Si l’acception commune de l’arabesque renvoie à une figure ornementale, dessin, ligne musicale, pas de danse, c’est Friedrich Schlegel qui en renouvelle le sens en faisant de l’arabesque le cœur de ses théories esthétiques dans les Fragments de l’Athenäum et l’Entretien sur la poésie qui fondent la pensée romantique [1]. L’arabesque devient l’emblème herméneutique de la poésie, en réalisant la synthèse de la diversité et de l’unité. Schlegel détourne au profit de la littérature le motif pictural du grotesque avec lequel l’arabesque tend à se confondre par synecdoque, désignant à l’origine un réseau d’éléments végétaux stylisés, excluant toute forme humaine, encadrant une image centrale pour la mettre en valeur, tandis que le grotesque se rapporte aux entrelacements d’ornementations, telles que des fleurs et des créatures fabuleuses, découverts dans la Domus Aurea à la Renaissance.
Sans faire l’historique de cette notion, ce colloque se propose de réfléchir à partir de ce moment du Romantisme où la peinture lègue le motif à la poésie en dépassant le décoratif vers une signification essentielle, exhibant la gratuité, la liberté, l’imagination et la supériorité de l’art sur la nature. Unissant les contraires, la courbe et la ligne, l’arabesque donne apparence à l’impossible, se fait chimère et allégorie, hiéroglyphe à déchiffrer. Exaltant le bizarre et le fantasque, elle souligne et transcende le hiatus entre le fini du réel et l’infini de l’idéal, visant une harmonie, une pure abstraction rêvée. De façon réversible, elle symbolise l’écriture dans son pouvoir de création et de recréation incessante, mais aussi la lecture elle-même, dans ses jeux sémantiques démultipliés.
Il s’agira de saisir les enjeux de son évolution et de ses transfigurations en résonance chez les poètes et les artistes majeurs du XIXe siècle (Hugo, Nerval, Gautier, Poe, Baudelaire, Mallarmé, Delacroix, les Orientalistes….) ainsi que ses variations du Romantisme à la Modernité, et de l’Art nouveau aux Avant-gardes (Dufy et Apollinaire, Cendrars et Delaunay, l’abstraction russe, Matisse illustrant Mallarmé, Rilke et Rodin ou encore Valéry, …), suivant alors l’invention de la ligne abstraite à partir de l’Analyse de la Beauté de Hogarth (la « ligne serpentine ») et jusqu’aux formes hélicoïdales ou ellipsoïdales des sculptures d’Anish Kapoor ou du Land art (Spiral Jetty de Robert Smithson), en privilégiant les approches croisées de la poésie et de la peinture, sans s’interdire les développements vers les autres arts, musique, danse ou théâtre.
Colloque organisé par Corinne Bayle, Professeur de littérature française, et Éric Dayre, Professeur de littérature comparée, Directeur du Centre d’Études et de Recherches comparées sur la Création (CERCC), EA 1633, http://cercc.ens-lyon.fr
Proposition à envoyer avant le 15 novembre 2011 à corinne.bayle@ens-lyon.fr et eric.dayre@ens-lyon.fr
[1] Comme l’a montré l’ouvrage d’Alain Muzelle, L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel dans l’Athenäum, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2006.
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