La création architecturale, urbaine ou paysagère exige pour voir le jour la participation de nombreux professionnels, demande d’importants investissements financiers, ne peut être l’œuvre de solitaires. Elle est un acte qui engage l’exercice d’un pouvoir et une action sociale, ce qui explique peut-être que les femmes n’y soient venues que tardivement, malgré un intérêt précocement manifesté. Dès l’Antiquité, des bâtisseuses se sont en effet exercées à la maîtrise d’ouvrage, dirigeant des chantiers qui témoignent de leur goût pour l’architecture, mais à quelques exceptions près, comme Plautilla Bricci qui signa en 1663 avec son frère une villa à Rome, ce n’est qu’au XXe siècle qu’elles ont accédé à la maîtrise d’œuvre. Les premières d’entre elles ont été admises dans un établissement d’enseignement à la fin du XIXe siècle et rares sont celles qui ont exercé avant la Première Guerre mondiale. C’est donc véritablement au XXe siècle qu’est apparue la femme architecte, urbaniste ou paysagiste, un siècle qui a été à la fois celui de la professionnalisation de ces métiers, de leur démocratisation et des débuts de leur féminisation. Il existe aujourd’hui des femmes dans tous les secteurs du bâtiment, ainsi que dans l’enseignement, l’écriture et la diffusion de la culture architecturale ; citons par exemple Jane Jacobs, Françoise Choay ou Phyllis Lambert. En ce début du XXIe siècle, le bilan est en demi-teinte : le nombre des étudiantes atteint ou dépasse celui des étudiants, mais elles ne sont, selon les pays, qu’entre 12 et 40 % à exercer.
Les études qui leur ont été consacrées sont encore peu nombreuses et leur développement variable. Le premier pas fut franchi aux États-Unis. Il revient à l’architecte et historienne Susana Torre avec l’édition, en 1977, d’un ouvrage collectif à l’occasion d’une exposition de la Ligue architecturale de New York. S. Torre fut aussi l’un des membres fondateurs des Archives internationales des femmes en architecture (IAWA) créées en 1985 par Milka Bliznakov. Ont suivi la Finlande et l’Allemagne où l’impulsion est aussi venue de l’organisation d’expositions, la première en 1983 à Helsinki, lancée par l’Association des femmes architectes finnoises, et la seconde en 1984 à Berlin, réalisée par la section allemande de l’Union Internationale des femmes architectes, à l’occasion du 7e congrès de cette association créée en 1963 par Solange d’Herbez de la Tour. Ces initiatives mêlaient ainsi à la curiosité historique, le désir militant d’asseoir la reconnaissance des femmes dans cette profession. D’autres catalogues et travaux universitaires ont été publiés durant la décennie suivante au Danemark, en Suisse, en Angleterre et en Amérique latine. Au début du XXIe siècle sont entrés en scène la Suède, la Norvège, l’Australie, le Canada… tandis que les études biographiques ou synthétiques se multipliaient là où le mouvement avait été engagé. Mais il est bien des pays dans lesquels il n’existe encore que peu de choses, comme l’Italie, la Pologne ou la France, même si, ici et là, des initiatives annoncent une évolution comme les centaines de notices que le Dictionnaire universel des créatrices, publié en 2013, a consacré à ces professionnelles ou le numéro 10 de la revue Criticat où, à l’automne 2012, paraissaient Carin Smuts, Paola Vigano, Paulette Bernège et quelques autres.
L’idée à travers cet appel à communications est de susciter un nouveau regard sur les matériaux que chacun a en main pour y traquer tout ce qui révèle quelque chose des femmes, de leur forte présence à leur complète absence, en passant par les formes multiples et variées de leur participation au développement de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage. On le disait, elles sont plus en plus nombreuses à suivre des études dans ces domaines, mais restent peu étudiées. C’est ce silence que l’on cherche à briser par toutes les voies d’approche possibles. Les contributions pourront porter tout autant sur des personnalités que sur des structures professionnelles, suivre une approche biographique qu’historiographique, s’intéresser à l’enseignement qu’à la profession ; bref, rien n’est exclu, pourvu que l’on parle d’elles. En d’autres termes, tout parcours de femmes qu’elles soient impliquées du côté de la maitrise d’ouvrage ou de la maitrise d’œuvre, de l’écriture de l’histoire ou de la diffusion culturelle… toute interrogation sur leur visibilité dans les milieux qui touchent à l’architecture, l’urbanisme et le paysage… toute étude traitant de l’un ou l’autre de ces aspects dans le sillage des Gender Studies seront les bienvenues.
Anne-Marie Châtelet
Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg
EA 3400 – ARCHE Université de Strasbourg
FEMMES, ARCHITECTURE, VILLE ET PAYSAGE
JOURNÉE D’ÉTUDE DOCTORALE D’HISTOIRE DE L’ARCHITECTURE
Paris, INHA, 5 juin 2015
Cycle de journées d’études doctorales en histoire de l’architecture organisées par Anne-Marie Châtelet (ENSA Strasbourg), Hélène Jannière (Université Rennes 2), Jean-Baptiste Minnaert (Université François-Rabelais, Tours)
Date limite d’envoi des propositions : 3 mai 2015
Les propositions de communication (environ 300 mots) sont à envoyer le 3 mai 2015 au plus tard, accompagnées de quelques lignes de CV à :
– Anne-Marie Châtelet : chatelet.schmid@wanadoo.fr
– Hélène Jannière, Université Rennes 2 : helene.janniere@univ-rennes2.fr
– Jean-Baptiste Minnaert : jean-baptiste.minnaert@univ-tours.fr
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