Appel à communication : « Staging the land : l’enjeu de la perception dans la création contemporaine in situ »

Ce colloque propose d’explorer le domaine particulier de la création artistique contemporaine in situ – Land Art, art environnemental, art public, performance – sous l’angle de l’analyse de la perception sensorielle, intellectuelle et esthétique, de l’étude de formes contextualisées / conceptualisées et de leurs modes de représentation. Nous analyserons les types de rapports que ces œuvres sur site entretiennent avec l’observateur, loin des lieux traditionnellement dédiés à l’art. Cette manifestation scientifique accompagne l’installation pérenne de la sculpture Avignon Locators de l’artiste américaine Nancy Holt dans les jardins du campus centre-ville de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse. Cette œuvre in situ, adaptée au site, est une réactivation de Missoula Ranch LocatorsVision Encompassed (Montana, 1972), installation majeure de Nancy Holt démantelée au début des années 2000. L’inauguration de l’œuvre, en présence de l’artiste, se déroulera lors du colloque et célèbrera les quarante ans de la création de Missoula Ranch Locators.

En 1967, le critique d’art Michael Fried ouvre le débat en évoquant ce qu’il perçoit comme une tendance à la théâtralisation dans la création artistique contemporaine. Sous l’influence de Merleau-Ponty, les artistes – minimalistes en particulier – commencent en effet à cette époque à explorer la place du public dans la construction de l’identité de l’œuvre et amorcent un passage d’un mode frontal et cérébral d’observation à un mode plus participatif et sensuel. Selon Fried, des artistes comme Robert Morris ou Donald Judd questionnent l’intégrité de l’œuvre en donnant à l’observateur le rôle, non d’un spectateur/œil, mais d’un acteur/corps.

Ce qui dérange le critique, c’est d’abord la difficulté à définir la catégorie à laquelle appartiennent ces créations. Ces artistes, qu’on hésite encore parfois à qualifier de postmodernes, s’attaquent aux étiquettes – Judd revendique le statut hybride de ses Objets Spécifiques, ni peintures ni sculptures. Entre la non-peinture et la non-sculpture, Fried identifie une voie moyenne, qu’il nomme objecthood, ajoutant de façon provocante: “the literalist espousal of objecthood amounts to nothing other than a plea for a new genre of theatre; and theatre is now the negation of art” (“Art and Objecthood”, Artforum, Juin 1967). Mais c’est aussi la question de l’introduction d’une temporalité dans l’expérience esthétique qui, selon lui, pose problème: “Literalist sensibility is theatrical because, to begin with, it is concerned with the actual circumstances in which the beholder encounters literalist work.” Alors que l’instant est pour le modernisme la base de l’expérience esthétique, l’artiste, performeur et critique Robert Morris affirme alors, “only one aspect of the work is immediate: the apprehension of the gestalt. The experience of the work necessarily exists in time.” (“Notes on Sculpture, Part 2”, Artforum, Oct. 1966)

Dans sa réponse à Michael Fried, Robert Smithson (“Letter to the Editor”, Artforum, Oct. 1967) invite ses contemporains à tourner définitivement le dos à l’approche moderniste. En sortant du studio et en explorant les pistes de l’hyper-contextualisation de l’œuvre sur le terrain, les artistes contemporains de la création in situ, du Land Art en particulier, s’engagent dans la voie de la théâtralisation. Non contents de décloisonner les disciplines – sculpture, architecture, vidéo, photographie – pour repousser les limites de l’expérience esthétique par des gestes qui tiennent autant de la sculpture/performance que du travail de terrassier, ils questionnent la place et le rôle du spectateur. En prenant en charge la documentation de leurs œuvres, ils mettent en scène leur démarche créative au point d’en faire un nouvel objet esthétique. Enfin, en élaborant des œuvres-outils qui requièrent la participation du spectateur-acteur – comme les Locators de Nancy Holt, emblématiques de cette approche – ces artistes invitent l’observateur à reconsidérer la perception qu’il a de son espace, intérieur comme extérieur, selon des modalités nouvelles.

Les domaines concernés sont en priorité ceux des arts plastiques et de la performance en contexte spécifique, sans limitation géographique. Les thématiques et domaines suivants, à titre d’exemple, pourront être explorés, sans que cette liste soit exhaustive :

  • stratégies de l’artiste dans la prise en charge sensorielle de l’observateur
  • développement de l’expérience esthétique dans le temps et l’espace
  • résonance des théories esthétiques (pittoresque, sublime…) dans la création contemporaine in situ
  • tensions médiation / non médiation, site / non-site…
  • réactivation d’œuvres in situ
  • dialogue œuvre / contexte / concept
  • documentation, représentation, transmission  de l’œuvre in situ
  • dialogue local / global
  • exploitation du territoire et nature environnementale, sociale, économique et politique de l’œuvre in situ
  • réhabilitation de sites par l’art
  • nouvelles technologies et création in situ
  • dimension performative des pratiques de création in situ, œuvres à protocoles, etc.

 

Colloque international organisé par l’EA Identité Culturelle, Textes et Théâtralité – Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse.

Les communications se feront en anglais ou en français et ne devront pas excéder 25 minutes. Les propositions de communications (250 mots environ), en français ou en anglais, accompagnées d’une courte biographie (env. 80 mots), devront être envoyées avant le 1er mars 2012. Elles sont à adresser à

Laurence Belingard (laurence.belingard@univ-avignon.fr)
Catherine-Emilie Corvisy (corviem@gmail.com).

Les communications feront l’objet d’une publication après avis du comité scientifique.

SOURCE : http://www.nancyholt.com/

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