modernes, Viollet-le-Duc accordait une grande importance au décor des bâtiments et conçut lui-même les décors peints et lambrissés du château de Pierrefonds, les vitraux de la chapelle de Dreux ou le maître autel de la cathédrale de Clermont-Ferrand. C’est à partir de ses réflexions sur l’architecture, que Ruskin voulut non pas tant ennoblir le canton limité et mal vu de la production artistique qu’étaient les arts décoratifs, que faire de l’art tout entier un art décoratif (« il ne serait pas illégitime de voir […] dans l’art portatif une marque de dégradation » (« La manufacture moderne et le dessin », 1859).

Ce colloque entend réfléchir sur la nature, la place et la signification de l’ornement dans le champ des arts. Ces questions, qui intéressent plusieurs disciplines (l’esthétique, l’histoire de l’art et des institutions artistiques, la philosophie de l’art, l’anthropologie), seront déclinées en quatre axes :

Axe 1 – Genèse des catégories d’arts décoratifs, d’arts appliqués, et d’arts industriels

D’un point de vue historique et conceptuel, il s’agira d’étudier l’apparition de ces catégories, les étapes de leurs constitutions, ainsi que leurs inscriptions institutionnelles à partir du mouvement Arts and Crafts, et du Bauhaus. On étudiera leur interdépendance à l’égard d’autres catégories, qui ont elles-mêmes évolué au cours de l’histoire (partition médiévale des arts en « mécaniques » et « libéraux », apparition au cours du XVIIIème siècle en Europe de la catégorie nouvelle de beaux-arts, évolution au cours du XIXème siècle de l’artisanat face à l’industrialisation, actuelle montée en puissance de la catégorie de Design, etc….).

Axe 2 – Arts décoratifs, appliqués et industriels face aux avant-gardes de la modernité

Il s’agira d’étudier les rapports complexes que les arts plastiques – et notamment la peinture abstraite – ont entretenus avec l’ornement, entre opposition ouverte et filiation inavouée ou revendiquée (Kandinsky, Puvis de Chavannes, Lothe, Bazaine, etc.).

Axe 3 – Architecture et arts décoratifs

Il s’agira ici de d’analyser la manière spécifique dont se pose dans le champ de l’architecture la question du lien entre art et décoration (de Villard de Honnecourt, Alberti ou Palladio, à Gropius, Le Corbusier, Jencks ou Venturi, en passant par Ruskin, Morris, Pugin, Viollet le duc, ou Semper).

Axe 4 – Catégorisation extra-occidentales

Dans une perspective comparative, il s’agira ici d’étudier la façon dont se distribuent hors de l’Occident les différentes pratiques que recouvrent en Occident les catégories de Beaux-art, d’arts appliqués, décoratifs ou industriels.

Modalités de soumission

Les propositions, rédigées en anglais ou en français, doivent comprendre :

  • la thématique retenue
  • le nom de l’auteur ou des auteurs
  • une présentation succincte de l’auteur ou des auteurs (100 mots maximum)
  • le titre
  • un résumé de 300 mots maximum
  • une liste de mots clés (5 maximum)
  • une bibliographie essentielle
  • l’engagement écrit et signé à s’acquitter des droits d’inscription de 50 euros au cas où la proposition serait retenue. Ils donnent droit à la participation au colloque et à la gratuité des déjeuners.

Elles seront envoyées au format pdf à Carole.TALON-HUGON@unice.fr et Alexandre.BIES@unice.fr

Les propositions de contribution seront examinées et sélectionnées par le comité scientifique du colloque.

Date limite d’envoi des propositions : 30 octobre 2016.

Les communications, d’une durée de 30 minutes, seront tenues en anglais ou en français. Aucun service d’interprétariat ou de traduction ne pourra être fourni. Les frais d’hébergement et de transport sont à la charge des participants.

Comité scientifique

  • Alexandre Biez (AM, Université Nice Sophia Antipolis),
  • Ondine Breaud (MC Ecole supérieuse d’arts plastiques de Monaco),
  • Carole Talon-Hugon (Pr. Université Nice Sophia Antipolis),
  • Jean-Jacques Wunenburger (Pr. Université Lyon III).

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