Journée d’études organisée par l’équipe de recherche (ARP-UR 4100 HiCSA Paris 1 Panthéon-Sorbonne) en partenariat avec l’ADRA, INHA 11 octobre 2022 (salle Vasari)
Appel à communications (date limite de candidature 1er juin 2022)
Les Artothèques. Histoire(s) de Collections est une manifestation que porte l’équipe de recherche ARP (Artothèque Recherche Patrimoine) de l’UR 4100 HiCSA de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Pour sa deuxième édition, elle abordera l’étude des formes de médiation menées par les artothèques – lieu de prêt d’œuvres d’art – à partir de leurs collections. Le but de cette journée est de rappeler et d’analyser la singularité avec laquelle les artothèques envisagent la relation des publics – emprunteurs et visiteurs – aux œuvres, en mettant notamment à l’étude les actions et les formes de médiation qu’elles ont développées depuis 1976, en France, afin de « permettre à un large public de vivre en contact avec les œuvres [et] de faire entrer, plus que le font les musées, l’art contemporain dans l’intimité quotidienne de ceux qui le désireraient[1] ».
Cette manière d’envisager la rencontre entre les publics et les œuvres, qui distingue les artothèques des musées, héritée des idées du mouvement d’éducation populaire, Peuple et Culture, créé en 1945 et du projet culturel élaboré dès 1965 par la municipalité d’Hubert Dubedout à Grenoble, fondé sur la volonté de « porter la culture à domicile[2] », a été précisée par le ministère de la Culture de Jack Lang qui, en 1982, a transposé à l’échelle nationale l’expérience d’artothèque en bibliothèque inaugurée à Grenoble, afin de concrétiser son projet de décentralisation et de démocratisation culturelle[3]. Dans un modèle de convention qu’il établit, le ministère via le CNAP (Centre national des arts plastiques) fixe les missions de l’artothèque qui sont « de favoriser la rencontre du grand public avec l’expression artistique contemporaine […] [de] permettre à l’ensemble des catégories sociales d’intégrer dans leur environnement quotidien des témoignages de l’art contemporain de haute qualité, […] d’assurer aux œuvres acquises la diffusion la plus large sous forme de prêts aux particuliers et aux collectivités […] de proposer au public des expositions, une documentation ou toute autre forme de sensibilisation à l’art contemporain[4] ».
Ces missions conduisent-elles à concevoir des projets de médiation qui tiendraient spécifiquement compte de la fonction sociale des artothèques, où l’art est mis au service de la communauté et de l’intérêt général[5] ? Plusieurs éléments propres aux artothèques nous amènent à l’envisager, comme les lieux dans lesquels elles sont situées (en bibliothèque) ou les modes de consultation ou d’accès aux collections (rangées dans des bacs, alignées au sol, accrochées sur les grilles d’une cimaise mobile, ou seulement consultables sur un catalogue papier ou numérique) qui modifient l’expérience des publics aux œuvres. Ces modes d’accès aux collections engagent de nouvelles pratiques de médiation qui font écho aux actions de médiation en réserve expérimentées par certains musées, le MuCEM propose ainsi de consulter au sein du CCR (Centre de conservation et de ressources) des collections d’objets en présence d’un régisseur ou d’un membre de la conservation du musée, et d’accéder aux réserves nommées « L’appartement témoin[6] ». Toutefois, le système singulier du prêt aux particuliers et aux collectivités proposé par les artothèques conduit à une médiation unique liée au transfert de la médiation du médiateur vers l’emprunteur, mais aussi au déplacement de l’œuvre de l’institution qui l’a acquise vers le domicile qu’elle rejoint temporairement, permettant à l’emprunteur de « vivre en contact avec les œuvres », de vivre une expérience unique. L’originalité du dispositif de l’artothèque a ainsi fait naître des projets singuliers et des mises en rapport entre les œuvres et les publics uniques comme celui proposé, par Michèle Dollmann et son équipe à Grenoble, autour de l’œuvre Patates 2 de Claire Chevrier, une sérigraphie imprimée sur toile cirée produite en 1997 par le Centre d’art contemporain de Castres. Celle-ci a en effet circulé pendant plusieurs mois en 1998 chez les adhérents volontaires avec la recommandation « de manger dessus, de faire tout ce qu’ils voulaient dessus » et de réaliser des photographies « de ce qui se passait autour de la toile cirée », avant de retourner à l’artothèque pour un banquet en présence de l’artiste[7]. Cette expérience originale montre la grande singularité de la médiation en artothèque et confirme l’engagement des artothèques envers leurs publics. Aujourd’hui, les actions participatives se multiplient, à l’image de celle soutenue par l’artothèque L’inventaire à Lille-Hellemmes qui publie sur son compte Instagram une série nommée « œuvre in situ » ou « collection en partage » réalisées par les emprunteurs[8].
Que nous apprennent ces vies de collections qui circulent de domicile en domicile ? Pourraient-elles permettre de reformuler les modes de médiation du secteur culturel dans son ensemble en tenant compte des modes d’appropriation réels et intimes de l’art par un large public ? Comment les expériences tentées en artothèques renvoient-elles, ou non, à celles vécues en bibliothèques, en musées, en centres d’art ? Les artothèques sont des lieux d’exception culturelle, des lieux situés en dehors de la logique de marché, elles sont aussi des lieux qui ont adopté, avant et plus qu’aucun autre du secteur culturel de l’art contemporain, l’idée, aujourd’hui essentielle, que les publics ne sont ni des consommateurs, ni des collectionneurs et que leur place est au centre de leurs actions[9].
Sous le titre de Vivre en contact avec les œuvres cette journée entend signifier la relation unique que les artothèques peuvent susciter entre les publics et les œuvres en mettant l’accent sur les actions de médiation portées par celles et ceux – médiateurs-rices, artistes, chargé.e.s des publics, chargé.e.s des collections, public médiateur – que cette démarche mobilise au sein et en dehors des artothèques. L’ambition est de faire dialoguer les approches théoriques et pratiques, en donnant la parole aux théoricien.nes. et aux expert.e.s praticien.nes qui mettent en œuvre et élaborent des voies de réflexion ancrées dans une réalité concrète[10], afin d’interroger les modes de médiation et d’actions culturelles portées par les artothèques. En regard de cette orientation, cette manifestation souhaitent poursuivre l’étude historique des collections des artothèques – estampe, photographie, design, vidéo etc. – et de l’écosystème culturel, social et économique – galeristes, éditeurs, imprimeurs etc. – créé, qui constituent ensemble, le cœur du projet porté par l’équipe de recherche ARP[11].
Quelques orientations bibliographiques :
Pascale Ancel, Alain Pessin, Les nons-publics. Les arts en réceptions, Paris, Editions l’Harmattan, 2004.
Les artothèques. Les outils novateurs au service de l’art et des publics, Caen, ADRA, 2002.
Elisabeth Caillet, À l’approche du musée : la médiation culturelle, Presses universitaires de Lyon, 1995.
Cécile Camart, François Mairesse, Cécile Prévost-Thomas, Pauline Vessely, Les mondes de la médiation culturelle, vol. 1 « Approche de la médiation », vol. 2 « Médiations et Cultures », Paris, L’Harmattan, 2017.
Jean Caune, La culture en action. De Vilar à Lang : le sens perdu, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1999, 1ère éd. 1992.
Serge Chaumier, « Musées et patrimoine. Nouvelles formes de médiation, nouveaux projets », L’Observatoire, revue des politiques culturelles, n°51, 2018/1, p. 40-43.
Serge Chaumier et François Mairesse, La médiation culturelle, Paris, Armand Colin, 2017, 1ère éd. 2013.
Jean Davallon, « Réflexions sur la notion de médiation muséale », Élisabeth Caillet, Catherine Perret (dir.), L’art contemporain et son exposition 1, Paris, Budapest, Turin, L’Harmattan, 2002.
André Desvallées, François Mairesse (dir.), Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, Armand Colin, 2011.
Nathalie Nyst, Céline Dupont, Marie-Émilie Ricker (dir.), Médiation muséale et patrimoniale. Enjeux et perspectives, actes du colloque organisé à Beez (Namur), 9-10 février 2012, Edition de la Direction du Patrimoine culturel, Fédération Wallonie-Bruxelles, Documents du Patrimoine culturel, n°5, 2014.
Serge Saada, Et si on partageait la culture ? Essai sur la médiation culturelle et le potentiel du spectateur, Éditions de l’Attribut, 2011.
Cet appel a pour but à la fois de solliciter des communications qui pourront aborder soit la médiation au sein des artothèques et en regard d’actions de médiation réalisées dans les bibliothèques, les centres d’art, les musées, soit l’étude des collections des artothèques, sans limitation géographique ou chronologique. Cet appel vise également à inviter les théoricien.nes. et les expert.e.s praticien.nes qui le souhaitent à contribuer à la table ronde sur Les voies de la médiation culturelle en artothèques : Quels scénarios pour le futur ?
Deux options s’offrent aux chercheurs en histoire de l’art, médiation culturelle, théorie de l’art, sociologie de l’art et aux personnalités du secteur culturel : médiateurs-rices, artistes, chargé.e.s des publics, chargé.e.s des collections etc., qui souhaiteraient participer à cette journée d’études :
– La première option est d’envoyer une proposition de communication (en français ou en anglais) au plus tard le 1er juin 2022 à l’adresse suivante : lesartotheques.hicsa@gmail.com Celle-ci doit inclure un synopsis d’une page, un titre et une présentation biographique de 5 lignes. Les communications seront d’une durée maximale de 20-25 minutes.
– La deuxième est de contribuer à la table ronde prévue sur Les voies de la médiation culturelle en artothèques : Quels scénarios pour le futur ? (en français ou en anglais). Les personnes intéressées doivent se manifester en indiquant dans un court résumé les apports qu’elles pourraient apporter aux débats, ainsi qu’une présentation biographique de 5 lignes. Ces informations devront également être adressées au plus tard le 1er juin 2022 à l’adresse suivante : lesartotheques.hicsa@gmail.com
Comité scientifique et d’organisation :
Arnaud Bertinet (MCF Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Juliette Lavie (Docteure de l’Université Paris Nanterre)
Elodie Derval (Directrice de l’artothèque d’Angers, co-présidente de l’ADRA)
François Mairesse (Professeur Université Paris 3 Sorbonne nouvelle)
Isabelle Tessier (Directrice de l’artothèque de Vitré Communauté, co-présidente de l’ADRA)
[1] Éliane Lecomte, « Les Galeries de prêt d’art contemporain ou artothèques », Médiathèques publiques, n°64, octobre-décembre 1982, p. 34.
[2] Cette citation attribuée à Bernard Gilman est reprise de l’article : « Ceux qui vont s’installer à la mairie de Grenoble pour six ans », Le Progrès, 29 mars 1965, p. 6.
[3] Juliette Lavie, « Transposer à l’échelle nationale « l’expérience pilote » de la Galerie de prêt de Grand’Place à Grenoble 1982-1986 », communication présentée lors de la manifestation Les Artothèques. Histoire(s) de Collections, Journée d’études organisée par l’UR 4100 HiCSA Paris 1 Panthéon-Sorbonne en partenariat avec l’ADRA et le CNAP, 28 septembre 2021.
[4] Voir les articles 1 et 7 de la Convention qui lie le CNAP et l’organisme gestionnaire responsable de la création de la galerie de prêt, n.d. [c.1982]
[5] Serge Chaumier, « Musées et patrimoine. Nouvelles formes de médiation, nouveaux projets », L’Observatoire, revue des politiques culturelles, n°51, 2018/1, p. 41.
[6] Cycle soirée-débat déontologie, Les réserves sont-elles le cœur des musées ?, ICOM France, Paris, Galerie Colbert, 2019, p. 44-45.
[7] Michèle Dollmann dans ADRA, Les artothèques. Les outils novateurs au service de l’art et des publics, Caen, ADRA, 2002, p. 136.
[8] https://www.instagram.com/artotheque_linventaire/?hl=fr
[9] François Mairesse, « Quelle place pour la médiation en 2030 ? », dans Nathalie Nyst, Céline Dupont, Marie-Émilie Ricker (dir.), Médiation muséale et patrimoniale. Enjeux et perspectives, actes du colloque organisé à Beez (Namur), 9-10 février 2012, Edition de la Direction du Patrimoine culturel, Fédération Wallonie-Bruxelles, Documents du Patrimoine culturel, n°5, 2014, p. 17-26.
[10] Céline Dupont, Marie-Émilie Ricker, « Introduction », Ibid., p. 3.
[11] Pour plus d’informations sur le projet ARP voir : http://arp.hypotheses.org
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