Appel à communication : « Le dégoût : vécu, perception, représentations et histoire » (Aix-en-Provence, 22 mai 2019)

 

Cette journée d’étude prolongera les réflexions introduites dans le cadre du séminaire interdisciplinaire de recherche « Le dégoût : vécu, perceptions, représentations et histoire », organisé au cours de l’année 2018-2019 à la Maison de la recherche d’Aix-en-Provence. Réaction vive provoquée à la vue d’un objet suscitant un mouvement de répulsion, le dégoût semble être spontané, naturel, instinctif. Pourtant, ce sentiment est – à l’instar de bien d’autres – le produit d’un conditionnement social et culturel que certains courants des sciences humaines et sociales se proposent d’étudier depuis quelques années. Comme dans le cadre de notre séminaire de recherche, l’époque moderne, centre des réflexions menées au cours de cette année, continuera de faire l’objet d’une attention particulière. Néanmoins, cette journée d’étude s’ouvrira davantage aux propositions portant sur d’autres périodes. Elle permettra de conclure notre séminaire en élargissant les perspectives d’étude de cette notion.


Un enjeu de société

« Dans la tradition esthétique, le dégoût reste compris comme le négatif du goût. Il désigne ce que le goût condamne » écrit Claire Margat dans son article « Phénoménologie du dégoût[1] ». Le dégoût se définit-il seulement par rapport au goût ? Ne serait-il pas aussi une réaction vive déclenchée par une perception sensorielle ou un jugement moral préétabli en chacun de nous et / ou dépendant d’une subjectivité ?
Les cadavres en décomposition, la nourriture avariée, la torture, la débauche, la difformité, la laideur, le vice, l’immoralité, en somme tout ce qui est source d’un sentiment de répulsion, d’aversion ou d’abjection est communément identifié à la notion, plurielle, de dégoût, que l’on abordera dans ses trois manifestations : physique, morale et esthétique. Le dégoût est en effet avant tout une réaction physique qui naît de la perception de l’abject. Il peut aussi être envisagé comme un sentiment suscité par des pratiques jugées condamnables d’un point de vue moral, social ou religieux et dont on est le témoin, la victime ou l’acteur. Le dégoût peut enfin être de nature esthétique, voire en constituer une fonction, provoqué par tout élément transgressif qui s’écarte d’une norme imposée par le bon goût ; norme qui varie au fil des cultures et des époques. Or, ce qui est objet de dégoût est spontanément mis à l’écart, repoussé parce que repoussant, et dans ce cas comment problématiser le dégoût ? Peut-on penser le dégoût ? Quelles fonctions critiques occupe-t-il dans nos conceptions et représentations du monde ?

Une période d’étude
C’est au départ à la période moderne que nous avons voulu circonscrire l’étude de cette notion plurielle et protéiforme. En effet, le développement, avec le courant humaniste, de traités de civilité, l’essor du processus de civilisation décrit par N. Elias puis au XVIIIe, l’invention du goût au sens subjectif, théorisé notamment par Kant dans la Critique de la faculté de juger, posent quelques jalons d’une approche diachronique de la notion de dégoût. Ainsi la période moderne illustre un certain nombre des mutations dans l’appréhension du dégoût. Cette période a donc été au cœur de nos réflexions et la journée d’étude qui conclura notre séminaire sera davantage ouverte aux autres périodes historiques afin d’inscrire la notion de dégoût dans une perspective diachronique plus large.

Une approche interdisciplinaire de la notion
S’il est impératif d’historiciser l’approche de cette notion, il est également nécessaire d’en confronter les points de vue en associant les apports de plusieurs disciplines : l’histoire (histoire des mentalités, des émotions, des sens, etc.), la philosophie (esthétique, philosophie de la perception) ou encore l’anthropologie. De même, les enjeux de sa représentation en art et en littérature – française et internationale – soulèvent des questions d’ordre esthétique et rhétorique qu’il serait intéressant d’étudier. La confrontation des différentes approches de la notion permettra de voir comment elles se combinent, s’opposent ou se complètent en élargissant nos champs de réflexion.

La journée d’étude
L’organisation d’une journée d’étude sera l’occasion de revenir sur les différents thèmes abordés au cours de l’année dans le cadre de ce séminaire interdisciplinaire de recherche. Tout en prolongeant nos discussions, elle permettra d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion. Les différentes communications éclaireront l’historicisation de la notion de dégoût et affirmeront son caractère interdisciplinaire. Les axes de recherches suggérés sont similaires à ceux du séminaire. Nous restons toutefois ouverts à d’autres propositions.

Le dégoût et ses objets : comment se définit le dégoût et quels sont ses objets ? comment se distingue-t-il d’autres notions (indignation, antipathie, détestation, etc.) ?
De la perception à la représentation : comment est éprouvé, exprimé et représenté le dégoût ?
Dégoût, société et politique : comment le dégoût s’inscrit-il dans le champ social ? comment fait-il l’objet de politiques et de pratiques particulières ?

Thèmes suggérés
le corps (gras, difformité, pilosité, sexualité, cadavres, maladies, fluides corporels, torture),
la nourriture (nourriture avariée, tabous alimentaires, abats),
les lieux (abattoir, cimetière, lieux d’aisance, égouts, marécages),
les profils sociaux (prostituées, ouvriers, vagabonds, fous…),
les croyances (religions, superstitions),
les animaux (charognards, animaux errants, nuisibles),
le déchet,
les objets moraux (vice, péché, pouvoir, inceste, paraphilie).

[1] Margat, Claire. « Phénoménologie du dégoût. Inventaire des définitions », Ethnologie française, vol. 41, no. 1, 2011, pp. 17-25.

Modalités de soumission et organisation
Pour une communication d’une vingtaine de minutes, les propositions comporteront un titre, un résumé entre 300 et 500 mots, ainsi qu’une brève présentation de l’auteur (nom, rattachement administratif, unité de recherche).

Elles devront être envoyées à sjc.degout@gmail.com au plus tard le 17 mars 2019

La journée d’étude se déroulera à la Maison de la Recherche d’Aix-en-Provence, située au 29 avenue Robert Schuman – 13621 Aix-en-Provence, 22 mai 2019

Les éventuels frais de transport et d’hébergement restent à la charge des participants ou de leur institution de rattachement.

 

Comité d’organisation et scientifique
Laura Bordes (CIELAM)
Aurore Guitry (Pratique et théorie de la création artistique et littéraire)
Pierre Léger (CGGG)
Mathilde Mougin (CIELAM/TELEMMe)
Emmanuel Porte (TELEMMe)


Bibliographie indicative

Ancet, Pierre, Phénoménologie des corps monstrueux, Paris, PUF, 2006.
Auzepy, Marie-France, Cornette Joël, Histoire du poil, Paris, Belin, 2011.
Barbafieri, C., Abramovici, J.-C. (éd.), L’Invention du mauvais goût à l’âge classique (XVIIe-XVIIIe siècle), Louvain-Paris-Walpole, Peeters, 2013.
Barles, Sabine, La ville délétère, médecins et ingénieurs dans l’espace urbain (XVIIIe-XXe siècle), Paris, Champs Vallon, 1999.
Burton, Robert, Anatomie de la Mélancolie, José Corti, 2000. 3 vol.
Carol, Anne, Renaudet, Isabelle, La Mort à l’œuvre. Usages et représentations du cadavre dans l’art, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2013.
Chevalier, Louis, Classes laborieuses, classes dangereuses à Paris pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, Paris, Perrin, 2007.
Corbin, Alain, Le miasme et la jonquille, l’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Aubier, 1982.
Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris, Aubier, 1978.
Delville, Michel, Norris, Andrew, von Hoffmann, Victoria (dir.), Le dégoût : histoire, langage, esthétique et politique d’une émotion plurielle, Liège, Presses universitaires de Liège, « Cultures sensibles », 2016.
Douglas, Mary, De la souillure, essai sur les notions de pollution et de tabous, Paris, Maspero, 1971.
Duflo, Colas, « Le système du dégoût. Diderot critique de Boucher », in Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, n° 29, octobre 2000, p. 85-101.
Eco, Umberto, Histoire de la laideur, Paris, Flammarion, 1997.
Ferrière, Madeleine, Nourritures canailles, Paris, Seuil, 2007.
Histoire des peurs alimentaires, du Moyen Age à l’aube du XXe siècle, Paris, Seuil, 2002.
Geremek, Bronislaw, Les marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles, Paris, Flammarion, 1976.
Kalifa, Dominique, Les bas-fonds, histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013.
Kant, Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Paris, Gallimard, Folio Essai, 1989.
Kolnai, Aurel, Le Dégoût, Paris, Agalma, 1997.
Kristeva, Julia, Pouvoir de l’horreur, Paris, Seuil, Points Essais, 1983.
Leplâtre, Olivier, Un goût à la voir nonpareil. Manger les images, essais d’iconophagie, Kimé, 2018.
Le Roux, Thomas, Le laboratoire des pollutions industrielles, Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, 2011.
Margat, Claire, « Phénoménologie du dégoût. Inventaire des définitions », Ethnologie française, vol. 41, no. 1, 2011, pp. 17-25.
Quignard, Pascal, Le sexe et l’effroi, Paris, Gallimard, 1997.
Rosenkranz Karl, Esthétique du laid, Paris, Circé, 2004.
Sartre, Jean-Paul, Esquisse d’une théorie des émotions, Paris, Hermann, 1965.
Vigarello, Georges, Les métamorphoses du gras, histoire de l’obésité du Moyen Age au XXe siècle, Paris, Seuil, 2010.
Vigarelllo, Georges, Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques (coll.), Histoire des émotions. De l’Antiquité aux Lumières, Paris, Seuil, 2016, Histoire des émotions. Des Lumières à la fin du XIXe siècle, Paris, Seuil, 2016, Histoire des émotions. De la fin du XIXe à nos jours, Paris, Seuil.

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